« Quand j’ai vu la mer » D’Ali Chahrour : Faire entendre une détresse

8 / 1 / 2025REVIEWS & CRITIQUES« Quand j’ai vu la mer » D’Ali Chahrour : Faire entendre une détresse

La dernière création scénique en date d’Ali Chahrour «Quand j’ai vu la mer», présentée au festival d’Avignon, miroite pour le public les vécus traumatiques de femmes éthiopiennes et libanaises, réduites à une forme d’esclavage moderne au Liban. Ali Chahrour dénonce le système «Kafala», qui fait des ravages, en pleine guerre, dans son pays natal, à travers trois femmes migrantes, victimes de traite.


Par Haithem Haouel, envoyé Spécial au festival d'Avignon


Tena, Zenei et Rania portent haut et bien fort, sur la scène de l’espace FabricA à Avignon, les voix de centaines de femmes migrantes, qui, après une longue traversée, se retrouvent piégées, dénuées de toutes formes de liberté primaires, séquestrées, maltraitées, enfermées, privées de mobilité, déshumanisées.


Dans une mise en scène d’une grande technicité et d’une maîtrise remarquable, mouvements du corps et sonorités fusionnent afin de crier sévices et injustices, lutte sans merci et résistance féminine pour dénoncer un fléau, celui de l’exploitation «d’êtres humains», spécifiquement, celles des femmes travailleuses, soumises à des conditions insoutenables. A Avignon, le public a retenu son souffle durant, au moins, trois représentations. Quand l’art devient un rempart à l’injustice ou quand le cruel est exprimé à travers le beau et l’esthétique, le message prôné parvient, en grande partie, à interpeller.

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«When I Saw the Sea» est le titre original de la création phare. Elle s’impose dans la continuité des précédents accomplissements de Chahrour comme «Told to My Mother», ou «The Love Behind My Eyes». A la différence près qu’en 2025, Chahrour s’ouvre sur des problématiques récurrentes qui sévissent dans les pays du sud, tout en partant de son Liban natal, broyé par la guerre et les difficultés économiques.


L’artiste parvient à narrer et à créer des liens entre souffrances communes de peuples en difficulté et de leurs franges sociales, aux prises à des épreuves de survie.


Le cri d’alerte lancé à travers «When I saw The Sea» s’est propagé à travers le pouvoir du corps et de l’expression artistique des interprètes, à commencer par le chant, le théâtre et la danse. Bien qu’elles ne soient pas issues du domaine artistique, les trois protagonistes, d’origine éthiopienne et libanaise, transcendent par leurs gestuelles et leurs voix magnétiques.


La création est portée par la musique de Lynn Adib et Abed Kobeissy, en apparence discrets sur scène, mais qui nourrissent la création en musique. Une partie du public, qui est familière aux créations d’Ali Chahrour et à ses thématiques, découvrira finalement une tentative nouvelle du créateur, de vouloir décortiquer, raconter, traiter de thématiques plus larges, et de s’ouvrir ainsi au-delà des frontières de son pays. Raconter d’innombrables maux de l’époque moderne, telle est la vocation principale du théâtre et des arts vivants… après tout.

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