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« Dans la peau de l’autre » de Pepe Elmas Naswa. Cie Pepenas :  « La danse du Serpent » à l’honneur
REPORTAGES10 / 8 / 2022

« Dans la peau de l’autre » de Pepe Elmas Naswa. Cie Pepenas : « La danse du Serpent » à l’honneur

La République Démocratique du Congo est à l’honneur ce soir au théâtre Municipal de Tunis. Toujours dans le cadre de « Dream City », à partir de 20h30, le public peut découvrir le spectacle de danse «Dans la peau de l’Autre » de Pepe Elmas Naswa / Cie Pepenas.


Après une série de concerts musicaux programmés dans le cadre de la 8ème édition de « Dream City », place à la danse au théâtre municipal de la Capitale. Le 9 octobre, les artistes s’emparent de la Place Beb Souika à partir de 17h afin de présenter aux passants leur performance.


« La danse du serpent », venue tout droit de Kinshasa a été valorisée à travers ce travail scénique développé par Pepe Elmas Naswa, qui en aout 2016, a pu découvrir cette art local pratiqué dans le cadre d’une fête populaire.

Cette danse est pratiquée à Kinshasa au Congo par les enfants de la rue et les jeunes gangsters de la région, couramment appelés « Les Chégués » et « Les Kuluna ».

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Une danse transposée à Tunis sur scène, et qui est révélatrice du malaise d’une partie déshéritée et désabusée de la jeunesse congolaise. Un cri d’alerte, exprimé à travers les corps, qui peut faire écho à d’autres jeunesses appauvrie dans le monde.


Le spectacle est dansant : chorégraphie contemporaine engagée et musique traditionnelle revisitée accompagnent les danseurs congolais. Sept interprètes exprimeront un langage corporel hybride, universel, qui fait résonner un chaos sonore et visuel, émanant notamment des nuits nocturnes enflammées de Kinshasa. Pepe Elmas Naswa a procédé à des ateliers de réflexions avec ses danseurs.


« Dans la peau de l’autre » est l’aboutissement d’ateliers de créations et de réflexions. Un travail qui a initié tous les artistes participants à « la danse du serpent ».


Un art qui sera présenté au public tunisien dans le cadre de « Dream City ».



« Dans la peau de l’autre » de Pepe Elmas Naswa. Cie Pepenas : « La danse du Serpent » à l’honneur
Essia Jaïbi, metteuse en scène et dramaturge : «J’aime que le théâtre soit le sujet et l’outil»
ENTRETIENS10 / 4 / 2022

Essia Jaïbi, metteuse en scène et dramaturge : «J’aime que le théâtre soit le sujet et l’outil»

Dans «Métamorphose #2» d’Essia Jaïbi, le spectateur est comme happé dans un espace/temps parallèle. Immersive et saisissante, la performance théâtrale d’une quarantaine de minutes pousse à la réflexion grâce à la portée de sa thématique et est distinguée par sa mise en scène et son aspect technique. Enrichie par l’interprétation de Jalila Baccar, elle s’inscrit dans un théâtre contemporain, anti-conventionnel, propre à la metteuse en scène et dramaturge.

Crédit photo : L'art Rue et Bachir Tayachi


«Métamorphose» rime avec «Transformation», «Mutation» et surtout «Incarnation», comme c’est le cas dans «Métamorphose #2», votre dernière création en date, programmée dans le festival «Dream City 2022». D’où émane cet intérêt pour cette thématique en particulier ?


Le thème de la «Métamorphose» était présent dans ma tête depuis un bon moment. Il avait pris de l’ampleur pendant la pandémie du Covid-19. Un thème qui m’avait davantage hanté pendant cette période critique et je ne savais pas comment l’exprimer : je n’avais pas envie d’en faire un spectacle en entier ou d’écrire un texte. C’était flou ! Quand l’association «l’Art Rue» a proposé son format particulier du DPDW en 2021, et qui consistait à créer de petites performances digitales, ça a fait tilt ! J’avais cette envie de travailler le digital et je trouvais que le passage du vivant au digital était une «Métamorphose» et une transformation pour l’artiste. C’est ainsi que s’est présenté le cadre qui correspond à cette thématique. J’ai donc commencé à explorer : Au départ, j’avais exploré dans «Métamorphose #1» le mythe de Narcisse que j’ai transformé en incluant «Echo», le personnage féminin dans le but de ne pas axer uniquement ma création sur le personnage masculin de Narcisse. Sur cette base, j’ai retravaillé ou métamorphosé le mythe original. Depuis, quand on m’a reproposé de travailler sur ce même thème en octobre 2021, j’avais envie de l’explorer encore mais d’un angle plus proche de moi. Et la toute première métamorphose que j’ai connue dans ma vie était celle de ma mère Jalila Baccar, la comédienne. Elle n’a jamais cessé d’incarner différents rôles en passant d’une vieille dame à une journaliste, activiste ou à une Serial Killer. Quand j’étais petite, ce n’était pas clair pour moi : la différence entre le réel et la transformation n’était pas limpide pour l’enfant que j’étais. J’ai fini par comprendre, au fur à mesure du temps, le sens de toutes ces métamorphoses. Au fur à mesure que j’évoluais, je comprenais ce que c’est qu’une «Métamorphose» et saisissais son lien avec la réalité.


  • «Métamorphose #2» est un dialogue et c’est écrit comme un dialogue".

Concernant la forme et la genèse de la performance : «Métamorphose #2» —que beaucoup ont découvert en ligne— s’est, à son tour «métamorphosée». Pouvez-vous revenir sur sa conversion du virtuel au format actuel ?


D’habitude, on fait du théâtre, du live et on le filme pour que cela passe au digital. Ici, c’est le contraire qui s’est produit. Dans «Métamorphose #2» en digital, j’ai travaillé principalement afin de créer une image pour la caméra. Tout était axé sur la caméra et il y en avait trois : on travaillait sur la lumière, le regard et c’était très technique. La temporalité de la création a changé : on est passé de 20 min à 40 min en creusant beaucoup plus les thématiques qu’on avait survolées dans le DPDW. Esthétiquement, je suis revenue à la scène, ce qui offre des possibilités multiples en prenant en considération le regard du spectateur ou comment retrouver son regard en vrai. C’est un enjeu en soi ! L’aspect technique est toujours présent mais il s’est transformé pour garder l’essence de «Métamorphose #2» tout en s’adressant à quelqu’un du public qui est présent et qui regarde directement ce qui se passe. C’est une autre intensité qui s’en dégage !

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«Métamorphose #2» se déroulera pendant toute la 8e édition de «Dream City» et jusqu’au 9 octobre 2022 à Dribet Dar Hussein, ce lieu de la médina, qui n’a rien d’une scène de théâtre. Est-ce un choix voulu ? Est-ce une manière pour vous de continuer à faire du théâtre dans ou en dehors d’une salle ou d’une scène classique mais en cassant avec le théâtre conventionnel ?


C’est les deux à la fois ! Même si on me donne une scène de théâtre, j’ai souvent la convention théâtrale scène/salle comme c’était le cas dans «Madame M» où je fais monter le public sur scène. Comme dans «Flagranti» aussi où une partie de la pièce se passe soit dans les gradins soit à partir de la rue en arrivant sur scène. J’aime beaucoup faire cela ! Dans le cas de «Métamorphose #2», vu qu’on est dans «Dream City» qui nous offre la possibilité d’explorer des lieux qui ne sont pas théâtraux, j’ai dû faire un choix entre trois lieux en optant pour Dribet Dar Hussein. Un lieu que j’ai beaucoup aimé par son cachet, par son côté vieux, esthétiquement, chargé de rugosité. Un lieu en contraste par rapport à la forme que j’ai fait prendre dans «Métamorphose #2», cette fois-ci : celle qui lie modernité et histoire. Une rencontre que j’aime beaucoup faire. Un lieu rempli d’histoire, un lieu où les vieilles pierres sont présentes et/où on vient installer quelque chose de très contemporain, qui ressemble à la performance actuelle. Ceci reste un challenge parce que quand on sort d’un théâtre, souvent on ne possède pas les conditions habituelles, mais cela offre d’autres larges possibilités pour explorer autrement le rapport scène/salle, public/acteur.


Le théâtre est le meilleur outil pour s’interroger lui-même. C’est un art qui est infiniment riche et qui permet de faire beaucoup de choses.

«Métamorphose #2» est aussi une écriture commune…


Ma mère a beaucoup plus d’expérience que moi en écriture et en dramaturgie. Ce qui était intéressant surtout, c’est la rencontre de nos visions différentes du théâtre. Elle a sa manière à elle d’écrire, j’ai la mienne. Je suis beaucoup plus décalée dans ma manière d’écrire. Elle, elle est beaucoup plus frontale. On n’écrivait pas réellement ensemble mais on se rencontrait pour en discuter, pour décider de ce qui reste, de ce qui s’enlève et pour trouver le commun dans tout cela. Un processus qui était très enrichissant et différent de ce que j’avais fait avant sur d’autres spectacles. «Métamorphose #2» est un dialogue et c’est écrit comme un dialogue.


Votre performance est un dialogue qui se déroule entre Jalila Baccar et vous. Dans quel but avez-vous opté pour cette construction ? Quelle est la portée de ce dialogue et son importance pour vous et pour le public ?


Tout l’intérêt était là ! Celui de confronter ma vision à la sienne, de mettre ce rapport mère/fille, comédienne/metteure en scène, deux femmes qui ne sont pas de la même génération, qui vivent dans un même pays sans avoir le même âge. Deux regards différents sur ce pays, cet art qu’on pratique toutes les deux, sur deux expériences de vie différentes. Chacune ne parlait pas ou ne racontait pas toute seule. Dans «Métamorphose #2», c’était «comment se rencontrer pour raconter à deux ?».


Peut-on dire que «Métamorphose #2» fait écho à la carrière de Jalila Baccar et aux personnages phares qu’elle a déjà interprétés ?


Pas uniquement. C’est vraiment une petite partie de ce qu’est «Métamorphose #2». Oui, on fait appel à ses personnages qui la hantent mais qui m’ont hanté moi aussi et qui reviennent souvent dans un geste, dans un mot, dans une posture. Souvent, c’est à peine perceptible dans une phrase, dans un terme… Mais ce n’est pas l’axe central dans la création. Ça l’était davantage dans la version digitale mais on avait envie d’aller plus loin : c’est toujours présent parce qu’on fait appel à ses propres métamorphoses mais cette fois-ci, elle vit également une nouvelle métamorphose puisqu’elle joue un nouveau rôle et c’est ce qui est intéressant.


Dans cette création, c’est du méta-théâtre pour nous : on fait du théâtre pour parler du théâtre lui-même, en traitant aussi de notre rapport à cet art.
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Dans «Madame M», vous avez mis en scène Jalila Baccar dans le rôle de «Malika». Dans «Métamorphose #2», vous la mettez en scène aussi. C’est un travail de mise en scène effectuée sans doute différemment. Où réside cette différence ?


(Rire), c’est en effet très différent. «Madame M» est mon premier spectacle. Un travail effectué en groupe. Jalila Baccar n’était pas seule sur scène : il y a eu un long processus effectué avec les autres comédiens et comédiennes pour qu’on comprenne l’histoire et pour que Jalila trouve sa place : elle a suivi notre rythme en ayant un regard bienveillant sur nous et en acceptant que nous étions en train d’apprendre. Sa présence m’avait beaucoup aidée et encouragée et sur scène, c’était un personnage intégré parmi d’autres. Dans «Métamorphose #2», elle est seule sur scène et on est allé beaucoup plus profondément dans les sujets qu’on traite. Ici, dans cette création, c’est du méta-théâtre pour nous : on fait du théâtre pour parler du théâtre lui-même, en traitant aussi de notre rapport à cet art. Comme projet, c’est beaucoup plus personnel. On est allé chercher ailleurs et bien plus loin. Trois ans après, j’ai acquis plus d’expérience depuis «Madame M». Je suis plus confiante pour la diriger dans le cadre d’une performance où elle est seule sur scène. Rappelons que c’est la 2e fois que Jalila Baccar est seule sur scène. La première était dans «A la recherche de Aida» en 2000. Et là, oui, on est un tandem mais il ne faut pas oublier qu’il y a toute une équipe, derrière, mobilisée pour concrétiser ce travail : il s’agit de tout un travail collectif, l’énergie de tout un groupe nécessaire à la réalisation de «Métamorphose #2».


Que pouvez-vous nous dire, sans «Spoiler», sur l’aspect technique distingué de cette performance ?


Pour moi, la technique est très importante, de nos jours, pour faire du théâtre. Elle est très présente dans nos vies et je tiens à la mettre au service du théâtre que je fais parce que cela nous permet d’aller plus loin dans certaines choses et me permet d’être ancrée dans mon époque, dans mon temps et de m’adresser aussi au public que je veux large. Pour cela, il y a un grand travail de recherche, de fabrication, d’expérimentation, qui avance en amont de la direction d’acteurs et du travail de comédienne et de metteure en scène. Que ce soit par rapport à la lumière avec Bastien Lagier, à la musique avec Karim Htira, à la scénographie avec Mohamed Ouerghi et Bastien aussi, Hajer Chaouch, Feirouz Sendesni, Elyes Yahyaoui, Sourour Saidani, Boutheina Nabouli… On a exploré des choses qui étaient nouvelles pour nous mais qui nous permettent d’aller plus loin dans ce qui est une performance théâtrale aujourd’hui. Il y a toute une équipe et tout un travail qui se fait en parallèle au reste et, sans cela, ce que je ferais en tant que dramaturge serait peut être intéressant mais pas assez mis en valeur. Le théâtre est un tout, surtout dans cette performance, maintenue dans un lieu tel que «Dribet Dar Hussein», où il fallait recréer beaucoup de choses.


Le passage du vivant au digital était une «Métamorphose» et une transformation pour l’artiste.

«Métamorphose #2» est un échange aussi autour du théâtre. Peut-on dire qu’elle interroge votre existence en tant que metteure en scène de nos jours ?


(Rire) Je saurai peut-être répondre à cette question à la fin de «Dream City» ! J’interroge tout le temps mon rôle en tant que metteure en scène. Je voulais que cette interrogation s’intensifie quand je suis dans un rapport en duo avec ma mère, son expérience à elle, son talent. Ce questionnement est aussi un processus : on passe par des périodes de doute, de réflexions. On se demande souvent «Pourquoi on fait ce métier ? Quelle est notre place ou rôle au sein de cette société ?». Des questionnements toujours présents à chaque création, mais peut-être qu’ils prennent plus d’ampleur dans une œuvre comme celle-ci.


Dans vos précédents accomplissements, vous avez déjà interrogé le théâtre comme dans «On la refait !», ou «Klash!». Est-ce que dans «Métamorphose #2», cette interrogation s’inscrit toujours dans la continuité de votre travail ?


Cela s’inscrit ! Je suis d’accord. J’aime que le théâtre soit, à la fois, le sujet et l’outil parce rien n’est acquis dans le théâtre non plus. Ça rejoint cette idée de transformation des lieux et des conventions. A chaque fois, j’ai envie de parler du théâtre pour savoir où on en est et ce qu’on a envie d’en faire, nous en tant que nouvelle génération. «Comment on perçoit cet art ? Qu’est-ce qu’on garde et qu’est-ce qu’on a envie de renouveler ?». C’est un processus permanent et le théâtre est le meilleur outil pour s’interroger lui-même. C’est un art qui est infiniment riche et qui permet de faire beaucoup de choses.


Depuis mai 2022, «Flagranti», votre dernière pièce de théâtre en date, continue simultanément sa route et sa percée. Elle est également programmée dans le cadre de «Dream City»…


Je suis très contente de retrouver «Flagranti» aussi. (Rire) Une expérience totalement différente, et autre, à l’opposé de «Métamorphose #2». «Flagranti» est un projet, produit par «Mawjoudin We Exist» et coproduit par «L’Art rue». Il compte énormément pour moi et je pense qu’il fait son bout de chemin et pas sans difficultés. Il traite d’un tabou qui est encore très mal perçu de nos jours. Il est difficile d’en parler en Tunisie. Je considère qu’il est donc nécessaire d’en parler de nos jours, et quand le théâtre prend en charge ce genre de sujet, cela me permet de réfléchir différemment le sujet. C’est un spectacle qui raconte autre chose du pays, une autre facette et qui touche ici la majorité des gens qui viennent le voir. Vous pouvez venir le voir prochainement dans le cadre du festival « Jaou Tunis » (le 9 octobre 2022 à 19h00) à la salle le Rio, le seul espace qui nous a ouvert ses portes.

Essia Jaïbi, metteuse en scène et dramaturge : «J’aime que le théâtre soit le sujet et l’outil»
Anis Lassoued, réalisateur : «“Gadeha” est la greffe d’une société sur l’autre»
ENTRETIENS10 / 3 / 2022

Anis Lassoued, réalisateur : «“Gadeha” est la greffe d’une société sur l’autre»

«Gadeha-une seconde vie» d’Anis Lassoued peut être vu comme une fable, hymne à la vie et à ses aléas. Le premier long-métrage du réalisateur évoque la préadolescence de «Gadeha», ce jeune enfant à la destinée exceptionnelle. «Gadeha-une seconde vie» est un film doux-amer, sorti dans les salles le 28 septembre 2022. Anis Lassoued, son réalisateur, nous en parle davantage.


Vous avez, à votre actif, de nombreux courts-métrages et réalisations. «Gadeha-Une seconde vie», votre dernière réalisation, est actuellement dans les salles. Le thème de l’enfance a souvent fait partie de votre univers et ce premier long-métrage l’atteste…


Afin de réaliser ce film, on a pu avoir la subvention en 2017. Chema ben Chaâbène et moi, on a commencé à développer. Un développement qui nous a pris deux ans de travail pour trouver l’argent, les partenaires du film, les sponsors, les fonds, etc. L’idée de «Gadeha», je l’ai entamée avec Chema ben Chaabene: l’écriture de ce film a été menée à deux. L’écriture, cette étape de base, mène ensuite à la mise en scène : on commence à écrire ses personnages, à les connaître… La coécriture, pour moi, a toujours donné ses fruits. C’est ma manière de travailler : c’est aussi cela «Développer son écriture». L’écriture ce n‘est qu’une étape, parmi d’autres, de la préparation d’un film : l’écriture, c’est la réalisation, la mise en scène, le montage. Ce travail accompli sur «Gadeha» vient après le succès national et international de «Sabbat el Aid», mon court-métrage qui a sillonné de nombreux pays, 200 festivals de cinéma et manifestations, et a bénéficié d’une distribution en France, en Tunisie, en Chine et est passé même en Inde. J’ai tourné une série de documentaires, toujours centrés autour de l’enfance. Chronologiquement, ce film s’inscrit dans la continuité de mes réalisations. «Gadeha» a subi de plein fouet les aléas de la pandémie du Covid-19, ce qui a aussi ralenti sa sortie.


«Gadeha-Une seconde vie» se déroule à Hammamet. Un film puissant par son aspect citadin, contrairement à tes précédentes réalisations qui se passent dans des régions rurales….


En effet, je passe au fil de mes réalisations de la nature sauvage au village, puis à l’urbanisation et à la vie citadine. Dans «Gadeha», j’ai choisi la grande ville de Hammamet avec ses composantes : ses touristes, ses institutions, sa police … en optant pour deux dialectes tunisiens, je miroite deux classes sociales présentes et visibles dans le film. Le film tourne autour d’un noyau familial déchiqueté des suites du déménagement d’une famille pauvre, issue d’une région rurale et de son adaptation, pas du tout évidente, dans une ville côtière.


Peut-on dire que «Gadeha-Une seconde vie» traite d’une lutte des classes sociales ?


Ce même noyau familial fragilisé subit la fuite de la figure paternelle, raconte l’abandon d’une mère et de ses enfants… «Gadeha» est la greffe d’une société sur l’autre. C’est la métaphore du film que j’ai concrétisé avec l’histoire de la greffe du rein et qui a permis aux destins des deux familles, l’une pauvre et l’autre riche dans le film, de s’entrechoquer. Deux familles qui ont opté pour des arrangements moraux afin d’aboutir à un vivre-ensemble.

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Votre film traite de thématiques assez lourdes. Est-il pour tout public ou destiné davantage à un public jeunes/enfants ?


Je fais un film sur l’enfance et pour l’enfance. Je dépends de cette thématique. Le film est vécu à travers des yeux juvéniles. Ma cible, c’était les jeunes et les enfants de l’âge de «Gadeha». L’enfant qui vit toujours en décalage par rapport à l’adulte : tout ce qui paraît normal pour un adulte est vécu en catastrophe par l’enfant et l’adolescent. Notre vécu, en étant enfant, peut nous marquer à vie, changer notre perception de la ville et impacter notre relationnel. Certains comportements peuvent être fatals. «Gadeha» est une balade visuelle vécue à travers les yeux de cet enfant, héros du film, interprété par Yassine Tormsi. Questionnements, interrogations du petit n’ont cessé de surgir. On a opté, Chema ben Chaâbene et moi, pour une écriture qui n’est pas classique et qui consiste à regarder à travers les yeux de «Gadeha» : si le personnage ne sait pas, le public ne pourra rien savoir. C’est l’instantanéité du moment et du vécu qui est mise en valeur et qui fait la construction du film. On permet au spectateur de vivre cette expérience comme il a envie de la vivre : on se dégage de «Gadeha» ou on se laisse glisser dans la peau de «Gadeha». La caméra devient collée à l’enfant, jusqu’à la fin du film. On ne fait rien de la mère, de la sœur, du père évoqué… J’ai laissé à chacun la liberté de comprendre les personnages du film et la libre interprétation de comprendre les événements aussi. Le spectateur construit son histoire, le cheminement.


Pour le choix des acteurs, la plupart sont méconnus. Etait-ce voulu ?


Ce sont des enfants. Et c’est très difficile de trouver des enfants comédiens en Tunisie. J’ai pu les repérer des suites d’un casting sauvage : j’ai passé une année à chercher «Gadeha» et l’interprète de Oussema, des deux motards, de la petite fille… jusqu’à avoir trouvé Yassine Tormsi. J’ai fait des interviews filmées aux enfants retenus : il y a cette sensibilité que l’enfant dégage, sa présence, comment il parle de sa vie… Il faut en savoir plus sur l’enfant pendant le casting. J’ai contacté de nombreuses écoles pour trouver Ahmed Zakaria Chiboub, le 2e enfant acteur. «J’ai casté» une cinquantaine d’enfants pour dénicher les motards. Pareil pour la petite fille que j’ai vue par hasard, dans la rue avec son père. «Borkana» est interprétée par une dame que j’ai rencontrée à Bizerte «Dorsaf Ouertatani» qui n’a jamais joué auparavant. Elle a fait écho au rôle avec sa présence, son apparence et son fort caractère. Trois mois avant le tournage, on a fait un atelier de théâtre. Et avec l’aide de Fatma Felhi, on a «coaché» les enfants acteurs aussi et leurs doubles, parce qu’il faut toujours avoir un double sur des tournages pareils. Encore plus important, le dialecte et le langage prononcé par ces enfants : les dialogues ont émané et ont été extraits de la bouche des enfants au fil de l’écriture. C’est ainsi qu’on a construit cette fiction mélangée à la réalité.

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Le film nous a permis de revoir des acteurs connus comme Jamel Laroui ou Anissa Lotfi. Comment s’est fait le contact avec eux ?


En effet, j’ai pris contact avec Jamel Laroui qui n’a pas joué depuis plus de 14 ans. J’avais besoin de lui pour le rôle d’un bel homme, qui a de la présence, père d’un enfant, marié… Il a été très heureux d’incarner le rôle. Anissa Lotfi a un âge et crédible : son regard malicieux est unique. Elle épousait le rôle.


Le tir-à-l’arc est un sport qui a fait partie intégrante du film. Comment s’est déroulée cette initiation et quel est son sens ?


On a fait deux mois d’entraînement de tir-à-l’arc pour tous les enfants. C’était aussi une occasion de les divertir et de les «coacher» avec l’entraîneur de l’équipe nationale. Cela faisait partie des préparatifs du tournage. Autant de préparatifs qu’on devait accomplir en ayant la confiance des parents et avec leur assistance. Quand j’ai des enfants sur le tournage, j’organise un déjeuner, chez moi, à Nabeul, en présence de ma famille et des familles de mes enfants-acteurs : ça rassure ces derniers quand ils connaissent mes parents, ma famille à moi, mon environnement. Cela nous rapproche ! Huit semaines avec cinq enfants sur le tournage ont nécessité un très grand effort et un travail double. Il faut entretenir cette patience en groupe : celle de l’équipe technique, des enfants, des parents, de tout le monde sur le plateau. On ne peut être que reconnaissants du travail de toute l’équipe technique du film.


Le film allait s’appelait «L’arc», un objet central dans le film…


«L’arc» est la métaphore par excellence du film : cet instrument nous a inspirés. Le rôle des parents c’est de tirer les enfants le plus possible vers le futur. Les arcs sont cassés dans le film et les enfants tournent les arcs contre les parents. Un geste qui rime avec «Mauvaises décisions» et «mauvais choix des parents.». L’arc est lié à la cible et l’enfant évolue vers la fin. Une fin qui tend vers l’évolution. Je tiens à préciser que je ne condamne personne dans ce film et que la dignité de chacun et chacune des personnages est valorisée. C’est un film sur l’amour, le partage, la colère, l’amitié. On fera en sorte de le projeter aux adolescents, aux enfants, en présence des parents et du corps enseignants des institutions éducatives. Mon objectif est de le passer dans 100 collèges et que des adolescents collégiens puissent le voir au maximum.

Anis Lassoued, réalisateur : «“Gadeha” est la greffe d’une société sur l’autre»
Lamine Nahdi : «Tisser du comique, c’est un don !»
ENTRETIENS10 / 1 / 2022

Lamine Nahdi : «Tisser du comique, c’est un don !»

«Nmout Alik» est le dernier spectacle de Lamine Nahdi, adapté et mis en scène par Moncef Dhouib. Une comédie noire sur scène présentée face à un public large : à travers ce spectacle théâtral, le duo tourne en dérision une Tunisie profondément affectée par les difficultés socio-économiques et politiques post-révolutionnaires. Truffée d’humour noir, «Nmout Alik» entame actuellement une tournée hors Tunis.

«Nmout Alik», votre dernier spectacle en date, adapté et mis en scène par Moncef Dhouib, est en route pour Sfax, pour sa première représentation en dehors de Tunis…


En effet, nous entamons les représentations en dehors de la capitale. Après les premières représentations à Tunis, nous partons à la conquête du public ailleurs, dans des conditions sanitaires difficiles liées à la propagation du covid-19. Les spectateurs seront présents et tiennent à soutenir le spectacle. Par «public», je veux dire le grand public dans son sens le plus large dont la réaction a été formidable. Les spectateurs sont de tout âge. Même notre élite nationale, qui se fait discrète ces derniers temps, est venue voir le spectacle. Des noms célèbres ont répondu présents et cela ne peut que nous ravir. Des personnalités du théâtre qui donnent leurs avis, qui en discutent, qui échangent autour du travail, c’est important ! Cet intérêt fait réellement plaisir. Espérons que le spectacle pourra tourner convenablement en pleine 5e vague.


Comment se sont passées ces retrouvailles avec Moncef Dhouib ?


Moncef Dhouib et moi, nous nous connaissons très bien depuis les années 70. Il y a une très forte alchimie au travail entre nous. On se comprend, on est compatibles. C’est une relation qui ne date pas d’hier. On sait où on va. «Nmout Alik» nous a pris deux ans de travail, tout de même. Sa première était attendue à Carthage l’année dernière avant l’annulation de l’édition à cause de la pandémie. On l’a finalement présentée au Théâtre municipal. D’une durée d’1h40, le public voulait en voir quand même davantage. Le public l’a vue de bout en bout et en voulait même beaucoup plus.


«Nmout Alik» est une adaptation du «Le suicidé», une œuvre littéraire russe de Nikolai Erdman. Pourquoi ce choix précisément ?


Moncef Dhouib est plus apte à répondre à cette question. Son style d’écriture est très présent dans ce travail : les réactions, les opinions, les tournures… Depuis «El Makki we Zakkia», «El Karrita», on a travaillé même ensemble au cinéma et sur plusieurs autres projets. L’écriture de «Nmout Alik» m’a été proposée, il m’avait mis dans le bain, dans le contexte : le texte m’a séduit immédiatement par la construction des personnages, les rebondissements. Dans le théâtre, quand le travail est élaboré étroitement entre comédien et metteur en scène, le résultat final est sans doute impactant et de qualité. Moncef Dhouib a son empreinte et il est très ouvert à l’échange.


La Tunisie actuelle est une inépuisable source d’inspiration. Elle peut être source de comédie humaine, noire, et forcément drôle. Qu’en pensez-vous ?


Pas uniquement la Tunisie, mais le monde entier. L’art comique est parti avec les légendes d’antan. Le grand problème du théâtre de nos jours se trouve au niveau de l’écriture. L’écriture est la base, et pour réussir une bonne comédie, il faut une écriture de qualité. Notre théâtre tunisien regorge de talents, âgés, et appartenant à la nouvelle génération, hommes ou femmes talentueux. On ne manque de rien pour faire du bon théâtre : les techniciens, les anciens du secteur… mais l’écriture de qualité au théâtre manque à l’appel. Il faut un bon texte surtout pour aboutir à une bonne comédie. Ce n’est pas la matière qui manque. Il y a toujours beaucoup à traiter. Tisser du comique, c’est un don. Celui qui en fait doit être intégré dans sa société, dans son milieu, et doit être connaisseur, curieux. Un bon acteur est celui qui sait s’imposer et conquérir son public. Il faut s’imprégner, se cultiver : les sources de connaissances sont de nos jours inépuisables.


La comédie, selon vous, touche-t-elle plus que la tragédie ?


Absolument. Surtout l’humour noir, grinçant et la comédie noire. «Apprendre en jouant, en s’amusant, en plaisantant», c’est nécessaire. Passer du comique au tragique est tout aussi important, et il faut savoir bien le faire.


«Nmout Alik» est donc une comédie noire ?


Clairement. Même très noire. Les spectateurs étaient tiraillés entre le comique et le tragique, ils étaient sur leurs gardes, au début, et étaient à la recherche de rebondissements. Je pense qu’ils ont été servis. Leur retour était extraordinaire. Il s’agit, en plus, d’un public averti. L’accueil était à la hauteur. Une tournée nationale et internationale promet de se poursuivre jusqu’à fin avril. Canada, Paris, Belgique et festivals nationaux et internationaux sont au programme.

Lamine Nahdi : «Tisser du comique, c’est un don !»
«Mirath Music : l’exposition sonore itinérante » : Musique itinérante
REPORTAGES9 / 29 / 2022

«Mirath Music : l’exposition sonore itinérante » : Musique itinérante

C’est dans son jardin que le Goethe-Institut de Tunis accueille, du 26 septembre au 1er octobre 2022, un public, attiré par des sonorités recherchées, venu vivre une exposition sonore itinérante, comme on en voit rarement. Dans la continuité de son itinéraire qui se déroule en Afrique du Nord, du Nord-Est et en Asie occidentale, «Mirath : Music» est accessible, cette semaine, au public tunisien.


L’itinérance rime avec immobilité, et cette spécificité, «Mirath : Music» la tient de son passage au Soudan, à la Jordanie et en Allemagne. Place actuellement à la Tunisie. Le jardin du Goethe-Institut Tunis vivra, pendant 6 jours, aux rythmes de sonorités créées par 8 artistes, issus des régions citées. Ces mêmes musiciens sont imprégnés par différentes cultures, issues de divers milieux géographiques et ont un point commun central : le patrimoine culturel musical de leurs pays, qu’ils/ elles se sont permis de revisiter afin de réaliser cette exposition sonore. «Mirath : Music» ou «Patrimoine:musique» se réfère à des patrimoines musicaux diversifiés prônés grâce aux musiciens participants et au soutien des antennes du Goethe-Institut, de 7 pays: Palestine, Soudan, Algérie, Irak, Libye, Liban, Jordanie et Tunisie.


Des sonorités musicales émanent des coins du jardin, spécialement aménagé à l’occasion de cette exposition musicale. Cet accomplissement se repose sur une approche curatoriale expérimentale, propre à chaque musicien-participant. Individuellement, les 7 artistes ont puisé dans un patrimoine musical historique, issu de lieux et d’époques distinctes. La documentation riche, rédigée et affichée pour les visiteurs, permet d’en savoir davantage sur l’approche musicale de chaque musicien et musicienne, tout en écoutant leur musique.


L’approche et la ligne directrice de l’exposition ont été largement discutées et élaborées, en amont, par les musiciens-exposants dans le cadre d’un atelier en ligne d’une durée de 6 jours. Ils/elles sont parvenu(e)s à mettre en valeur, musicalement et individuellement, le patrimoine musical de chacune de leur région. Toutes et tous ont puisé dans des aspects qui leur sont propres et auxquels ils/elles sont attaché(e)s. Les musiciens ont su ainsi exploiter musicalement les contextes sociopolitiques dans lesquels ils vivent et présenté l’aboutissement de leur travail dans le cadre cette exposition sonore collective.


Au fil de la déambulation, tout en lisant et en écoutant leurs différentes pistes réalisées, des thématiques retentissent liées à la liberté, à la reconnaissance, à l’appartenance à une culture locale, aux combats sociétaux, et à cette volonté propre aux musiciens de préserver leur patrimoine culturel unique. L’Algérienne Amel Zen, la Kurde Hajar Zahawy, le Soudanais Mohamed Adam, Ghassen Sahhab et Mustafa Said de l’Egypte, la Tunisienne Rehab Hazgui, Zaid Hilal de Palestine et Yacoub Abou Ghosh de Jordanie ont conçu 14 pistes musicales spécialement pour «Mirath : Music» en maniant différents instruments musicaux propres à leurs régions. La documentation de l’exposition a été validée par l’artiste et éditeur Christina Hazboun. L’exposition sonore itinérante est accessible au public gratuitement de 14h00 à 20h00 dans le jardin du Goethe-Institut Tunis.

«Mirath Music : l’exposition sonore itinérante » : Musique itinérante
«Rebel» d’Adil El Arbi et Bilall Fellah : Le terrorisme esthétisé
REVIEWS & CRITIQUES9 / 20 / 2022

«Rebel» d’Adil El Arbi et Bilall Fellah : Le terrorisme esthétisé

L’exode en masse de citoyens à travers le monde pour une Syrie islamique fantasmée a marqué la décennie précédente et a inspiré d’innombrables films et séries télé traitant de l’endoctrinement religieux de Daech. La Syrie du Calife est, depuis, presque dissoute, mais continue à alimenter quelques dernières sorties cinéma. «Rebel» d’Adil el Arbi et Bilall Fellah, en salle depuis le 31 août 2022, tire son épingle de cette thématique récurrente… ou peut-être pas assez !


Fellah et El Arbi, deux nouvelles coqueluches de la réalisation à Hollywood, traitent dans «Rebel» du terrorisme en tentant de le synthétiser. Pari risqué et relevé à coups d’effets spéciaux, d’acteurs remarquables, de bande sonore attrayante… Et de scénario peu original.


Après une succession de frasques et d’égarements à Molenbeek, en Belgique, Kamal coupe les liens avec son foyer (sa mère plus précisément) et part rejoindre un organisme humanitaire qui vient en aide aux victimes de la guerre en Syrie. Une fois sur terrain, le jeune homme se retrouve embourbé dans des actions terroristes, embarqué par un groupe armé affilié à Daech et bloqué à Raqqa. Parallèlement, son petit frère, resté en Belgique, se fait endoctriner par un groupe de fanatiques religieux, installé en Europe et qui finit par l’embarquer en Syrie. Leur maman, magistralement interprétée par Lubna Azabal, désemparée, part chercher son fils cadet dans une Syrie, déchiquetée par la guerre.


Les frères belges se sont fait une place rapidement dans la Mecque du cinéma mondial en réalisant «Bad Boys 3», «Miss Marvel» ou prochainement «Batgirl». A travers ce long-métrage, les frères se ressourcent et reviennent aux origines, en optant pour un drame, inspiré de faits vécus, ayant eu lieu dans leur pays d’origine, la Belgique. Ils décortiquent l’essence même de ce fléau, son emprise du corps et du mental des victimes, dans un Occident ciblé et peu immunisé de «l’Etat Islamique». Le film est fort d’une mise en scène attrayante et d’une direction d’acteurs maîtrisée : au fil de l’histoire, de nombreuses victimes sont disloqués par le terrorisme. Les ravages d’une idéologie meurtrière sont élégamment relatés, dans ce long-métrage qui parvient à allier langage corporel, danse, musique, arts et violences inouïes, causées par l’E.I.


Des scènes chorégraphiques et de chant ponctuent le film sur 2 heures 15 d’horreur, agissant ainsi comme des intermèdes qui laissent respirer le spectateur dans ce chaos narré… Ces mêmes intermèdes qui ennuient, donnant lieu à une production qui oscille, entre musique et drame sur grand écran : Un «Rebel», Ovni.


Ce spectacle sur grand écran reste esthétique certes, mais se noye dans une horreur redondante, vue et revue et qui reste peu en phase avec l’actualité mondiale. «Rebel» fait surgir des mots enfouis, des douleurs physiques et des blessures de l’âme. Des prouesses filmées font également l’éclat de «Rebel», à travers des plans –séquences de guerre, saisissants de terreur, sublimés d’affrontements, d’exécutions et de tueries. Une horreur esthétisée qui panse un scénario peu original. A l’affiche du film, Aboubakr Bensaihi, Lubna Azabal et Amir el Arbi. Le film est distribué par Pathé BC Afrique en Tunisie et en Afrique.

«Rebel» d’Adil El Arbi et Bilall Fellah : Le terrorisme esthétisé
L’art de la broderie à Hammamet : Un patrimoine culturel à préserver
PORTRAITS / PÊLE - MÊLE 9 / 16 / 2022

L’art de la broderie à Hammamet : Un patrimoine culturel à préserver

Hammamet est connue pour sa broderie. À l’occasion du mois du Patrimoine, la ville célèbre cet art et ses atours. Une broderie caractérisée par ses artisans et ses artisanes. Un art digne d’un patrimoine, hérité de mère en fille, d’une génération à une autre.


Ainsi, le Centre culturel international de Hammamet, la Maison de la Méditerranée pour la culture et les arts, en collaboration avec l’’Association « les ambassadrices de Hammamet » (Safirat), organise le 18 mai 2022 une journée à partir de 10h00 à Dar Sebastian pour célébrer les tenues et vêtements traditionnels puisés dans le patrimoine hammamettois avec la présentation des étapes de la confection de l’habit, du traçage du dessin, Rchima, à la broderie, Triza et enfin à la couture et Tahrij. Les artisanes auront l’occasion de parler de leur savoir-faire et de leur transmission. La clôture se fera par un défilé mettant en valeur les rituels du mariage traditionnel à Hammamet et les habits portés par la mariée. Les organisateurs de l’évènement étalent, dans l’annonce de l’initiative, les caractéristiques de cet habit.


La précision et le savoir-faire de ces femmes font leur réputation. Les broderies de Hammamet sont célébrées et évoquées dans les manuels de couture et racontent l’histoire de Hammamet, son passé, conservé jusqu’à nos jours. Les mamans veillent à transmettre à leurs filles cet art ancestral.


Une broderie qui reste toujours au goût du jour. La variété des tissus, laine, soie, coton, lin, velours, s’ajoute à la richesse des matériaux : fil d’or, fil d’argent plat, paillettes, cannetille, galons, boutons, broderie, dentelle mécanique ou faite à la main, rubans et rosaces font les ornements de cet habit local. Le traçage des dessins, la broderie et l’ornementation des cols, des bouts des manches et des bordures inférieures des habits, sont exécutés par la « rachama», la «tarraza» et la «harraja». Il suffit de se munir de quelques fils et d’une aiguille, et de faire preuve de créativité.


Hammamet est réputée par l’originalité et la diversité de ses costumes traditionnels, surtout féminins. Des costumes qui sont remarquablement bien conçus comme « Al Keswa Kebira », « La Jebba Matrouza » et qui reste la plus chère. « La Jebba Akri » avec une moitié rouge et l’autre noire est portée par les femmes de Hammamet pendant le deuxième jour du mariage. La mariée porte aussi une toque ronde toute dorée « Taaguiya » sur la tête et un foulard « Fouta Hrir » en soie pour ajuster la tunique au niveau de la taille. Le «kadroune» est un habit en laine à longues manches, porté surtout en hiver. « Al Kamis» et le « Seroual », sont tous deux confectionnés à partir d’un tissu blanc et brodé. La «souriya» ou «kmijja» est une chemise qui s’agrémente de broderies au fil d’or. La «farmela» est un gilet généralement brodé. Le «mérioul fadhila» est un tricot fait en fils de coton ou de soie. Le « Tigar » est porté par la mariée avec la coiffe locale. « Eckmak » est une chaussure brodée main, avec des fils de soie.


Les accessoires sont les compléments indispensables pour rehausser la beauté des costumes féminins à Hammamet. En plus des coiffes, richement décorées de broderie de soie, d’argent, de perles et des chaussures aux broderies adaptées, il y a les bijoux traditionnels qui persistent à travers les temps et les époques (romaine, byzantine, arabe, turque et andalouse) pour ajouter un peu plus d’éclat aux tenues et au charme de celles qui les portent et qui avaient pour noms « Skhabe » «khalkhal», «hjar», «Khajla» «tlila» et «jlaïet».


L’habit traditionnel de la femme hammamétoise est connu par son authenticité. Ces femmes hammamétoises sont les détentrices d’un savoir-faire traditionnel. Elles façonnent même la mémoire collective. Elles conservent, perpétuent et transmettent, aux jeunes générations, un patrimoine culturel et identitaire.


Ainsi, tout effort de sauvegarde de l’artisanat traditionnel doit tendre essentiellement non pas à préserver les objets artisanaux seulement, mais à soutenir les artisanes et les artisans, de les pousser à continuer à produire des réalisations de toutes sortes, de transmettre leurs compétences et leur savoir-faire aux autres et aux nouveaux apprentis.

L’art de la broderie à Hammamet : Un patrimoine culturel à préserver
«Beast» de Baltasar Kormakur : Film à suspense !
REVIEWS & CRITIQUES9 / 14 / 2022

«Beast» de Baltasar Kormakur : Film à suspense !

Mettant en scène la survie de l’Homme face à l’acharnement d’une bête féroce, le long métrage de Baltasar Kormakur remplit sa mission de divertissement sur grand écran. Peut-être sa seule vocation !


Avec à l’affiche Idris Elba et à coup de phrases promotionnelles, le film fait échos au combat d’un père pour sauver sa famille. Dr Nate Daniels est père de deux filles. Il décide un jour de rejoindre un ami à la famille, Martin Battles, en Afrique du Sud, dans une zone sauvage et aride qui fait office de savane à lions. Ce dernier est éleveur et dompteur de lions : il observe leur survie en groupe dans leur environnement naturel et dénonce les agissements des braconniers. Martin est un anti-braconnier farouche luttant sans cesse contre la chasse de cette espèce menacée.


Le choix de cette destination reste peu anodin, puisque le docteur Daniels choisit cette destination en hommage à sa femme, décédée d’un cancer, et mère de ses deux filles. C’est, en effet, dans ce coin de l’Afrique du Sud qu’ils se sont connus. Elle en est même originaire. C’est aussi une tentative de réconciliation avec ses deux filles, très affectées par la perte de leur maman. Seulement, une fois sur place, les morts suspectes n’ont cessé de se décupler : villageois et chasseurs sont décimés par une bête sauvage qui rôde autour. Elle ne tardera pas à s’en prendre au petit groupe.


«Bête» ou «Beast» comme son nom l’indique se réfère à un lion, extrêmement sauvage. Sa barbarie est due à la violence des braconniers qui l’ont séparé de son groupe et l’ont pourchassé. Quiconque s’approche de son territoire est massacré. Sur 1h30, le film à suspense, concis mais prévisible, retient sans doute le spectateur jusqu’à la fin, mais sans grandes surprises. Une famille bloquée dans une voiture, face à une bête féroce : comment vont-ils s’en sortir ? L’interprétation d’Idris Elba reste convaincante, à la hauteur de son talent. Le film dénonce le comportement des braconniers, souvent pointés du doigt de nos jours : ces criminels organisés s’enrichissent à travers la chasse aux animaux, souvent menacés d’extinction et en font un trafic international. Ils nuisent à l’écosystème et représentent une menace sérieuse pour le règne animal.


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Le film est fourré de clins d’œil à «Jurassik Park» de Steven Spielberg : le tee-shirt d’une des héroïnes, arboré, avec dessus «Jurassik Park», scènes de combat qui rappellent ceux des dinosaures mythiques de ce parc, scénario très inspiré de ce classique qui représente l’homme comme une menace pour l’équilibre animalier et scènes d’action et de poursuites étonnement similaires à ceux du parc : le réalisateur n’a pas manqué d’afficher son inspiration. «Beast» est distribué par Pathé PC Afrique et est à l’affiche actuellement dans toutes les salles de cinéma en Tunisie.


«Beast» de Baltasar Kormakur : Film à suspense !
«Triangle» de la compagnie Kif’Dance : Moment performatif
REVIEWS & CRITIQUES9 / 11 / 2022

«Triangle» de la compagnie Kif’Dance : Moment performatif

Des artistes multidisciplinaires s’unissent sur la scène de l’IFT, le temps d’une soirée, afin de présenter «Triangle». Une performance qui a pour vocation de mettre en dialogue de jeunes artistes issus de divers points géographiques. La compagnie Kif’Dance, créée par Meriem Bouajaja, danseuse chorégraphe, et son co-fondateur Mohamed Chniti, interprète chorégraphe, et directeur artistique de « Triangle ». Les deux sont à l’origine de ce moment performatif.


La nuit caniculaire du 8 septembre 2022 n’a pas dissuadé le public d’assister à ce rendez-vous scénique. «Triangle» unit deux pays, comme la Tunisie, Tunis/Kasserine et la France, Montpellier. «Triangle» abolit les frontières et se veut multidisciplinaire : il fusionne musique, danse et autres disciplines. Trois artistes se sont réunis spontanément et sont parvenus à créer un spectacle original. «Triangle» existe au moins en deux versions et puise sa force de la géographie : entre la Tunisie et l’international et entre différentes régions de la Tunisie.


Cerner la vision de la performance est essentiel afin de mieux la vivre. Anwer Rawefi, batteur professionnel, rejoint la scène aux côtés de Juliette Bouissou, danseuse professionnelle, et Meriem Bouajaja. Sur des airs de musique éclectique, recherchée, la scénographie d’Amine Boudrika est une invitation à la découverte. Une dualité s’est installée entre deux danseuses de différentes rives, nord et sud. «Triangle» est un moment de partage de talents, d’expériences, d’émotions sur scène. Batterie, percussions et danse ont fusionné, donnant lieu à un écho sonore et artistique distingué. Le point fort du spectacle est sa scénographie attractive, visuellement et musicalement. Le corps est au cœur du spectacle : voix et gestuelle sont ancrées dans une scénographie adaptée et évolutive.


Concrétisé par des artistes multidisciplinaires, «Triangle» est l’aboutissement d’un travail qui a eu lieu dans le cadre d’une résidence artistique d’ateliers, de cours et de recherche. Le spectacle programmé à l’Institut français de Tunisie signe le commencement de la rentrée culturelle, artistique, universitaire et scolaire de 2022.

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