Dans « Every-Body-Knows-What-Tomorrow-Brings-And-We-All-Know- What-Happened-Yesterday », Mohamed Toukabri a interpellé son public sur la scène des Hivernales – CDCN D’Avignon durant 10 dates successives : L’œuvre transcende les frontières et s’adresse à l’humain dans sa dimension multiple… avec l’appui de mots « Coups de poing ».
Par Haithem Haouel, Envoyé spécial au festival d’Avignon
La danse, c’est ce langage du corps qui peut s’avérer encore plus expressif que la parole. Cette performance de 50 min, signée par le chorégraphe tuniso-belge reste en partie hybride car elle dose texte engagée, écrit par la metteure en scène et dramaturge Essia Jaïbi et les mouvements scéniques justes de l’artiste danseur.
Une performance renforcée par la pertinence des paroles et expressions, lues à haute voix, parfois affichées. Des phrases trilingues, tantôt complètes ou fragmentées surgissent en anglais, en français et en langue arabe. L’arabe qui est à l’honneur en 2025 au festival d’Avignon en tant que langue vedette, révélatrice des origines tunisiennes de l’artiste chorégraphe.
Une esthétique parlante de la danse
Ce solo oscille entre danse contemporaine et hip-hop, en référence à la formation de l’artiste, ses précédents accomplissements, ses origines. Sensible à l’appropriation de l’espace urbain par l’art, Mohamed Touakbri, cerne à quel point la danse, spécialement l’ « Urban dance », peut faire écho chez les jeunes ou chez un public plus large tout en questionnant souvent la citoyenneté, l’autorité, l’affranchissement des barrières. La danse comme arme de résistance, de lutte, d’expressions, prend son sens dans ce récit chorégraphique, qui reste singulier et qui s’inscrit dans une histoire commune, collective. L’importance de la mémoire collective et sa transmission sont l’axe central de l’œuvre. Le titre long en langue anglaise est révélateur d’une narrative.
« Chacune et chacun sait ce que demain apporte et nous savons tous ce qui s'est passé hier ». Titre qui titille les mots et leur sens, évoque une temporalité longue en interrogeant le présent, en partant du passé tout en tentant (En vain ?) de se projeter dans un avenir forcément brouillé. Le mot « Everybody » exprime, à la fois, la pluralité mais peut signifier aussi « Chaque corps », si on le divise. Dans cette temporalité, c’est la place de la danse, son évolution, son appropriation au fil des générations qui est questionnée.
L’esthétique de la performance suscite l’intérêt, de par sa musique, celle du « Sampling », ou le fait d’écouter des sons rythmés et décomposés. Un travail sur le son, qui a été minutieusement orchestré par Annalena Fröhlich. Les habits travaillés et arborés par l’artiste au fil de sa performance, renforcent la dimension esthétique. Les costumes sont signés Magali Grégoir. Ce qui est perceptible et visible à l’œil nue, est accentué par la noirceur du lieu, ses murs sombres, son écran, reflet d’écrits éphémères.
A travers cette dernière création en date de Toukabri, une chronique de la danse -son histoire, son évolution, sa perpétuelle transmission- est narrée. L’art dansant du chorégraphe peut puiser dans une époque, celle d’un pays, un contexte précis, tout comme il peut tracer le personnel : un parcours frayé, entre deux rives, ses aléas, et sa complexité. La question du corps – archive reste centrale. La création fait partie de la sélection IN du prestigieux festival d’Avignon et s’est jouée à guichets fermés.
C’est à la Fabric A, dans le cadre du festival d’Avignon qu’a été présentée, trois jours de suite, la création tunisienne, chorégraphique et gestuelle « Laaroussa Quartet » de Salma et Sofiane Ouissi. Le public part à la rencontre des femmes potières de Sejnane, qui cultivent un savoir–faire ancestral, d’une génération à une autre. « Laaroussa Quartet » met en valeur le façonnage de ces poupées d’argile, lève le voile sur leur condition de travail, de vie et revient sur ce geste artisanal. Six interprètes femmes sur scène racontent cette société rêvée. Créée par le duo Salma et Sofiane Ouissi, ce duo lève le voile sur tout le processus de création, en attendant de voir cette création à Tunis dans le cadre de « Dream City » en octobre 2025. Interview.
Par Haithem Haouel, envoyé spécial à au festival d'Avignon
La genèse de « Laaroussa Quartet : Un corps libre qui invente son propre geste» remonte à 2011. Que pouvez–vous nous dire sur ses origines ?
Et même bien avant 2011. J’étais installé à Tunis. Salma Ouissi vivait entre Paris et Lille. Pour mener à bout notre processus de travail, notre but n’est pas de rentrer dans un studio et d’inventer un projet. Il part toujours des urgences sociétales d’individus ou de larges communautés. Au gré d’un hasard, Salma tombe, un jour, sur une poupée de Sejnane, vendue à un prix exorbitant dans une vitrine, en France.
Elle m’appelle, interpellée et elle me propose d’aller à Sejnane, sur le terrain. La valeur de ce savoir-faire était donc amplement mise en valeur en Europe, et a priori, les femmes artisanes pouvaient vivre de leurs créations. On part et une fois sur place et en douce, on exploite le terrain, en ayant comme objectif de créer une communauté formée par ces femmes potières.
Quelle est votre définition de cet esprit communautaire ?
La communauté rêvée n’existe pas encore. Notre approche était spontanée et on n’avait pas de projet pour la scène. On part au village et on toque sur des portes, au hasard. Une cinquantaine d’enfants, de femmes, d’époux et de familles se succèdent. Les rencontres s’accumulent et les interrogations liées à la fabrication de la poterie de Sejnane foisonnent.
Des questionnements, comme ceux liés aux gestes, aux techniques… Une des questions les plus importantes est surtout liée aux besoins de ces femmes-là et toutes nous ont dit unanimement : «On a besoin de temps !». Une réponse qui fait échos en nous, Selma et moi, artistes, qui pensons qu’une création a toujours et essentiellement besoin de temps.
Le fait de créer un espace idyllique pour elles s’est imposé directement. Nous avons tenu à leur créer un lieu qui leur fournit du temps pour donner vie à leur savoir ancestral avec sa valeur «temps». Ce sont des femmes qui vivent loin les unes des autres, ne se côtoient pas parce qu’elles sont chargées en tâches quotidiennes : la terre, les enfants, traire les vaches, livrer le lait, s’occuper d’un foyer entier…
Que font–elles à dans l’enceinte de cet espace, une fois créé ?
Elles y créent des ustensiles de cuisine, des tortues, des vaches et des poupées… notre axe d’entrer, symbole du mariage de la petite fille et future mariée, l’axe de «Laaroussa». Il est central et reste au cœur de nos recherches dans le cadre de «Dream City». Notre objectif, toujours, est de créer des sociétés rêvées de toutes pièces, dans lesquelles plusieurs individus peuvent cohabiter.
Une société plurielle, diversifiée. Nous avons donc fédéré une centaine de femmes, avec très peu d’hommes restés en repli. Il fallait que ces femmes retrouvent le souffle des femmes performers, artistes visuelles, militantes, résistantes, féministes, elles brandissent leurs étendards et sont solides. Ces femmes célèbrent un geste millénaire.
Pouvez–vous nous en dire plus sur ce geste, qu’on verra beaucoup sur scène dans «Laaroussa Quartet» ?
Selon des collectionneurs, anthropologues, muséologues, des bribes de ce geste existent aussi au Louvre et dans d’autres musées emblématiques et en collections. C’est de l’art naïf qui a une grande valeur. Le projet est retenu par la capitale européenne Marseille–Provence 2013. L’art de Sejnane précisément et pas celui de Nabeul ou de Guellala (Djerba).
Les potières de Sejnane et personne d’autre. Elles ont même pu exporter leur savoir sur le marché international, vendre leurs créations et percevoir des rétributions. Emmanuelle Not, qui est une céramiste connue, a même procédé à des ateliers avec sa technique du Raku et ils ont toutes et tous mixé les techniques. Cette vente de la poupée à un prix exorbitant était une injustice et tout est parti d’une injustice. Le temps, le lieu, la communauté ont été créés pour qu’elles percent. Une des femmes qui préparait une maison pour marier son fils nous a livré l’espace pour travailler avec les femmes.
La question du corps de ces femmes en mouvement n’a pas tardé à surgir…
Nous, ouvriers du corps, artisans du corps, quand on regardait les femmes, elles portaient tout le temps leurs enfants sur le dos tout en maniant la matière. C’est comme si on leur a confisqué leurs corps. Des enfants qui sont tout le temps sur leur dos. Ce sont des femmes de la résistance au quotidien.
Le terrain qui nous dicte toujours l’urgence nous a poussé par la suite à créer une crèche éducative pour les enfants du village, une quarantaine, accompagnée par des artistes visuels tunisiens, des spécialistes de l’éducation, réunit toutes et tous, afin d’occuper la journée des enfants intelligemment, de les pousser à développer leur esprit créatif. Dans l’atelier, on a travaillé sur la répartition des tâches : ramasser de la terre, chercher la nourriture… Toutes ces femmes ne sont pas créatrices.
D’où l’aspect vidéo très présent dans votre création et qui nous happe dans cet univers sociétal…
La vidéo qui est toujours très présente dans notre travail à Salma et à moi. Le format vidéo est utilisé pour résoudre la question de l’absence de l’artiste. S’il est appelé à disparaître de nos espaces,que faire ? La question de la mobilité, la vidéo qui s’est imposée sous le Covid ensuite…. C’est un format toujours présent pour combler une absence.
Dans le cadre de «Laaroussa Quartet », on a tenu à transmettre au public la force du contexte, sa dureté, sa poésie : on ne peut comprendre l’univers de ces femmes dans une foire. Il faut les découvrir dans leur milieu à Sejnane. La vidéo est une manière d’amener Sejnane au public. Le geste artistique doit être clair pour les gens : bien plus important qu’une création sur scène, c’est la question des sociétés rêvées qui compte.
Comment faire une société aujourd’hui, dans nos différences les plus extrêmes autour d’une question unique et d’un objet commun, qui est ce savoir-faire ancestral, bien plus que la pratique technique. L’accompagnement est un travail important qui a toujours fait partie de nos parcours et de nos vies à Salma et moi. C’est un engagement total jusqu’à ce qu’on s’oublie souvent.
Salma Ouissi qu’on voit beaucoup dans la vidéo. Est-ce un choix ?
Son rôle est essentiel. C’est une femme qui parle aux femmes. Moi, j’étais en périphérie. Il fallait pour cette phase convier 4 femmes interprètes, une chanteuse de Sejnane, la doyenne du village Chadlia, une femme violoniste. Salma est visionnaire et créatrice. Elle est la source même de ce dispositif. Néanmoins, je suis un grand ami des femmes. J’entretiens ce lien sain avec elles grâce à Salma.
Tout un univers, qui est finalement parvenu sur scène dans « Laaroussa Quartet», présenté à la 79e édition du festival d’Avignon, sur la scène de la Fabric A. Comment a été pensée cette conversion ?
A l’issue de ce qui a été cité, et dans le but de ne pas perdre pied, de ne pas montrer ces femmes dans une condition misérable, contrer l’aspect social… on les observait faire leur geste. Il faut rappeler que la question du corps-archive est quelque chose de central dans le monde scientifique de la danse.
Une danse qui contient des notations connues et comme on adore tout inventer, nous créons notre propre notation. On a pensé donc archiver leur geste en les étudiant, et ce, à travers différentes générations : Chadlia, Cherifa et Lamia. Une fois qu’on a récolté, en vidéo, le geste et le matériel, on a fini par prendre le mouvement seconde par seconde. On l’a dissocié, on en a fait une archive et on s’est dit qu’on allait les prendre dans la trame de création d’une poupée.
Donc, à chaque micro geste, on a créé un symbole. Pourquoi un symbole ? Parce qu’on voulait que ces femmes puissent se reconnaître et qu’elles ne se sentent pas exclues de cette lecture de partition. On a créé une vidéo de 11 minutes qui retrace l’origine du geste. Une vidéo abstraite qui a été diffusée et projetée pour ces femmes. Elles étaient bouleversées. Cette vidéo a atterri aussi au Palais de Tokyo, ensuite, à Moscou, en Norvège…, etc. Un geste citoyen qui est allé très loin, sans le préméditer.
Un dernier commentaire sur la musique, le chant et les corps en mouvement ?
On a travaillé sur une musique de chant. Avec deux instruments et une nouvelle notation : Allegro, Adagio, Rondo. D’où l’usage du violon. Chadlia, la chanteuse, présente sur scène, est marcheuse aussi. Elle nous a guidé et a marché avec nous dans le village de Sejnane. On a longtemps pratiqué l’exercice de la marche, munis de casques pour amplifier le terrain et être dans une écoute sensible du corps.
Une marche rude qui a été amplement menée par Chadlia du haut de ses 80 ans. Elle est ouvreuse de frontières. C’est une symphonie de la vie, cette femme. Elle est symbole de la culture amazigh aussi. Son rythme et son mouvement sur scène, ils émanaient d’elle et on l’a laissé faire en créant l’intervalle nécessaire, tout en apportant une autre richesse.
On a laissé ce temps prendre vie comme elle le souhaite ! Elle disparaît et re-dis-parait comme elle le sent. Les interprètes se dénudent à un moment pour mettre en valeur les mouvements du corps en plein travail, dos courbés. Tom Pauwels a assuré la musique du spectacle. Quant aux partitions, on les a gardés sur scène car les interprètes ne peuvent pas les apprendre. «Laaroussa Quartet» est attendue à «Dream City» 2025 pour une série de présentation à la médina.
Les interprètes sont toutes des femmes : citons Sondos Belhassen, Amanda Barrio Charmelo, Marina Delicado, Moya Michael, Chedlia Saidani et Aisha Orazbayeva.
«Dream City » aura lieu en octobre 2025 à Tunis. Peut-on simplement parler d’un festival et l’associer à cette condition ?
C’est une résistance. C’est un combat mené à la longue. Le mot «festival» me pose problème. Derrière la manifestation existent des gens qui maîtrisent leur métier, dans une exigence esthétique, dans une volonté d’ouverture. D’une manière générale,l’humain reste au centre du dispositif et n’existe qu’avec l’autre.
Cet acte de résistance réside dans le fait de convoquer l’autre et comprendre toutes les urgences qui nous animent au quotidien. De ces urgences se créent de nouveaux espaces. Il nous arrive qu’on se sente faibles, et incapables de faire quoi ce soit, sauf faire notre métier d’artistes. Comprendre et mieux comprendre, c’est le propre qu’on puisse faire.
Il faut cerner ce qui nous entoure. La notion de « festival » ou pas ne se pose pas : j’ai davantage envie de parler de l’urgence d’agir et de s’exprimer, et ce, dans un monde en ébullition. La question de la mobilité est au cœur des préoccupations. Faire voyager les gens, c’est faire voyager la pensée.
En trois jours successifs, 6 artistes, issus de 7 pays ont défilé sur la scène du festival international de Hammamet. L’amphithéâtre bat son plein depuis le 11 juillet 2025. En musique et en danse, les artistes ont fait voyager leur public. Le Maroc, l’Algérie, la France / Haïti, Liban, Syrie ou encore le Soudan, tout un florilège d’horizon sonore qui continue de bouleverser. Focus sur ces parenthèses nocturnes !
Hind Ennaïra et Djazia Satour : une double prestation distinguée
Hammamet, 13 juillet 2025. Deux femmes. Deux univers se dévoilent au public. Le Festival de Hammamet a vibré au rythme d’une double performance portée par la puissance du corps, de la voix et du patrimoine musical. La Marocaine Hind Ennaïra et l’Algérienne Djazia Satour ont chacune, à leur manière, occupé musicalement l’espace et conquis les plus mélomanes.
Première à entrer en scène, Hind Ennaïra, une étoile de la musique« Gnawa » et saharienne, marque par sa présence scénique. Entourée de danseurs et musiciens, elle transforme la scène en fête. Rythmes effrénés, youyous, clins d’œil au public en dialecte marocain : l’artiste sublime. Son répertoire riche, profondément africain — puise dans des titres comme «Fongoro», «Folani Hirisa» ou «Baba Mimoun».
Avec sa voix puissante, ses percussions hypnotiques et ses habits aux motifs amazighs, Ennaïra s’affirme en tant que femme et musicienne dans un univers dominé par les hommes.
Elle cède aussitôt sa place à une autre icône : celle des paroles engagées. Djazia Satour, drapée d’une kufiya rose et noire, apparaît sur scène avec un répertoire marqué par des thématiques engagées, telles que la résistance et l’exil. Dans sa chanson «Idh», elle rend hommage au peuple palestinien et dénonce les atrocités subies, les massacres, le silence.
Les mots sont posés, sans détours. Ils font l’effet d’un couperet autant qu’ils adoucissent. Sa voix, mêlée à des instruments, glisse vers des terrains sonores alternatifs et urbains avec des chansons, telles que «Loun Liyam» ou «M’Siria». Elle clôt sa prestation par un chant en anglais, dédié aux peuples asservis, rappelant que la musique peut aussi être « mémoire » et « lutte ».
Naïka : astre d’un autre continent
Dans un amphithéâtre plein à craquer, Naïka, étoile montante franco- haïtienne de la scène internationale, a livré un show mémorable, mêlant émotion, groove et totale osmose avec son public. La soirée était annoncée «Sold Out» depuis plusieurs jours. Bien avant l’ouverture des portes, les fans affluaient, bravant chaleur et attente.
L’amphithéâtre a rapidement épousé l’univers de la chanteuse. Et dès les premiers rythmes, Naïka s’est imposée, solaire et magnétique. Sa voix puissante et son énergie scénique débordante, ont retenti. L’artiste navigue avec aisance entre les sonorités afro-pop, les rythmes caribéens et les grooves urbains. Sa musique dépasse les frontières et tisse des ponts entre les continents.
Sur scène, Naïka ne chante pas seulement. Elle raconte anecdotes de vie, souvenirs de voyage, et fait des clins d’œil à ses racines… Elle crée une intimité, ponctuant ses morceaux d’intermèdes complices, d’humour et de tendresse. L’artiste confirme qu’elle n’est pas qu’une étoile montante parmi d’autres : c’est la voix majeure d’une génération qui veut danser et s’émouvoir.
RUST / Alsarah & The Nubatones : deux dimensions distinctes
Dans la nuit du 15 juillet 2025, place à la musique alternative arabe, marquée par la performance du duo libano-syrien Rust et de la chanteuse soudanaise Alsarah, accompagnée de son groupe « The Nubatones ». Le duo Rust, formé en 2020 par Petra Hawi, chanteuse libanaise, et Hany Manja, producteur et musicien syrien, a entamé la soirée avec un set d’une heure mêlant électro, Tarab et influences orientales. Leurs compositions, entre tradition et innovation, ont su capter l’attention du public.
Lors d’un point de presse, le duo a déclaré : « Nous sommes plus que ravis d’être ici. L’endroit est féerique », annonce avec enthousiasme Petra Hawi. Hany Manja a ajouté, ému : « Si je pouvais chanter, je me serais exprimé en chantant.
Basé à Beyrouth, le duo affirme placer l’humain au cœur de leur création artistique. Leur titre « Diaspora » explore notamment le thème de l’exil et les identités fragmentées qui en découlent. « En 20 ans, le ressenti reste le même », souligne Hany Manja.
En seconde partie de soirée, « Alsarah & The Nubatones » ont pris la relève avec une performance aux influences nubiennes et afro-arabes. La chanteuse, exilée depuis trois décennies, a affirmé l’importance de vivre pleinement le moment :« Cet espace est le nôtre. Ce moment va être mémorable ». Elle a interprété des morceaux, tels que « Men Ana », « Salam Nubia», « Sudani » et « New Habibi», ponctuant son concert de touches d’humour et de proximité avec le public. En évoquant l’exil, Alsarah a rappelé: « Quand on est exilé et qu’on revient sur nos terres d’origine, on ne reconnaît rien.
Le partir est un sentiment très étrange ». Cette soirée à Hammamet a confirmé l’effervescence d’une nouvelle scène musicale arabe, à la fois ancrée dans ses racines et résolument tournée vers l’avenir, modernisée.
La question « Initiatives internationales et dialogue interculturel : quels enjeux aujourd’hui face au chaos du monde ? » est l’intitulé d’une conversation édifiante entre différents directeurs à la tête de structures culturelles, dont certaines existantes dans des pays sud et de la région Mena. Le sujet invite à une réflexion commune sur le rôle de la coopération internationale et du dialogue entre les cultures dans un contexte mondial marqué par l’instabilité, les conflits, les tensions identitaires et les bouleversements climatiques.
Par Haithem Haouel, envoyé spécial au festival d'Avignon
Les attachées culturelles de la Tunisie et du Liban, Fanny Rolland et Charlotte Aillet, représentantes à la tête des Instituts Français, ont éclairé l’audimat à travers leur travail à caractère culturel effectué dans ces pays respectifs où elles opèrent.
Au fil des rencontres de l’Institut Français programmé dans le cadre du festival d’Avignon, toujours en cours, leur prise de parole a suscité l’intérêt aux côtés de différents intervenants issus d’autres pays du monde : citons Mazen El Gharabawy, acteur, directeur et fondateur et président de «l’International Theater Festival For Youth–Sifty» de Sharm El Cheikh, en Egypte, Sacha Witowsky, responsable des appels d’offre d’arts et de culture (Etat de Goiàs au Brésil), mais aussi Heather Croall, directrice de l’Adélaide Fringe en Australie et d’EllinorFristorpRodén de l’Ecosse, représentant de l’Edinburgh Fringe.
Les initiatives internationales demeurent un levier de coopération, de paix et de compréhension, réalisé à travers le soutien financier et matériel aux artistes et à la scène culturelle. Ce même engagement favorise les échanges interculturels. Des espaces de dialogues avec les jeunes et les citoyens continuent de voir le jour face à des difficultés de taille.
Fanny Rolland, attachée culturelle à l’Institut Français de Tunisie, a traité de questions liées à l’actualité. Focus sur la pensée arabe et sa mise en valeur en langue française, particulièrement celle d’auteurs tunisiens, algériens, marocains, égyptiens. L’initiative de traduire des ouvrages favorise le dialogue interculturel, l’ouverture et la compréhension de l’autre. Le soutien à la publication d’ouvrages et leur traduction restent de mise.
L’attachée culturelle rappelle : «Nous valorisons les programmes de débats d’idées dans le but de favoriser les échanges et je cite aussi l’exposition ‘‘Ce que la Palestine apporte au monde‘‘, pensée bien avant le 7 octobre 2023, maintenue et qui a pris tout son sens par la suite».
Toujours dans le cadre de cette table ronde, le maintien du dialogue interculturel dans ce monde un peu chaotique a duré plus d’1h30. La Tunisie a été le point de départ « Des printemps arabes ». Questionner la migration chez les jeunes Tunisiens et rappeler le contexte géopolitique glissant, avec le génocide à Gaza est à l’odre du jour.
«J’ai rappelé la notion des résidences artistiques effectuée par l’IFT, en insistant sur la notion de réciprocité, qui reste importante pour nous en tant qu’institution culturelle, exemple de la résidence Salammbô». Commente Fanny Rolland. Elle poursuit : «Nous soutenons les artistes en Tunisie et également leur résidence en France comme dans le cadre de la cité des arts ou de la francophonie de Limoges». D’autres exemples d’outils que l’institut met en place pour soutenir le dialogue interculturel ou comment les trouver pour répondre à ce chaos : celui de la traduction de textes de penseurs et traducteurs s’est imposé. Il s’agit d’une solution parmi d’autres qui cède la place à différentes positions et idées dont le but est de favoriser le dialogue.
De quel chaos parle-t-on aujourd’hui ?
Dans un pays caractérisé par des identités multiples comme le Liban, la coopération peut être source de reconstruction. Peut -on réinventer la coopération et la penser autrement ? Charlotte Aillet, attachée culturelle à la tête de l’Institut Français du Liban, déclare que contre le chaos de la guerre, quand elle surgit dans un territoire, lutter contre devient extrêmement difficile et désarmant. Il faut donc en parler, dénoncer la guerre, et lutter contre l’effacement, le «Culturicide», comme celui en cours à Gaza.
«Cette tentative d’effacement total de culture est inacceptable. Après la Palestine, le Liban est dans la ligne de mire de cette suppression. Il faut qu’on continue à parler de ces cultures », déclare fermement Charlotte Aillet. Selon l’attachée, un autre chaos préoccupant est celui lié au climat.
Un danger qui reste menaçant, pesant. «Même si souvent on ne sait pas si, à travers la culture, on peut lutter contre ce danger». Commente-t–elle. Il reste le chaos idéologique ou économique à souligner également en ayant espoir de pouvoir accomplir quelque chose à travers le dialogue interculturel. Elle rappelle la nécessité de l’entretenir à la longue en espérant créer l’impact. L’urgence d’agir est fortement scandée !
Avec une édition 2025 organisée en hommage à la langue arabe, cette présentation de l’événement est en phase avec la ligne directrice du festival.
« La saison Méditerranée », le grand événement artistique annoncé qui englobe la région méditerranéenne, était au cœur d’une discussion, programmée dans le cadre des rencontres de l’Institut français à la 79e édition du prestigieux festival d’Avignon. Julie Kretzschmar, commissaire général de l’événement, a pris la parole aux côtés d’Ali Chahrour, chorégraphe libanais engagé de renom.
C’est dans l’enceinte de la collection Lambert, en plein cœur de cette ville berceau du théâtre mondial, que se sont rassemblés les professionnels du théâtre et de l‘événementiel artistique, régional et mondial autour de thématiques diverses et de préoccupations contemporaines. Tiago Rodrigues, directeur du festival d’Avignon, et Eva Nguyen Binh, présidente de l’Institut français depuis 2021, ont inauguré cette rencontre attendue avant de céder la parole à la commissaire invitée.
« La saison Méditerranée » est un événement d’envergure lancé en 2023. Sa prochaine édition, prévue en mai 2026, s’inscrit dans un cadre de coopérations culturelles solides en cours de consolidation avec l’ensemble de la région méditerranéenne, plus spécifiquement avec 5 pays, à savoir l’Algérie, la Tunisie, le Maroc, l’Egypte et le Liban. L’initiative tient à entretenir un mouvement qui vise à valoriser la diaspora nord-africaine. L’objectif est de soutenir des œuvres et projets émergents, la nouvelle vague d’artistes professionnels, porteurs de projets inédits en leur garantissant accompagnement, concrétisation et mobilité.
Avec une édition 2025 organisée en hommage à la langue arabe, cette présentation de la « saison Méditerranée » est en phase avec la ligne directrice du festival d’Avignon. Partir à l’affût de différents styles de narration, divers vécus, imaginaires et fournir de l’aide à l’écriture restent prioritaires.
« La saison Méditerranée » œuvre à incarner d’une manière tangible plusieurs formes de coopération en visant à s’entourer de partenaires locaux solides qui nourrissent le travail artistique. Evoquer la mer méditerranée en tant que zone de vulnérabilité, face aux changements climatiques est aussi nécessaire. Julie Kretzschmar le souligne dans le cadre de son intervention et rappelle, par ailleurs : « Nous tenons à mettre en valeur les représentations alternatives qui conjuguent identités particulières et imaginaires prônées par une jeunesse de la diaspora, qui documente des récits de vie. A la façon dont cette diaspora les tisse et les élabore ».
La nouvelle création d’Ali Chahrour, « When I Saw the Sea », a été présentée en première française au Festival d’Avignon 2025, du 5 au 8 juillet à La FabricA.
Ce spectacle pluridisciplinaire mêle la danse, le chant et le théâtre pour raconter les récits de trois femmes — Zena Moussa, Tenei Ahmad et Rania Jamal — confrontées à la violence du système de la kafala au Liban, une forme d’esclavagisme moderne imposé aux travailleuses migrantes, notamment éthiopiennes et libanaises, exacerbée par les conflits armés. Nous y reviendrons !
Voyager éclaire et édifie, surtout quand on opte pour des circuits insolites ! Une aubaine que de se retrouver dans un village provençal rempli d’histoires, d’anecdotes et de traces indélébiles d’érudits qui l’ont traversé. Bienvenue à Lourmarin, un des 10 plus beaux villages de France, mais aussi cette toute petite commune où reposent des écrivains comme Albert Camus, le romancier français Henri Bosco ou l’auteur britannique Peter Mayle.
En groupe, nous nous sommes empressés de répondre à cette invitation au voyage. Par une journée d’été ensoleillée et à 36°, un soleil méditerranéen irradie vignobles, clairières et arbres ombragés. L’itinérance routière prend aussitôt des airs d’échappée dominicale. Notre route empruntée serpente des étendues de champs et des montagnes à perte de vue, nous donnant un avant-goût de l’esprit de villégiature qui règne dans ce joyau pittoresque du sud de la France, à 30 mn en voiture d’Aix en Provence et à 1 heure d’Avignon.
Des vignobles, certes, mais aussi des vignes, amandiers, ou oliveraies à couper le souffle bercent les 1.200 villageois vivant sur place, nichés au creux de la vallée du Luberon, au Vaucluse. Lourmarin est pittoresque à souhait : elle happe ses visiteurs par ses bâtiments historiques et sa faune et sa flore qui réjouiront les plus ornithologues d’entre nous.
Rendez–vous à l’ombre à 11h00 tapantes pour une visite passionnante, assurée par deux spécialistes du village, Florian Bouscarle, professeur des écoles, originaire de la région, accompagné de Michèle Stubbe Robinet. Le duo est connaisseur de l’histoire du Lourmarin, et spécialiste d’Albert Camus.
A travers leur travail associatif charnu, ils se sont consacrés à l’œuvre de ce pilier de la littérature française moderne en organisant de nombreuses conférences et événements littéraires tout public, autour de l’œuvre et la vie camusienne sur place, mais aussi dans d’autres régions. De nos jours, ils s’ouvrent davantage sur d’autres formats et activités littéraires et culturelles. Michèle et Florian ont organisé une conférence à succès autour de la vie d’Albert Camus, à Hammamet en 2022.
Les retrouvailles se font au pied du «Château Renaissance», restauré depuis les années 20 et qui accueille toute sorte de concerts et d’événements musicaux depuis des décennies. L’édifice existe depuis 1480. Son restaurateur est Robert Laurent–Vibert. Le lieu accueille aussi résidences artistiques et expositions.
Son jardin surplombe le village, un petit paradis qui accueille insectes, oiseaux et poissons d’eau douce qui cohabitent en harmonie. Lourmarin est un village à moitié catholique et à moitié protestant. L’ancien donjon du premier château médiéval est visible de loin, tout comme la cloche qui sonne chaque heure et rappelle cet aspect spirituel et paisible. Au loin, un édifice fait office de temple protestant. L’architecture puise dans son époque médiévale. L’édifice a été bâti sous le règne de Napoléon Bonaparte sur des années.
Le village s’envole tel un colimaçon construit comme une coquille d’escargot et tient son nom du latin qui signifie «lieu marécageux», «nom légionnaire», ou plus probable «forêt marécageuse». Lourmarin tient son éclat grâce aux maires qui ont su la préserver en l’aménageant et en luttant contre les constructions anarchiques.
Plusieurs fontaines historiques jalonnent le village et sont classés monuments historiques depuis 1914. Le site a vu passer diverses civilisations dont les Maures ou Sarrazins et possède son histoire néolithique, qui est attestée.
Lourmarin possède son centre-village jalonné de petits commerces et de cafés et restaurants gastronomiques. «Chez Gaby» offre salades fraîches et autres plats méditerranéens succulents. Lourmarin vit au rythme des touristes qui la traversent, spécialement en plein été. Ils peuvent ainsi profiter des marchés provençaux et leurs nombreux stands, et des marchés, avec leurs producteurs locaux d’huile d’olive, de miel, tomates, gibassié… et l’agriculture locale spécialisée davantage dans les vignobles des Côtes‑du‑Luberon (AOC) ou les cultures fruitières des cerises, amandes et huile d’olive.
La chocolaterie Zucchini et les pâtisseries Riquier font le bonheur des touristes et des locaux.
Artisanerie, culture, nature, faune, flore, gastronomie fusionnent harmonieusement dans cet écrin, situé entre montagnes, terres à perte de vue et forêts. Une destination qui a fait rêver intellectuels et écrivains et qui bouleverse toujours autant ses visiteurs. Albert Camus a écrit «Le premier homme» à Lourmarin avant d’y être inhumé.
De nos jours, fonder une maison d’édition peut s’avérer difficile, pourtant, Aïcha Boubaker, éditrice et communicatrice, a entamé à bras-le-corps le lancement de «Hkeyet édition» depuis 6 mois. Imbibée de récits nouveaux et soucieuse de la pérennité du livre, l’amoureuse des livres et des lettres n’est pas passée inaperçue lors de la 39e édition de la Foire internationale du livre, mais pas que… «Hkeyet édition» est visible sur les réseaux sociaux et puise dans le digital pour attirer lecteurs, mais aussi auteurs… confirmés et surtout émergeants. Focus !
L’équipe de « Hkeyet édition » mise sur des outils numériques innovants et sur le pouvoir du digital pour maximiser sa visibilité. Votre maison d’édition a été lancée en janvier 2025. Qu’avez-vous à nous dire sur ce démarrage ?
C’est voulu, en effet, de miser sur le numérique. La naissance de « Hkeyet » est récente. On ne savait même pas qu’on allait être à temps à la Filt (sourire), et qu’on allait pouvoir annoncer la parution d’ouvrages. Cette maison d’édition est née d’une rencontre entre deux visions : celle de mon père et de la mienne. « Hkeyet édition » est cofondée par mon père imprimeur, Mourad Boubaker, fondateur de « MIP Imprimerie », qui existe depuis plus de 30 ans. Je suis imprégnée par le monde du livre et des lettres depuis toujours. Également communicantrice, j’ai mis mon savoir en œuvre. Mon père et moi avons fusionné nos deux visions pour un projet qui est dans l’air du temps, tout en ayant une ligne éditoriale précise, celle des « Primo-auteurs ».
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre ligne éditoriale ?
C’est celle qui vise à créer un terrain favorable aux personnes qui écrivent et qui ne savent pas ou ne trouvent pas où se faire publier. Pour le lancement, je cite l’exemple d’Ines Mghribi, Wassim Ayari, Oussama Kassabi, etc. Nous avons démarré avec 4 primo-auteurs et 13 parutions en tout. Beaucoup n’en sont pas à leur première publication. Je rencontre des gens qui écrivent partout. Ils méritent d’être mis en valeur. Une communication différente s’impose aussi.
Comment doit se faire cette communication ?
On doit miser sur les réseaux sociaux, le pouvoir du digital et les différents canaux des réseaux sociaux qui sont primordiaux. On dit souvent à tort, ici ou dans le monde, que « les jeunes n’aiment pas la culture et sont désintéressés ». C’est faux ! Les jeunes d’aujourd’hui ne se documentent pas de la même manière que les adultes de plus de 60 ans et ne se servent pas des mêmes outils. Même s’informer ou se cultiver se fait différemment d’une génération à une autre. Les podcasts et les youtubeurs n’ont rien à voir avec la télévision et la radio classique. Aucun des deux audimats ne fait ça vainement, ils agissent juste différemment. Pour mettre en valeur nos auteurs, nous allons vers le public, vers les book clubs, nous privilégions les échanges, les discussions, la proximité. On ne se contente pas uniquement des signatures ou des passages médias ! Il faut donner envie et susciter l’intérêt. A travers la magie du Net, je peux accéder à l’univers d’auteurs qui vivent n’importe où dans le monde. Le travail se fait en équipe qui est composée de mon associée Nour Bouaziz, moi-même, mon père, Fatma Chouraki et Walid Ferchichi, fondateur des Editions Arcadia.
Pour la sélection des textes et des écrivains, comment opérez-vous ?
Pour les primo-auteurs, ils se sont présentés en cherchant à se faire éditer. Beaucoup ont été retenus de bouche à oreille. Ça a marché et cela procure un grand sentiment de satisfaction. Une jeune étudiante s’est présentée à nous pendant la Filt et nous a confié vouloir se faire éditer. Elle a trois récits prêts. C’est très gratifiant. On a un comité de sélection et la qualité compte pour nous. Nous faisons des retours aux écrivains et cette interaction édifiante s’avérera fructueuse. C’est sûr.
Qu’avez-vous à dire à celles et ceux qui pensent que les jeunes de nos jours ne lisent plus ?
Ils sont déconnectés de la réalité. Les jeunes lisent, écrivent et produisent de différentes manières. Des créateurs de contenu culturel font fureur. Il faut leur tendre la main et j’ai besoin qu’on coopère toutes et tous ensemble. Nous vivons une ère qui bouillonne de talents. La culture doit être en phase avec les mutations technologiques de l’époque. Le pouvoir immense de la communication incite drastiquement à la lecture et à l’écriture. Il faut utiliser ces outils à bon escient, y compris l’Intelligence artificielle ou les liseuses. Nos livres sont aussi disponibles en version numérique, en ligne, grâce à « Clic 2 Read ».
Il brille par sa couverture attrayante, rouge, criarde d’amour. L’ouvrage « Hob Kira » du jeune écrivain Wassim Ayari a drainé de jeunes curieux, lecteurs et visiteurs à la 39e édition de la Foire Internationale du livre de Tunis lors de sa première séance de dédicace-lancement. Nous ne connaissions pas l’auteur avant cette parution- évènement chez « Hkeyet édition ». Et nous nous sommes posé la question : Qui se cache derrière cette histoire d’amour, tissée en langue arabe ? Entretien avec Wassim Ayari.
«Hob Kira » est un des premiers romans parus aux éditions « Hkeyet ». Que pouvez-vous nous dire sur votre livre sans trop en dévoiler à nos lecteurs ?
Une mise dans l’univers s’impose ! Il s’agit d’une fusion entre réalité et imaginaire. J’ai édifié un monde qui m’est propre en puisant dans la réalité. Elle suit Wajdi, un jeune homme orphelin, qui lutte pour subvenir à ses besoins, en travaillant durement, jusqu’au jour où il apprend que son père est vivant. Il part à sa recherche et dans sa quête, il rencontre « Kira ». Je n’en dis pas plus ! (Sourire).
Peut-on en savoir plus sur le processus d’écriture et sa dynamique ?
C’est le fruit de nombreux essais d’écriture, qui se sont longtemps succédé et qui ont finalement abouti. Depuis le primaire, j’ai toujours aimé écrire et faire paraître un livre. Mon amour pour l’écriture est incommensurable.et pouvoir le faire était un rêve d’enfant. Je faisais des jets dans différents cahiers, en langue arabe. Quand j’ai quitté ma région natale « Makther », ma perception du monde a changé. Elle a grandi. Toujours sur PC, je n’ai cessé d’écrire, jusqu’à mon accident de voiture, qui n’a fait que m’encourager finalement, à terminer le roman. J’ai commencé à 17 ans à l’écrire et à le réécrire. Et depuis cette épreuve, je n’ai cessé d’écrire. En 2021, j’ai terminé « Hob Kira ».
Votre formation était pourtant scientifique au lycée…
Oui, spécialisé dans la « géologie ». Depuis toujours, je tiens à écrire en toute liberté.
Vous avez commencé par la grande porte : le roman long et non pas par des nouvelles. N’est-ce pas risqué ?
Quand je commence à écrire, je ne peux m’arrêter. Je ne sais pas si c’est positif ou négatif. (sourire). Le brouillon a atteint plus de 456 pages. Et pourquoi pas prochainement, je procéderai en tomes. C’est ma première Filt en mode écrivain. L’accueil du public a été exquis. Je suis content même je me considère comme un projet. J’use des réseaux sociaux, spécialement Facebook pour maintenir un lien avec les fans. Entretenir cette idée, c’est s’ouvrir sur le monde.
Une étude académique réalisée en langue française a été publiée chez « Sud éditions » par Sofiane Jaballah, sociologue. Comme son titre le révèle, l’ouvrage « Devenir salafiste en Tunisie : le Comment du Pourquoi » revient sur le processus d’une radicalisation ou « d’une conversion » comme l’auteur le cite dans son synopsis. Il effectue un retour aux origines, une plongée temporelle dans le passé, jusqu’à nos jours. Sofiane Jaballah est aussi assistant à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sfax, il milite pour le développement des sciences humaines et sociales en Tunisie, enracinées empiriquement, décolonisées et engagées.
«Le Comment du Pourquoi» interpelle dans votre titre. Annoncez-vous décortiquer le salafisme ?
L’approche est explicative (le Comment ?) et compréhensive (le Pourquoi ?). Je pose les deux questions : le comment c’est la motivation individuelle, c’est le processus. La 2e partie est causale, c’est le phénomène par l’extérieur. L’humain a-t-il le choix de l’être ? Ou subit–il un déterminisme social ?
Quelle est la genèse de cette étude ?
C’est une thèse de doctorat et un article de revue publié dans la revue Ibla, qui ne s’adresse pas à un large public. A un lectorat qui peut être profane mais qui s’intéresse à la question religieuse, le fondamentalisme. L’objectif ambitieux du livre c’est de donner un processus commun de devenir «autre» : je les appelle, les trans comme les autres ou les trans-religieux. Comme les transclasss, transfuges. Le mot transmission, transition, trans-passé. Je suis dans la transposition. J’ai déjà élaboré des réflexions et des études sur plusieurs strates sociales, publiées dans des ouvrages, des articles, comme mon étude sur «Rue d’Espagne» ou la prochaine qui tournera autour des «Barbécha» et une autre sur les gardiens des parkings, le secteur de l’informel en Tunisie, qui émane du précariat et des zones exclues ou isolées.
Est–ce que le contexte international ou ce qu’on a connu auparavant au niveau national vous a poussé à publier cette étude ?
Bien sûr ! Dans le livre je consacre un chapitre à la «Sociologie de la sociologie », qui tente de préciser si j’étudie sur le salafisme ou si j’analyse mon rapport au salafisme. Tenter d’y faire face à travers la recherche ou s’ériger en sauveur… non ! J’ai choisi juste un sujet complexe et j’ai envie de le diffuser le plus possible et de le traduire. J’aimerais mieux faire connaître cette étude à travers des vidéos.