« Argu » d’Omar Belkacemi (2021) et « Le marin des montagnes » de Karim Aïnouz (2022) sont représentatifs d’un cinéma algérien qui tire sa force de son lieu, son contexte. Hymnes à la culture amazigh, les deux longs métrages prônent différemment une culture locale riche et des décors naturels authentiques et abondants.
Poétiser vainement la fiction
« Argu » qui signifie « Rêve » en langue amazigh, est le titre du dernier long métrage d’Omar Belkacemi. Le titre révélateur raconte déjà son contexte. Koukou est le personnage du film : il ne fait pas partie du moult, et se distingue par rapport aux habitants de ce village kabyle perché sur les montagnes. Koukou a la vingtaine, il a un comportement différent à l’apparence différente. Sur cette base, un comité de sages décide de l’interner dans un hôpital psychiatrique. Un acte collectif violent qui incitera Mahmoud, frère de Koukou et professeur de philosophie à Bejaia d’intervenir pour sauver son frère.
Ce village rétrograde et conservateur est secoué par cette personnalité, jeune, fraîche, éprise de liberté, de savoir et de musique. Une personnalité perçue comme une menace pour la communauté. Son frère à l’esprit éclairé, et érudit s’en prend à ce conservatisme lourd et pesant. Les deux frères finissent par s’isoler du poids de ces traditions, des préjugés, et de la morale dans les décors naturels de cette région kabyle, riche de sa nature enveloppante. L’occasion pour les deux hommes de se ressourcer : de se sentir libres, de s’adonner à des rêveries à n’en plus finir, à de la poésie et de chanter des lendemains meilleurs, pleins d’espoir.
Les plans et les décors naturels enrichissent esthétiquement la trame principale du film, tout en dénonçant un village rongé par l’oppression de ces préceptes et de sa mentalité : un étau qui fait fuir tous les jeunes. La caméra de Belkacemi revient sur les traditions, us et coutumes locales. Elle valorise l’esthétique irréprochable du lieu, en dénonçant le poids du conservatisme émanant de ces villageois.
Dans une lenteur ponctuée par des passages poétiques frontalement énoncés, le réalisateur tient à filmer les travers, les interdits, les ressentis éprouvés par les personnages du film, et retire sa magie à un résultat final qui s’épuise doucement mais sûrement. Le film se termine sur une note d’espoir marquante, et marquée par un retour et par l’attachement à cette terre natale.
Déplacements géographiques, recherche de soi à travers un retour aux sources, traversées ou déambulations dans des lieux habités par la nature sont récurrents dans ces deux longs métrages, car même si le premier est une fiction, «Le marin des montages » de Karim Aïnouz est un documentaire qui puise dans les origines.
Traversée initiatique
« Le marin des montagnes » de Karim Aïnouz est un documentaire personnel raconté à la première personne, et relatant le retour au village natal algérien du père. Un doc qui s’inscrit dans la durée avec une caméra portée. Un récit vrai et non moins émotif venait de démarrer, filmé banalement au départ, à travers des prises captées au fur à mesure de son trajet. Le spectateur saisira, dès le départ, la portée initiatique du film, qui brille par son titre révélateur et antonymique.
A l’écoute des passages entonnés avec une voix off, celle du cinéaste, le spectateur fait la connaissance d’Iracema, sa mère disparue. Des mots qui racontent les racines diverses de l’auteur, né au Brésil et élevé par son père amazigh, Majid, en Algérie. Le personnage narrateur qui transporte le spectateur par sa voix et sa caméra se présente comme étant originaire et connaisseur de la Kabylie et à la fois voyageur venant d’un autre continent et d’une autre culture.
Il filme son périple à travers des prises et des plans fixes depuis le navire jusqu’à son arrivée immersive à Alger puis à la Kabylie, ce berceau historique lové dans une nature fascinante. Les personnes qu’il filme depuis le début de son parcours prennent spontanément vie sous ses yeux : elles gesticulent, s’adonnent à des rires à n’en plus finir, parlent au moment où l’on s’y attend le moins et au fur à mesure des rencontres intenses et humaines, le réalisateur est comme tiré vers son village natal. Sa rencontre avec son homonyme, un autre Karim Aïnouz dans le village, fait basculer le documentaire dans une narration autre et un rythme différent, mais tout aussi attachant et attractif. Une manière de filmer d’Aïnouz qui valorise cet accueil, voire cette inclusion au sein de cette famille qu’il ne connaissait pas. Filmer l’intime dans ce film est essentiel, oui mais ça finit par englober lieux, rencontres, cultures, et tout un pays. L’intime bascule vers un collectif tout aussi divers et émouvant. Le pouvoir de l’image est à son apogée dans le dernier film en date de Karim Aïnouz : l’image comme support de souvenirs, d’histoires, de vies.
Ces deux films ont été présentés successivement à la 4e édition de « Gabès Cinéma Fen » et discutés longuement dans le cadre d’un atelier critique animé par Saad Chakali et Alexia Roux, deux critiques et spécialistes du 7e Art.*
Au fil des 120 dates et événements historiques qui ont fait et défait l’histoire de la Tunisie sur 3.000 ans, Lamia Karray, conférencière et autrice de cet ouvrage utile, actuellement en vente, offre à son lectorat un bond dans le temps.
Voici un ouvrage nécessaire de 170 pages qui se lit d’une seule traite. Des pages ponctuées de dates-clés et d’illustrations enrichissent son contenu et retiennent l’attention du lecteur de bout en bout. Après la parution de « Révolution et après ? » en 2011 et « Un Etat islamique peut-il être démocratique ? » en 2015, Lamia Karray revient sur l’histoire de son pays dans son dernier livre en date, publié à compte d’auteur, avec comme couverture le mythique port punique de Carthage. Une couverture qui en dit long sur les chapitres du livre, tous plus instructifs les uns que les autres.
Méthodique et ludique, ce livre plonge le lecteur dans un savoir riche, d’une manière simplifiée et à la portée, et lui permet de s’acquérir d’outils utiles pour retenir l’essentiel. Toutes les périodes cruciales qui ont secoué la Tunisie sont classées par ordre chronologique en remontant aux origines jusqu’à l’Indépendance. Les encadrés ne manquent pas : ils mettent en valeur les personnages historiques phares, les dates les plus marquantes dans l’histoire du pays et les diverses et nombreuses civilisations et culture qui ont fait « d’Africa » un carrefour civilisationnel unique.
On ne tardera pas à savoir, dès le début du livre, que la Tunisie, sur 3.000 ans, a été préhistorique, berbère, punique, romaine, vandale, byzantine, omayade, abbasside, aghlabide, fatimide, ziride, almohade, hafside, ottomane, beylicale, française et post-indépendante. Il n’y a point d’avenir, sans une valorisation, une sauvegarde la mémoire collective et de l’histoire d’un peuple. Il est actuellement disponible dans les librairies du Grand-Tunis et des grandes villes.
Parfois, en étant au bon endroit et souvent aux bons moments, des femmes se connectent au théâtre tout en s’attelant à leur travail initial : mettre de l’ordre dans les loges. Dans «Coiffeuse», Marwen Errouine leur rend un hommage chorégraphié.
La scène est la reconstitution d’une loge contenant une « coiffeuse » avec un miroir. En temps normal, dans la vraie vie, une pléiade de comédiens y défile au fil des spectacles : ils se coiffent, se maquillent, enfilent ensuite des vêtements accrochés dans des cintres et se reposent éventuellement sur un canapé : discussions à n’en plus finir, blagues, rires, et sautes d’humeur habitent l’envers des créations théâtrales constamment. Dans « Coiffeuse », le public découvre les coulisses d’un spectacle scénique et dans lequel des préparatifs titanesques se déroulent.
Ce qui est moins visible, pour le public, est que la loge, (dotée d’une « coiffeuse »), est aussi un lieu de vie fréquenté également par des aides-ménagères. En vrai, ces dernières tissent des liens, se familiarisent avec l’endroit, avec l’équipe composée d’artistes, de techniciens, de tout un staff et s’imprègnent par leur travail autour des arts vivants.
Dans « Coiffeuse», trois de ces femmes (interprétées par Malek Zouaidi, Intissar bel Haj Khelifa et Nadia Saiji) débarquent dans une loge désordonnée : avec des vêtements et objets par terre, peu éclairée…pensant y faire leurs tâches respectives, elles commenceront discrètement à s’imprégner par le travail des artistes, leurs accessoires et de leurs espaces de vie, à savoir une scène et ses coulisses. Le spectacle racontera la transition lente mais certaine d’une situation quotidienne asservissante à la scène, lieu d’art et de vies.
« Coiffeuse » d’une cinquantaine de minutes, et dont la dramaturgie est signée Myriam Soufy, est soutenu par une musique de Khalil Soufy : elle est rythmique et fait écho aux mouvements dansants exprimés par ces trois artistes. Un langage difficilement déchiffrable au fur et à mesure mais qui au final, s’ouvre sur un dénouement qui permet au public de faire la connaissance de ces trois vraies aides-ménagères, interrogées sur leur rapport au théâtre au quotidien. Elles travaillent durant des heures dans des salles de spectacles vivants et s’assurent que les équipes s’y sentent bien. Le quotidien de ces femmes se chevauche avec celui des artistes et des artisans du théâtre : elles finissent par voir les spectacles, assistent aux répétitions et aux préparatifs, tissent des liens avec les artistes et finalement, à s’interroger. Peuvent-elles un jour faire du théâtre ? Sont-elles admiratrices de cet art ? Quel impact a le théâtre sur leur quotidien ? Réponses, interrogations et impressions personnelles sont exprimées en guise de clôture mais restent peu perceptibles ou saississable durant tout le spectacle.
Initialement, l’idée de « Coiffeuse » était de mettre sur scène de vraies aides-ménagères et de les diriger avant de finalement léguer le travail à des interprètes. Une représentation a eu lieu à la Cité de la culture pendant le mois de Ramadan.
Une parenthèse musicale nommée « Sinouj » a conquis son public, grâce à sa justesse sonore, sa fusion instrumentale éclectique et une mise en scène visuellement attractive. Benjemy a assuré cette soirée de clôture du festival « Soufiyet », organisée par le Centre des musiques arabes et méditerranéennes (Ennejma Ezzahra) avec une pléiade d’artistes.
En plus de son effusion sonore recherchée, « Sinouj » se caractérise par la richesse de ses artistes-participants et leurs instruments : Houyem Ghattas au violon, les voix de Haythem Hadhiri et Abdesslem Ben Souiden, sans oublier, le duo Montasser Jebali-Elyes qui a ajouté des sonorités rythmiques et traditionnelles retentissantes, en maniant la « darbouka », le « mézwed » et la « zokra ». La lumière, les bougies, les habits, les bijoux (signés Kahena Collection) sont les atouts forts du spectacle. Un moment musical de plus d’1h20 qui se vit. Les invités se sont laissés imprégner par ce moment musical et en partie spirituel.
Initialement, « Sinouj » est un projet solo, mais qui n’a pas tardé à s’agrandir. Il a été conçu dans le cadre du « Sicca Jazz » dans des formats solo et se caractérisait principalement, au départ, par ses sonorités électroniques. L’idée de créer une troupe autour du projet a été concrétisée par la suite : le public a pu voir le résultat sur la scène d’Ennejma Ezzahra. Il s’agissait d’un premier jet, un premier essai en groupe maintenu à l’occasion de la clôture de « Soufiyet » 2022, le festival organisé à l’occasion du mois de ramadan.
Le spectacle oscille entre musique « populaire » et « soufi ». L’électronique habille tout le répertoire du spectacle. Initialement, « Sinouj » est instrumental et est élaboré autour d’une recherche approfondie sur le rythme. Le dosage entre les genres musicaux était juste, autre atout fort du spectacle. « Mon rêve, c’est d’enrichir ‘‘Sinouj’’ de 30 à 40 talents sur scène », confie Benjemy. Le rendre adaptable à des soirées nocturnes et à d’autres lieux fait partie des objectifs de l’artiste.
Un Marvel pas comme les autres a pris d’assaut les salles de cinéma tunisiennes lors d’une sortie mondiale qui a eu lieu la veille du Ramadan. « Morbius » de Daniel Espinosa est le premier Marvel consacré à cet anti-héros vampirique interprété par un Jared Leto, plus sanguinaire que jamais.
Distribué par Pathé BC Afrique, le blockbuster compte par les plus attendus de l’année. D’une durée d’1h45 (seulement), il s’agit du premier film consacré à ce super-héros complexe et inclassable : oscillant entre le Bien et le Mal, ne sachant pas où se situer, tiraillé entre son amour pour la vie, la science, le progrès de la médecine ou remédier à sa maladie rare et incurable du sang, le docteur et chercheur « Michael Morbius », de son vrai nom, s’essaie à des expériences dans un laboratoire et… qui s’avéreront désastreuses.
Cet Homme de science va fusionner les gènes d’un ADN humain à du sang de chauve-souris, ce qui le transformera en une créature assoiffée de sang, mi-humaine, mi-bête sanguinaire. Le film est construit essentiellement sur une histoire d’amitié entre deux enfants, tous les deux atteints de cette forme de leucémie rare et élevés par un mentor. Deux enfants livrés à eux-mêmes, inséparables, et qui grandiront ensemble, luttant des années durant contre ce spectre de la mort… Ensemble jusqu’à ce qu’une folie furieuse et un excès de manipulation génétique les séparent.
« Morbius » est sans doute l’un des anti-héros les plus sombres, les plus féroces, et les plus violents que Marvel et Sony Pictures ont pu concevoir en B.D. On s’attache difficilement à cette créature : on comprend moyennement ses choix de vie, ses réactions, son adaptation difficile aux états d’âme humains et bestiaux. Un héros qui traîne un côté énigmatique, souvent insaisissable. Son parcours reflète surtout son tiraillement entre pulsions inhumaines et sentiments nobles : les émotions d’un amoureux éperdu, d’un ami fidèle qui deviendra ennemi redoutable, d’un médecin dévoué pour ses patients. Matt Smith interprète l’ami/ennemi en question.
Le film rappelle les deux longs-métrages consacrés à « Venom », un autre héros Marvel, sujet à des expériences scientifiques qui tourneront mal : « Morbius » attise les discussions entre les fans de DC Comics, Marvel, Disney et Sony Pictures. Les Crossovers, clins d’œil et autres indices se référant à d’autres super-héros comme Spider-man ou Dr Strange, pullulent, nourrissant ainsi cette immense industrie du cinéma hyperprisée de nos jours. Un cinéma divertissant, attractif, qui nourrit l’imaginaire des enfants, des jeunes, mais également de jeunes adultes depuis déjà des années durant. Le démarrage au Box mondial de « Morbius » a bien eu lieu. L’occasion de fréquenter les salles de cinéma en Tunisie en compagnie de ses enfants, le soir ou pendant une journée ramadanesque.
C’était comme si nous nous étions égarés dans un fief de monstres ! Des petites aux grandes bêtes en passant par celles qui s’apprêtent à éclore, toutes entraînent le visiteur à Central Tunis, désormais l’antre d’Amir Chelly jusqu’au 31 mars 2022. A travers son art, le créateur nous fait aimer ses propres « monstres ».
Cette déambulation artistique s’est faite au 42, rue Ben-Ghedhahem. Passants et visiteurs sont comme happés à l’intérieur, attirés par le son redondant d’une berceuse. Un son qui accompagne les plus curieux, une fois sur place, tout au long de la visite. « I’m a Monster » (Je suis un monstre) est bel et bien le titre révélateur de l’exposition-monstre d’Amir Chelly, jeune artiste tunisien, inscrit en thèse de doctorat à l’unité de recherche Esthétiques et Pratiques des arts de l’Institut supérieur des beaux-arts de Sousse. Chelly a participé furtivement à une exposition auparavant, bien avant d’arriver à mener à bout « I’m a Monster », sa première exposition officielle, tenue à Tunis.
Le travail dans sa globalité fusionne « peintures et sculptures », visible sur les murs de l’espace et au sol : une création élaborée dans une esthétique attrayante, riche en couleurs, en formes diverses et qui dessine le milieu où vivent ces monstres en apparence, pour la plupart, « presque » inoffensifs : des bestioles tantôt attachantes, tantôt repoussantes. L’exposition plastique échappe à l’espace – temps, prend place dans notre réalité ordinaire, en lui ajoutant un zeste de fantaisie, de fantastique, le temps d’une découverte. Toutes les formes conçues et exhibées sur place par l’artiste déforment totalement notre imaginaire déjà développé autour de la figure des monstres, d’où cette volonté de la déconstruire. Un imaginaire collectif qui a puisé dans la littérature, la culture sérielle, les films, les dessins animés et qui est désormais enrichi par la touche de Chelly.
Des physiques hybrides, des yeux globuleux, des corps tantôt humains, tantôt animaliers, des visages déformés, des ailes d’anges ou des oiseaux sur des corps d’enfants, cette monstruosité exprimée titille notre conception classique des monstres et offre une vision inédite, faite de plusieurs disciplines : une technique que l’artiste tient à appliquer. Trêve de frontières entre les disciplines. L’influence mythologico-grecque se fait d’ailleurs sentir dans son expo-monstre que l’artiste voudrait « transgressive », échappant aux normes. Il dissocie l’aspect maléfique souvent attribué à la figure des monstres, ayant une présence « repoussante » et « effrayante », et souligne cette dualité oxymorique qui caractérise son travail truffé de notions contradictoires : le beau et le laid, la tristesse et la joie, la douceur et la crainte, la féérie et la monstruosité, le diabolique et l’angélique, le céleste et le terrestre. Une vision globale qui ne laisse pas le récepteur indifférent. L’exposition monstrueuse d’Amir Chelly se poursuit jusqu’au 31 mars 2022, au 42, rue Ben-Ghedhahem, Central Tunis.
Le noir et blanc sur grand écran continue de conquérir le box-office. « Belfast » de Kenneth Branagh sort dans toutes les salles du monde : l’accueil commercial et critique est au rendez-vous, puisqu’il rafle, déjà, pas moins de 7 nominations aux Oscars. Le long métrage s’arrête sur une période houleuse du XXe siècle, marquée par des affrontements entre civils à caractère religieux.
« Belfast » raconte la chasse des catholiques, vue à travers les yeux de Buddy, un enfant de 9 ans, qui grandit au sein d’une famille d’ouvriers respectée, au nord de la cité de « Belfast ». Ils résident dans un quartier paisible de cette grande ville ouvrière dans lequel protestants et catholiques y vivaient ensemble en parfaite symbiose, jusqu’au jour où des émeutes violentes éclatent : c’était en plein été 1969. Le déchirement commence alors et pour Buddy et pour ses deux parents, incarnés par Jamie Dornan et Caitriona Balfe, qui font face à une vague de violence sans précédent : leur sécurité devient leur principal souci. Les parents, les grands-parents et les enfants, au sein de cette famille, tiennent toutes et tous par tous les moyens à leur terre, refusant de partir. A travers les yeux de cet enfant cadet, tout un paysage chaotique s’est créé, fait de sectarisme, de séparatisme entre bons et méchants, pieux catho ou protestants, banditisme, délinquance, conflits et frontières entre communautés.
Une guerre civile était définitivement lancée. Le réalisateur du film s’est librement inspiré de son enfance et de son propre vécu pour reconstituer cette époque tragique de l’histoire de l’Irlande du Nord.
L’enfant acteur Jude Hill, principal personnage du film, interprète remarquablement bien le rôle de Buddy : sens de la répartie, énergie, humour débordant, légèreté, réflexions d’adultes et sensibilité soulèvent l’histoire et sa trame, face à des parents à la présence physique électrique et au jeu d’acteur sobre et élégant : un duo solidaire pour sauver leur famille et aspirer toujours ensemble à une existence meilleure, dans l’ici ou l’ailleurs. Il est difficile d’évoquer cette guerre civile sans dessiner ce dialogue générationnel entre enfants (Buddy et son frère), leurs parents, et la génération des grands-parents, interprétée par Judi Dench et Ciaran Hinds. Deux personnages âgés à la présence apaisante, touchante et même drôle, mais dont l’existence est peinte volontairement dans le film d’une manière creuse et superficielle.
« Belfast » a le mérite d’être authentique et sincère dans son propos : le réalisateur était soucieux de ne pas peindre autrement l’histoire, mais plutôt de la raconter différemment.
Quelques références à un cinéma d’antan sont glissées, notamment un clin d’œil à l’ancienne version de « Thor » que Branagh finira par réaliser en 2011. L’esthétique du film est incontestablement son point fort : «le noir et blanc» utilisé accentue les sentiments, les ressentis et l’aspect émotionnel chez les personnages n’est pas forcément synonyme de drames ou de malheurs : il met même en exergue les décors, les costumes, la mimique des protagonistes.
Riche aussi d’une mise en scène maîtrisée, « Belfast » rappelle incontestablement d’autres scénarios ayant eu beaucoup de succès ces derniers temps citant « Jojo Rabbit » de Taika Waititi, qui raconte la chute de l’Allemagne nazie à travers les yeux d’un enfant, ou le Mexique de l’enfance d’Alfonso Cueron, reconstitué dans « Roma », également filmé en noir et blanc. Branagh prouve une fois de plus que les Marvel ne sont pas son seul dada. Distribué par Pathé BC Afrique, le film est programmé actuellement dans les salles tunisiennes.
Une spirale de sons s’est abattue sur les hauteurs du Kef, en plein mois de mars, à l’occasion du concert attendu de Guillaume Perret, saxophoniste et jazzman français, venu présenter en exclusivité «Simplify», son dernier projet en date.
«J’ai choisi de vous le présenter, en première, public tunisien, en y apportant peut-être quelques changements à l’avenir», déclare l’artiste, enthousiaste face à un public médusé. Sa musique, sur plus d’1h15, électrise à souhait, par son mélange inédit entre jazz, électro, et quelques touches d’heavy métal, et son oriental. Une maîtrise instrumentale précise qui tombe dans l’oreille d’un mélomane.
Perret, accompagné de Tao Ehrlich aux drums, s’empare de la scène du Centre des arts dramatiques et scéniques du Kef, ne communiquant qu’à travers sa musique. Son répertoire, préparé à l’occasion, paraît insaisissable au départ, jusqu’à ce qu’il prenne une dimension singulière et universelle particulière. Une musique festive et gaie qui parvient à conquérir. Trêve de frontières entre genres musicaux présentés sur scène, l’artiste affiche de loin sa caractéristique : De la musique Jazzy électro, génératrice d’émotions diverses.
Ce concert, le deuxième pour Perret, est effectué dans le cadre du « Sicca Jazz». Son genre musical est puisé dans les cultures du monde. L’artiste pioche dans le patrimoine musical de nombreux peuples et contrées et l’insuffle dans ses compositions, comme celles qui font le projet «Simplify». Une musique qui s’adresse aux peuples du monde, hymne sonore à la paix, à la tolérance et pour un monde ouvert. Le projet «Simplify», titré «simple» en anglais, reste ficelé, et musicalement élaboré. Au bout d’1h15 de temps, Perret part sous les applaudissements, et en présence sur scène des artistes Mahdi Nassouli et Karim Ziad. Les deux viennent annoncer leur prochaine soirée, attendue pour le 17 mars 2022 (hier). La ville du Kef continue à vivre au rythme de cet événement musical d’ampleur dans la région, habituellement, maintenu à la Kasbah. La scène libre du festival ne s’est pas tenue dans la journée du 16 mars 2022. D’autres noms viendront enrichir et la petite scène et la scène principale du «Sicca Jazz». La clôture est attendue pour le 20 mars 2022.
Le premier long-métrage de Mohamed Ali Nahdi puise dans des évènements majeurs qui ont fait et défait l’actualité houleuse, et souvent violente d’une Tunisie postrévolutionnaire, entachée par des dérives terroristes, depuis le déclenchement de la Révolution de 2011. Nécessaire, certes, mais redondant.
L’histoire peint une Tunisie amochée par une crise politique majeure, celle de 2011 et de sa dite «révolution du Printemps ou du Jasmin». Le scénario resitue son public dans une période de la Tunisie qui paraît lointaine, et rafraîchit la mémoire d’un peuple tunisien, jusqu’à nos jours, meurtri mais résistant, à l’aide d’images d’archives, de reportages médias vrais, tout en relatant l’histoire de Moez. Ce jeune Tunisien est issu d’un milieu défavorisé, dont le rêve est de devenir comédien, et qui voit sa vie prendre un tournant inattendu, un jour, lors d’une interpellation policière. Le destin de Moez se confond avec celui d’un fanatique religieux beur aux desseins dangereux. Commence alors une course-poursuite pour semer les autorités, jusqu’à immersion dans l’endoctrinement religieux et la fabrique du terrorisme, ou comment créer des bombes humaines à retardement.
Sans beaucoup dévoiler l’intrigue exacte, le film oscille entre scènes d’action, d’affrontements entre forces de l’ordre et courants extrémistes. Moez se retrouve embourbé dans une situation qui le dépasse, aux répercussions conséquentes et sur sa personne, mais aussi sur sa famille et ses proches. Démuni, il se laisse happer dans une succession d’évènements… jusqu’à voir une lueur au bout du tunnel ?
Les échanges des deux protagonistes dévoilent au fur et à mesure un aspect de leurs deux personnalités, deux hommes totalement à l’opposé l’un de l’autre, mais qui finiront par tracer ce bout de chemin périlleux ensemble et malgré eux.
«Moez : Le bout du tunnel» est un essai sur grand écran qui fusionne fiction et aspect documentaire. En alternant récit fictif et véritables extraits de faits réels, comme les attaques terroristes au musée du Bardo, ou des reconstitutions, comme le meurtre de feu Chokri Belaïd, le spectateur se perd dans des scènes saccadées, à la portée initialement nécessaires. Les deux acteurs principaux Saïf Manaï et Akram Mag portent le film tout au long de cette route périlleuse vers la mort. «Moez : le bout du Tunnel» est une histoire fictive virevoltante, vue et revue, traitée différemment dans un nombre incalculable de films étrangers et tunisiens. Un long-métrage qui se distingue, néanmoins, par son aspect documentaire utile, contre l’oubli.
Ce projet devait être une série télévisée avant de se convertir en long-métrage, qui a pris des années à voir le jour. Leïla Chebbi, Slah Msaddak, Lamine Nahdi, et des acteurs, comme Mohamed Ali Midani et Moncef Aguengui sont à l’affiche. Après une série de courts-métrages, Mohamed Ali Nahdi souligne la nécessité de s’arrêter sur cette époque difficile de l’histoire de la Tunisie.