Bien avant la crise du covid-19, le statut de l’artiste suscitait déjà débats et revendications. Textes de loi vus et revus, et décisions en perpétuel report sont restées en suspens. La concrétisation tarde à venir et le flou s’est étalé davantage en pleine tourmente sanitaire et politique. Exercer en ayant une carte professionnelle et revoir le statut de l’artiste restent de mise.
Copyright photo de Benjemy : Emna Jaidane
Ahmed Benjemy, artiste-musicien :
«A une certaine période, concernant la carte professionnelle, les autorités l’ont remise à des artistes professionnels en y ajoutant des prérogatives : c’est comme si le travail s’est fait à l’envers. Même s’ils voulaient s’inspirer du système français, ce n’est pas comparable : en France, quand un concert ou un évènement s’organise dans le cadre d’uns structure légale, tout est réglementé … Ici, tout se fait à l’arraché, en improvisant, en contournant : on se débrouille pour la sono, la vente se fait en ligne ou autre… Avec la carte pro, le secteur peut mieux se structurer, évitant ainsi les débordements. La carte professionnelle peut mieux servir quand le statut de l’artiste s’éclaircira davantage.
«A travers les gouvernements qui se sont succédé, rien n’a été fixé, ou maintenu concernant le statut de l’artiste dans sa globalité. Il y a un problème grave de communication au niveau des institutions. L’année dernière, des régimes liés à l’assurance sociale ont été évoqués, et à travers la carte pro, on pouvait mieux régler notre statut, gérer sa patente… juste avant la crise du covid-19 qui a tout bloqué. Une démarche qui n’aura servi à rien, de toutes les manières, dans un contexte sanitaire aussi grave… Après, il n’y a pas eu de suivi, ni de rappel. Les caisses de subvention doivent être mieux contrôlées. Les projets musicaux sont subventionnés à la va-vite et attribués à des gens qui ne sont pas productifs ou qui ne créent pas depuis longtemps. Les appels à candidature pour les subventions se font dans de couloirs obscurs, on n’en entend même pas parler … tout est encore flou, il n’y a rien de concret autour de ce statut. »
Neysatu – Badiaa Bouhrizi, chanteuse autrice-compositrice– interprète :
« La carte ‘‘professionnelle’’ » ne rime pas avec professionnalisme, selon moi. D’après la loi élaborée autour de cette carte, en tant qu’artiste, pour l’obtenir, il suffit d’avoir un nombre de contrats à son actif, ou bien passer un test de niveau. J’ai essayé auparavant de procéder ainsi … rien de tout ça n’a été pris en compte ou n’a été appliqué. Je m’étais adressée au commissariat régional parce que la loi le stipule noir sur blanc… en vain. La définition de ‘‘professionnel’’ est que l’artiste vit de son art : c’est son gagne-pain. Qui sont ces gens, désignés pour nous juger ? Selon moi, cette carte ne sert à rien… sauf dans le cadre de coopérations, dans des instituts culturels, ou dans des ambassades, ou en cas de contrôle policier.
«Cette carte est un outil de contrôle… comme celle utilisée par un auto-entrepreneur. C’est un statut vague. Pourquoi demander un cahier des charges à un artiste ? Ainsi, jusqu’à maintenant, à part contourner, on n’a pas de statut défini pour l’artiste spécifiquement. S’il y a des réformes à faire, ça serait éclaircir le statut en urgence. On est au ralenti … j’aurais bien aimé gérer ma carrière comme une entreprise, mieux que de devoir adopter un cahier des charges ambigu ou de lancer une société de services ».
Kamel Ring, musicien de rue :
« La carte professionnelle, de nos jours, est montrée par des artistes pour dire qu’on l’est. On dirait que sans cette carte, l’artiste ne l’est pas. Elle sert à avoir son visa, c’est possible … Sinon, certains la possèdent alors qu’ils n’ont rien à voir avec le domaine artistique : Ils l’ont achetée. Pour la carte d’identité, oui, le statut de l’artiste est mentionné grâce à cette carte dite pro. Par ailleurs, quand on a une opportunité de travail, certains recruteurs l’exigent et veulent savoir s’ils sont face à ‘‘un professionnel’’ selon leurs normes ou pas. Aux yeux de certains, c’est cette carte qui détermine l’artiste pas forcément son art. Pour l’assurance sociale, elle renforce. Personnellement, en tant qu’artiste, j’ai eu mon certificat « Busker License », qui me permet de me produire dans les rues de toutes les villes du monde entier sous la protection de l’Association mondiale de défense des droits des artistes de rue. Même quand je me fais embêter par la police, c’est ce que je présente en contactant l’association, et celles et ceux qui m’ont octroyé le certificat. En Tunisie, notre statut, on se le forge encore, en improvisant ».
«Kamel Ring », jeune artiste de 22 ans, ne passe pas inaperçu dans les avenues et les rues de Tunis : il suscite émerveillement, curiosité et esquisse, sourires, airs joviaux chez les passants grâce à la «Street Music» ou la «Musique de Rue».
Muni de sa guitare Ibanez et du matériel nécessaire à une performance sono en plein air, le jeune Kamel attire la foule grâce à sa présence, une énergie décapante, une apparence attrayante—à l’image des idoles du moment—et une voix vibrante. L’artiste n’a rien à envier à des talents professionnels sur scène et c’est au centre-ville de Tunis et à la Marsa qu’il campe le plus souvent.
Kamel se lance dans des reprises en anglais actuellement très connues et prisées par un large public diversifié. Il est féru de pop anglaise et le clame sur les réseaux sociaux et via sa musique. La musique de rue, très peu d’artistes la pratiquent en Tunisie: des années plus tôt, certains d’entre ces pépites montantes ont même été malmenés par les autorités. Kamel Ring voudrait faire connaître cet art, plus connu dans des pays occidentaux sous l’appellation de «Buskers».
Des performances qui éveillent positivité et bienveillance de la part des passants : ces derniers s’empressent de laisser souvent des pièces de monnaie. Outre la passion, l’intention du jeune artiste est de casser avec l’idée que les rues de la capitale sont malfamées, mal fréquentées en commençant, selon lui, par les rendre beaucoup plus vivantes, belles, plaisantes, à travers la musique et la bonne humeur. Des reprises d’Ed Sheeran ou Lewis Capaldi retentissent et plaisent à son public grandissant.
Kamel Ring est passionné de musique anglaise mais cela ne l’empêche pas d’interpréter des morceaux en arabe et en tunisien comme des titres de Halim Yousfi. Grâce à sa guitare et ses pas de danse, il a su conquérir admirateurs et auditeurs. L’enregistrement de son prochain album grâce à «Bluebox Tunisie» est en cours. L’artiste est également suivi sur sa chaîne Youtube, Instagram et Facebook. Du haut de ses 22 ans, il a les atouts nécessaires pour faire de la «Street music» un talent récurrent visible dans nos rues.
Se lancer dans une aventure créative à l’aube de la crise de la Covid-19 était risqué, pourtant, Siwar Bouksila, jeune artiste designer-graphiste, s’est tout simplement accrochée à un rêve à vocation artistique. Focus sur un brin d’espoir dans un océan de morosité.
Titulaire d’une licence fondamentale en audiovisuel de l’Institut des Beaux-Arts de Nabeul, Siwar Bouksila, du haut de ses vingt piges, s’imaginait un avenir épanoui dans le large secteur de l’audiovisuel : sa dynamique, son mouvement, sa production la fascinaient… de loin. Une fois sur le terrain, la réalité était dénuée d’artifices et s’est mêlée à la désillusion. Son parcours a pris une toute autre tournure, vers un univers plus créatif et tout aussi riche en enchaînant avec un mastère professionnel en design graphique à Sousse.
Une fois obtenu avec mention et avec passion, les opportunités ont commencé à fleurir, citons son passage capital à l’espace culturel Inart à Hammamet, qu’elle a géré sous la houlette de Mme Dalel Bouslama, artiste photographe pionnière et universitaire, tout en alternant travail et un 2e mastère de recherche. Une étape universitaire qu’elle n’a pas validée, happée par l’envie pressante de percer professionnellement.
Expositions, rencontres avec des artistes divers de tous bords, évènements en tous genres, conception d’affiches ont élargi son réseau de connaissances et ont alimenté sa passion, son savoir-faire et ses ambitions. Concevoir son propre projet devenait une nécessité… Cadres, graphismes, calligraphies ont commencé à fusionner donnant lieu à « Fyena », son propre espace de création. « Un pari risqué dans une zone qui n’est pas connue pour sa fibre artistique, pour cette passion, mais dont les habitants peuvent être consommateurs, à la recherche constamment de cadeaux à offrir, d’articles de décoration. La création acquise est personnifiée, entièrement réalisée par les goûts de la personne désireuse de s’offrir des produits au final peu communs, commerciaux, distingués», présente passionnément l’artiste- graphiste.
L’espace tel qu’il existe en ce moment n’a vu le jour qu’à la veille de la crise de la Covid-19… Trois ans auparavant, la passion s’entretenait à travers les réseaux sociaux Instagram et Facebook et ciblait un public délocalisé de Nabeul. C’est, en effet, à Tunis et à Sfax surtout que «Fyena» devenait visible et où elle l’est toujours. « L’ Inart m’avait permis de présenter mes créations au fur à mesure en organisant ma propre exposition : je faisais des cadres modifiables en répondant aux goûts des intéressés et ça continue… », déclare Siwar Bouksila.
Jusqu’au début de 2020, son parcours a failli perdurer… à Bali, là où elle a attrapé le virus des concepts Store pendant un voyage. A son retour, son projet devait voir le jour en Tunisie… Rien ne l’empêchait de le faire malgré le contexte extrêmement glissant que le monde vit. Siwar Bouksila était déterminée à revenir à Bali pour mieux se former, mais le coronavirus a tout saboté en fermant les frontières… c’était donc le moment crucial de se lancer, sans hésitation, en s’engageant entièrement en Tunisie.
« Fyena », nom attribué au hasard à son travail par les gens qu’elle a côtoyés, a été présenté à Paris et a désormais une filière prisée à Bali, gérée par son frère, résident là-bas. Tenace, déterminée, elle a pu s’accomplir… rapidement, malgré les obstacles.
Depuis sa création en 2010, « FEST-in » fait fureur à l’étranger. La manifestation cette année s’est étalée en prenant pied à Tunis et en s’organisant à cheval entre l’Institut Cervantes et l’« Esprit School of Business ». Le festival de cinéma a été dirigé au sein de cette école supérieure par « BMovie … », un noyau d’étudiants cinéphiles.
« FEST-in » sillonne le monde et s’est fait connaître au Portugal et dans divers pays européens avant de se poser du 24 au 26 avril en Tunisie pour la première fois. Il s’agit d’une manifestation cinématographique totalement itinérante et qui fête en 2019 sa 10e année. Partage, inclusion sociale, échange font partie des objectifs de ce festival qui veille à les atteindre d’un pays à un autre. La manifestation portugaise regorge de films portugais principalement, courts et longs métrages pour la plupart, riche en techniques pointues de l’audiovisuel. Donner un aperçu sur la culture portugaise et son 7e art a finalement attisé la curiosité des cinéphiles au sein de cet établissement supérieur mais aussi à l’Institut Cervantes. Les projections ont attiré un nombre correct de spectateurs malgré une communication timide. Cette 10e édition du FEST-in a été marquée par la présence de sa directrice Mme Adriana Niemeyer, venue tout droit de Lisbonne pour lancer les festivités et assister ainsi à la première projection du film brésilien « Antes que eu le Esqueça » (Avant que j’oublie).
Un marathon court et simultané de films
Le cinéma lusophone était certes à l’honneur mais la programmation était également composée de films issus du Brésil, du Cap-Vert, du Mozambique, de l’Angola et du Timor-Leste. A « l’Institut Cervantes de Tunez », trois films ont été projetés tous en VO : le brésilien « Place de Paris », le portugais « L’épine de la rose » et « Toutes les chansons d’amour », un film par jour pendant trois jours. « BMovie » au sein de l’ESB s’est chargé d’assurer les séances à partir de 17h00. Après le film d’ouverture, le portugais « Toute une vie à attendre » a été présenté le 25 avril. Le festival a tenu à consacrer sa troisième et dernière journée aux « courts métrages ». Baptisé « Les accents de la langue portugaise », d’une durée totale de 136 mn, les films sont issus des pays déjà cités mais le cycle alterne documentaires courts et fictions. Mission amplement accomplie pour ce noyau de cinéphiles au sein d’un établissement supérieur, celui de l’ESB, qui voit ses activités s’enrichir grâce à ce type d’initiative. « BMovie » a pour but d’introduire les étudiants à la culture cinématographique en temps normal à travers des projections, débats, ateliers et conférences organisés par le club. Et par projections de films, le club s’ouvre aux films d’auteur et indépendants.
Sortir par la grande porte, enter dans l’Histoire…Ou simplement créer sa légende. Chacun de ceux qui l’ont connu aura une version propre .C’est peut-être cette bonhomie, jamais sans arrière-pensées, ou cet air de fausse légèreté face aux déboires du monde, ou parfois cette obsession de l’Etat… Son air de grand-père pour certains, ou son éloquence diplomatique pour d’autres, Mohamed Beji Caid Essebssi, El Béji, Bajbouj… L‘éternel président de tous les tunisiens, puisque premier à être élu démocratiquement..
Mort dans l’exercice de ses fonctions le 25 juillet, jour de la fête de la République…tout est là pour que la trace soit particulière, positive pour certains, ambivalente pour d’autres, nuancée toujours mais présente, incontournable. Il a été un Homme d’Etat, dans une Tunisie qu’il a rêvée, forte, qu’il a certainement aimée, parfois trop parfois mal, parfois autant qu’une mère parfois moins qu’un fils. L’heure du bilan n’a pas sonné et l’histoire a ses raisons et son propre filet. Une voix de jeune fille résonne dans une foule “ Bajbouj il love you, Bajbouj :”Met too », répondit-il comme un éternel message d’humour et d’amour à ce pays aimé profondément et sans relâche jusqu’ ‘au dernier souffle. Loin des communiqués plus ou moins froids des partis politiques, loin des déclarations de peines subites… C’est aux artistes que nous nous sommes adressés, aux intellectuels pour sonder au-delà de la surface, l’impact de cette disparition, pour un ultime adieu.
Ali Bannour -comédien et député
En tant que citoyen artiste et député. Je dis avant toute chose que BCE repose en paix. Toute sa vie durant, il était là, présent pendant les tournants politiques du pays : 2011, 2014, 2019… Ses positions face aux avancements de la loi électorale par exemple, sont claires. Il a agi en tant que chef de l’Etat, juriste, président de parti. Face à sa disparition, personne ne peut lui rapprocher quoi que ce soit de mauvais, à mon avis, c’est un moment de recueillement. Je suis contre toutes celles et ceux qui font des spéculations, qui insultent ou qui dénigrent. Ce n’est pas le moment. M.BCE a fait un passage extraordinaire, après la révolution jusqu’à nos jours. C’est un monsieur qui a été tout le temps présent, comme un vrai chef d’Etat. Il a pu avoir le consensus de tout le monde et a sauvé le pays en 2011, en 2014, et il le sauve maintenant après son décès : le plus important à retenir de tout cela, c’est cette transition, cette Tunisie qui vit sa transition démocratique, doucement mais sûrement. C’est son peuple, sa mentalité, sa politique qui restent exceptionnelles. Un peuple qui avance en ayant derrière lui l’effigie de Béji Caied Essebsi qui reste, sans doute, un symbole. J’ai beaucoup de respect pour ce monsieur. On peut ne peut pas être d’accord avec ses choix, mais c’est cela la démocratie. Les âmes malades sont à esquiver. Et il faut tenir bon. Ça continue, les institutions de l’Etat sont là, l’Etat aussi. Il faut avancer en acceptant le processus démocratique qui n’est pas facile à vivre.
Syhem Belkhodja -chorégraphe
Qu’il repose en paix ! On est toutes et tous très émus. C’est un grand monsieur et on comprendra plus tard ce qu’il a fait pour l’Histoire. Beaucoup de gens étaient malheureusement très négatifs par rapport à tout ce qu’il a entrepris. Mais maintenant il est mort et ils ont déjà commencé à crier ses louanges. Mais ce n’est pas cela le plus important : sa mort va réunir les Tunisiens autour de leur destin. Aujourd’hui, on va être les modernistes et on est en train de vivre les aventures d’une Tunisie démocratique. Je pense qu’il est sorti par la grande porte, le jour du 25 juillet. C’est symbolique ! Cette Tunisie est décidément bénie par tous les Dieux. Il y a une leçon à tirer : ce petit pays qui monte est encore clairement démocratique. C’est un appel à la jeunesse aujourd’hui car c’est le dernier papa qui part. Les Jeunes doivent prendre la relève et doivent être capables de diriger le pays avec le soutien de la société civile.Les grands Messieurs nous ont accompagnés, nous ont protégés, nous –mêmes on disait du mal de nos pères comme tous les complexes d’Œdipe et d’Electra qu’on peut avoir, ça arrive.Mais aujourd’hui, il faut avancer et on a qu’un mois et demi pour continuer à écrire l’Histoire de la Tunisie et de sa 3e République, dirigée par les jeunes avec un regard sur les jeunes, pour les jeunes.
Abdelhamid Bouchnak- cinéaste
Le jeune réalisateur, qui avec mélancolie raconte une génération qui a pu découvrir le sens de l‘Etat sous la présidence de Béji caïd Essebssi. A y voir de plus près,c’est certainement le premier président pour la génération d’Abdel Hamid,le premier élu,le plus réel ,et le plus proche “ j’avais l’impression de perdre une personne proche, je crois que c’était une figure du pouvoir de la proximité.Il a su gouverner ,mais il a surtout su toucher les coeurs des Tunisiens. Beji Caid Essbssi est également pour moi une figure de ce bourguibisme fantasmé. Personnellement c’est une époque qui me fascinait. Je me suis toujours demandé si cette politique de Béji Caid Essebssi est un reflet du Bourguibisme alors qu’est-ce que la version originale aurait donné?Un âge d’or manqué certainement. Je pense que ce qui reste aujourd’hui de lui, c ‘est cette sublime leçon de persévérance, de foi en soi… Ne jamais baisser les bras c‘est la plus belle leçon que je retiens de lui qui à 92 ans devient et meurt en éternel président. Un personnage presque de fiction pourtant vrai et tellement ancré dans la réalité. Hier sa mort a de nouveau réuni les incompatibles, autour d’une idée plus grande que les hommes, celle de la Tunisie. Paix à son âme”.
Adnen Chaouachi -chanteur compositeur
La voix tendre et douce, un artiste à fleur de peau, discret généreux, avec émotion vraie, sans emphase, la voix voilée nous a accueillis dans sa peine de citoyen : ”Ce n’est pas l’artiste qui parle, je suis face à cette perte comme tous les Tunisiens peinés. C’est une grande perte. Tristesse et émotion. Le peuple et la Nation Tunisienne perdent un homme d’Etat, exceptionnel, qui a travaillé jusqu’à la fin et donné ce qu’il a pu au pays. Je garde de lui le souvenir de celui qui a essayé de réconcilier et d’unir. Difficile de le dissocier de la Tunisie aujourd’hui, je pense que tous ceux qui aiment la Tunisie partagent la peine de sa perte, mais ce pays est riche d ‘hommes et de femmes qui prendront le relais. Il nous aura laissé quelques belles leçons, la persévérance, et le sens de l‘Etat”.
Propos recuillis par Amel Douja Dhaouadi et Haithem Haouel
En plein foisonnement culturel, la Tunisie se dote d’un incubateur culturel et créatif, le premier dans le genre à posséder un programme transversal et innovant qui vient renforcer deux industries : culturelle et créative.
Soutenu par la fondation Drosos et Inco, le catalyseur mondial de référence des startup à fort impact, «Minassa», est une aubaine pour des concepteurs majoritairement jeunes, désireux de concevoir des projets à vocation créative et qui soient économiquement durables et viables. «Minassa» s’engage sur une durée de 6 mois au moins à encadrer d’une manière individuelle ou collective des concepteurs. L’incubateur se place en tremplin pour les agitateurs et acteurs culturels, toutes disciplines confondues : il promet d’être impactant artistiquement, socialement et économiquement et vient étoffer l’entrepreneuriat culturel forcément lucratif dans le monde, mais qui demeure en pleine mutation en Tunisie. Les entrepreneurs accompagnés auront la caractéristique de surfer sur les aléas économiques, tout en parvenant également à allier cohésion sociale, insertion professionnelle et innovation créative.
Naissance de «Minassa»
L’incubateur baptisé «Minassa» (estrade ou scène en français) a pour emplacement la Médina de Tunis. Il est géré par des experts qualifiés dotés d’une expérience à l’international, mais également en Tunisie. Ces derniers prendront sous leurs ailes ces entrepreneurs naissants dans le cadre de bootcamps, workshops collectifs variés ou coachings individuels. Chapeautés par le réseau Inco, présent dans plus de 35 pays, sa visibilité est assurée à l’international. Il touchera de près artisans, artistes, experts, freelancers et autres. Le lieu se dote d’une salle de conférences et d’exposition d’événements pour entretenir cette communauté naissante, affinant ainsi les échanges, le partage tout en attisant l’inspiration des créateurs. «Minassa» se veut être durable dans le temps en proposant des formations accessibles.
Inco soutient «Minassa», comme de nombreux projets naissants dans le monde. Ce catalyseur mondial d’une nouvelle génération d’entrepreneurs a pour mission de soutenir toutes les startup en cours de lancement, et ce, à tous leurs stades de développement. Persuadé que cette nouvelle génération, porteuse d’une nouvelle économie, et de solutions innovantes aux grands enjeux sociaux et environnementaux, Inco mobilise plus de 150 millions d’euros pour investir exclusivement dans des entreprises à fort impact social et environnemental. À travers ses programmes de formation et d’incubation à forte valeur ajoutée, Inco accompagne chaque année plus de 500 startup à travers le monde pour les aider à répondre efficacement aux défis majeurs de notre société. «Minassa» est soutenu aussi par la fondation suisse Drosos, opérationnelle depuis 2005. Minassa vient en aide aux personnes vivant dans la précarité : elle promeut des aptitudes, crée des conditions de vie correctes, et veille aussi à ce que l’individu soit responsable, consciencieux notamment de son environnement et encourage la coopération entre les partenaires et les autorités locales ainsi que le secteur privé.
En chiffres
«Minassa» peut avoir une portée économique. Un pan entier reste exploitable, celui de l’entrepreneuriat culturel. Le pays regorge en effet de potentiels créatif et régional. Ces industries créatives peuvent être un secteur d’avenir pour faire face aux défis économiques et sociaux. En 2013, l’économie créative représentait 2.250 milliards de dollars, ce qui correspond à 3% du PIB mondial et peut atteindre 9 ou 10% dans certains pays comme la Corée du Sud ou les États-Unis. Elle a plus de poids que celle du luxe ou de l’automobile en France où elle emploie 3 % de la population. En France d’ailleurs, le PIB de l’industrie culturelle et créative pèse 7 fois plus que celui de l’industrie automobile. En Tunisie, l’économie créative représente entre 0.4% et 0.6% du PIB, autrement dit, elle est en baisse. Le terrain reste favorable à l’implantation de cet incubateur.
La remise des prix annuelle du Comar d’Or se déroulera ce soir au Théâtre municipal de Tunis. La célébration du livre tunisien est organisée simultanément avec «La journée mondiale du livre et des droits d’auteur» et s’annonce sous les meilleurs auspices.
Dans sa 23e édition, le Comar d’Or rend hommage à feu Rachid Ben Yedder, mécène des lettres et de la culture et pilier du groupe Comar, décédé en 2019. Trois catégories sont truffées de nouvelles publications tunisiennes en langue arabe et française dispatchées sur trois catégories : le prix de la découverte, le prix spécial du jury et celui du Comar d’or.
13 titres en langue française et 34 titres en arabe soit 47 livres ont été retenus pour cette année. La sélection des meilleurs titres fut rude pour les deux jurys composés d’universitaires, femmes et hommes des lettres et des arts, journalistes et cinéastes.
Au moins 13 romans en français sont parus entre mars et avril 2019 et ont été présentés pour la plupart à la Foire du livre de 2019, citons «Une histoire qui se répète mal» de Mongi Maaoui : «L’Amant De La Mer» d’Alyssa Belghith, «Zed, L’ex-enfant de l’Occident» de Zoubeida Khaldi, «Saber et la drôle de machine» de Salah El Gharbi, «La princesse de Bizerte» de Mohamed Bouamoud, «La Bande à Badis» de Monya Zwawi, «Une jeunesse d’enfer» de Mohamed Louadi, «Jugurtha un contre-portrait» de Rafik Darragi, «Ayoub un amoureux éperdu de Paris» de Aissa Baccouche, «Les jalousies de la rue Andalouse» d’Ahmed Mahfoudh, «Parole de femme» d’Anouar El Fani, «Les cendres de la mémoire» de Mourad Jedidi et «Tante Sitta» de Atef Gadhoumi. Le jury du Comar d’Or pour le roman français se compose pour cette 23e édition de M. Ridha Kéfi, Mme Myriam Kadhi, Mme Mounira Chapoutout, M. Kamel Ben Ouanès et M. Chaabane Harbaoui.
En langue arabe, on retient des titres comme «Lella Saida», de Tarak Chibani, «Kazma» de Salah Bargaoui, «The Melancholic» de Fathi Laysser, de Bassma Chaouali, «Goyim» d’Ilham Boussoffara, «1864» de Hassin Ben Amou et «Tin Allah (Boue divine)» de Tayeb Jaouadi. Les arabophones ont été plus prolifiques cette année. Le 2e jury se compose cette année de Mme Messouda Ben Boubaker, Mme Neziha Khelifi, Mme Monia Abidi, M. Hedi Thabet et M. Abdelwahab Brahem.
Qui sera l’heureux gagnant cette année ? On le découvrira ce soir lors de la remise des prix, qui sera organisée en hommage à feu Ben Yedder et rythmée par Hafedh Makni et son Orchestre Symphonique de Carthage.