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Nawel Skandrani : «La danse, en panne d’imaginaire !»
ENTRETIENS1 / 3 / 2022

Nawel Skandrani : «La danse, en panne d’imaginaire !»

«Black & White Circus», le dernier spectacle de Nawel Skandrani, fusionne diverses disciplines artistiques sur scène afin d’exprimer les travers d’une époque actuelle vacillante. L’artiste au propos engagé et assumé nous en dit plus sur cette dernière création universelle.

Vous avez titré votre dernier spectacle «Black & White Circus». Un titre qui n’évoque pas forcément la danse. D’où a émergé ce titre ?


Je ne me rappelle pas (rire). L’idée du spectacle a émergé en 2016. Je l’avais pensé comme un solo. Du solo, c’est passé au résultat final. Le solo d’une circassienne noire, initialement interprétée par Malek Zouaidi. Il fallait parler de ce monde que les gens ont envie de voir en noir ou en blanc. La vision d’un monde catégorisé, sectaire, divisé. Du noir et du blanc, on arrive à la couleur introduite dans le spectacle, petit à petit, d’où le titre.


Vous avez opté pour une forme pluridisciplinaire. Est-ce que c’est une manière pour vous d’explorer une nouvelle piste en déclarant l’abolition des frontières dans les arts scéniques ?


Ce n’est pas nouveau pour moi. J’ai commencé à travailler sur des formes multidisciplinaires depuis une vingtaine d’années déjà. J’ai toujours aimé mélanger les arts, et ce, de plus en plus dans mes spectacles. Tout cela s’est ressenti et s’est développé au fil du temps et du travail : du mapping, aux visuels, aux vidéos, en passant par le théâtre, le texte. Il y a même eu de la musique live, comme Jawhar Basti dans «Re-existence». Pour revenir à votre propos, je ne sais pas si ça a été décidé de faire «une déclaration» frontalement. Oui, je n’aime pas les frontières, oui, j’ai combattu les chapelles et les frontières de tout ordre : de races, de religions et autres… Je n’ai jamais aussi compris les batailles entre les styles. Emettre autant de limites entre les genres ou les styles relève de l’ignorance, de la peur de l’inconnu. Je suis une conteuse, j’aime raconter des histoires en faisant appel à d’autres formes artistiques. Je viens du ballet classique qui rappelle des histoires.


En parlant de contes et d’histoires, le fil conducteur dans «Black & White Circus», c’est bien «Antar et Abla». Pourquoi cette référence ?


Ce n’est pas un fil conducteur. «Antar & Abla» est un prétexte. Le fil conducteur pour moi, c’est de parler de l’intolérance envers les minorités : ici, j’ai choisi de parler des Noirs et de la communauté LGBTQI++, mais aussi d’évoquer, par extension, les saltimbanques, ou les troubadours que nous sommes, nous les artistes. Des minorités aussi mises de côté. Des communautés d’artistes toujours autant confrontées aux problèmes de la langue, de la race, du genre, de la nationalité, de la religion, de la couleur de la peau… «Antar & Abla» est un prétexte pour pouvoir parler, à travers cette histoire, des problèmes liés aux minorités. Une histoire vieille de 14 siècles et toujours d’actualité. Pour d’autres raisons de nos jours, ces différends persistent pour des raisons ethniques, religieuses, politiques… Le choix du métier d’artiste est encore considéré comme un signe de «tare sociale», encore de nos jours. Et je fais partie de cette minorité d’artistes-danseurs.


Il y a un hommage au cinéma muet également…


Tout à fait. Quand j’ai fait appel à Ghalia La Croix pour faire ce film «de commande», on a évoqué énormément de classiques de cinéma, y compris muet. Ça donne un aspect cocasse avec «Antar & Abla» et, en même temps, tragique. Le spectacle est tragi-comique. On aborde des problèmes de société en suspension, pas réglés, de fond… et si on n’arrive pas à régler le vivre-ensemble, on n’arrivera à rien et on n’avancera pas. C’est donc une occasion de rendre hommage aux grands du cinéma muet.


On ne reste pas indifférents face à autant de disciplines fusionnées : les installations visuelles, les arts du cirque et de la danse, les figures acrobatiques, les effets sonores, la création des masques et des costumes… N’avez-vous pas eu peur de perdre votre propos initial en fusionnant autant de disciplines ?


Peur, non. J’aime les challenges. «Black & White Circus», je ne l’ai pas vécu comme un défi, c’était plutôt une envie. Je ne travaille que quand j’en ai envie. J’y vais à mon rythme sur des périodes espacées. Il a été conçu ainsi au fur à mesure. Les choses se sont mises petit à petit, spontanément. Elles n’étaient pas confuses, elles étaient faites au feeling. La recette d’un spectacle ? Je n’y crois pas beaucoup. Chacun et chacune a sa manière de travailler. Je travaille même sans recette : je peux changer les dosages, les ingrédients, j’ose en n’ayant pas peur de me tromper. Ou sinon, qu’est-ce que c’est ennuyeux ! En tant que créateur, ma vie, c’est de créer tout. Je n’ai pas peur de me perdre. Et actuellement, le spectacle appartient au public. Le public, qui, pour moi, est un concept flou. Je dirais plutôt «rencontrer les nombreux publics». Un public multiple, divers, riche… Si je ne peux pas faire les choses en m’amusant et avec le plaisir, autant ne pas les faire. Même traiter des choses graves, on peut en parler avec de la beauté. On vit dans un monde qui est en train de tourner le dos à la beauté, il ne faut pas l’oublier.


Comment percevez-vous l’univers de la danse actuellement en Tunisie ?


Un monde vague, en effet. A Tunis, je suis considérée comme la doyenne. Concernant la situation de la danse, et par rapport à l’évolution qui a eu lieu ces dernières années, il faut que la jeune génération prenne conscience que ça a évolué. Le mot «danse» n’existait pas de mon époque. C’était le néant. Depuis, il y a eu le ballet national, le ballet de l’Opéra de Tunis, l’aide à la création, mais ça reste insuffisant et il reste beaucoup de travail encore à faire. Une chose me préoccupe en revanche : l’inexistence de la formation académique de la danse. C’est problématique. Il n’y a pas d’institutions de danse académique. On a un ballet, mais pas d’école, et c’est préoccupant. Il n’y a pas réellement de danseurs formés d’une manière académique en Tunisie. Des essais, il y en a eu, mais ce n’est pas suffisant. J’ai toujours dit que j’étais danseuse, avant toute chose. C’est le plus important. Il ne faut pas avoir honte de le dire. Je trouve aussi qu’en termes d’imaginaire, il y a eu, pendant très longtemps, un diktat : celui de prendre un seul modèle, une certaine forme de danse contemporaine française des années 80, et qui est devenue une référence esthétique comme si le reste n’avait pas le droit d’exister. Ça a plombé le domaine de la danse, en général. Ça a impacté les générations de danseurs sur le long terme et, par conséquent, il y a une très grande ignorance de l’art de la Danse. D’où l’utilisation de concepts qu’ils ne connaissent pas. Il y a un grand problème d’éducation et de références. Il faut avoir plus de connaissances, et avec Internet, il faut être curieux, s’ouvrir sur tout et se former. La danse est en panne d’imaginaire et de choses nouvelles.


Malgré les acquis et les avancées réalisées ces derniers temps, le flou persiste pourtant concernant le statut de l’artiste…


Je fais partie de la commission consultative sur le statut de l’artiste. Nous avons travaillé pendant un an sur une nouvelle loi. Ça a été difficile de trouver un consensus pour y trouver son compte, et un accord. Le projet de loi est prêt, et ses amendements aussi. L’ancienne loi a été bloquée, du temps de Chiraz Latiri. Le texte est prêt actuellement. On a été entendu. La loi devait passer au vote en juillet 2021, et puis, il n’y a plus eu de Parlement. On a pensé aux indemnités de chômage, de la sécurité… Un travail élaboré a bien été établi. On nous a élus, et non pas nommés pour l’accomplir. On a fait un travail de fond, en attendant d’y revenir quand on aura un Parlement.


Comment Nawel Skandrani se définit-elle de nos jours ?


Comme elle était avant. J’ai toujours gardé cette capacité de rêver et de m’émerveiller, tout en étant en colère et triste de voir les dérives causées par l’Homme. Je n’ai jamais perdu ce côté militant. Je combats avec ce que j’ai : mon art. La danse, comme toute chose dans la vie, c’est beaucoup de travail et il faut travailler.

Nawel Skandrani : «La danse, en panne d’imaginaire !»
L’acteur Mohamed Souissi : « Ce film n’a pas d’époque : il est atemporel »
ENTRETIENS12 / 12 / 2021

L’acteur Mohamed Souissi : « Ce film n’a pas d’époque : il est atemporel »

« Papillon d’or » d’Abdelhamid Bouchnak est actuellement en salle. Alliant drame social et fantaisie, ce film continue à conquérir son public. Mohamed Souissi, dans son premier grand rôle, a endossé celui de Moez : flic perturbé, violent, doux, incompris, parfois drôle, le personnage s’avère complexe, mi- attachant, mi- repoussant. Dans cet entretien, l’acteur naissant nous en parle davantage.


D’ingénieur-son à acteur. Le public vous découvre totalement pour la première fois sur grand écran dans « Papillon d’Or », le 2e long métrage d’Abdelhamid Bouchnak, dans le rôle de Moez, le flic. Comment cette aventure trépidante a-t-elle commencé ?


On ne m’a pas fait « casté » pour le film. On se connaissait déjà depuis longtemps à « El Teatro », depuis 2008, environ… J’y travaillais à la longue et Abdelhamid était parti et revenu du Canada… On a repris contact pour un rôle dans « Hadhoukom », sa série. J’ai campé le rôle d’un portier. Ce fut une belle expérience. Depuis, Abdelhamid m’avait fait savoir qu’il se pourrait qu’il fasse appel à moi à nouveau pour un autre rôle. « Papillon d’or » était écrit déjà, depuis 2006. Des années après, il me rappelle pour le rôle du flic. J’ai été excité, très curieux de connaître la suite. On en a parlé, il m’a posé des questions sur ma maîtrise des émotions, les piques émotionnelles, et voulait en savoir plus sur ma personnalité … bien avant que je ne lise le scénario. Il m’a fait confiance. Je me devais d’être à la hauteur. Abdelhamid croyait en moi. A la lecture du scénario, j’ai été choqué.(rire) En faisant connaissance avec Moez, mon personnage, je me suis dit : ce film va changer ma vie. Et c’est ce que je vis actuellement …


Moez est un rôle difficile, complexe, sensible et violent. Comment vous êtes- vous préparé à l’endosser ?


Un personnage très difficile. Emotionnellement, je ne me suis pas beaucoup préparé. Je me suis fié à mon instinct en tentant d’être spontané, en m’inspirant de la réalité, en approchant des flics, des policiers, des bons et des ripoux… en approchant différents profils, j’apprenais. Ensuite, j’ai également visité des amis non-voyants. J’ai posé une question récurrente à ceux et celles qui sont nées non-voyants, et leur disais : « De quoi rêvez-vous la nuit quand vous dormez ? ». Je me demandais : puisqu’ils/ elles n’ont jamais perçu le monde qui les entoure, j’ai été curieux de savoir comment leur subconscient prenait forme : les couleurs, les formes, le ciel, la mer, la terre, etc. Les réponses étaient très différentes. Toute personne rêvait à sa manière : certains avaient des sens beaucoup plus développés que d’autres… Il y en a qui n’ont pas eu de réponses à formuler, et d’autres qui ne rêvaient pas du tout.


Moez c’est le flic brute, c’est également le non-voyant, et c’est le fils désaimé de son père. Alterner autant d’axes ne vous a-t-il pas perturbé ?


Je m’en sortais en posant plein de questions et en faisant de la recherche. En prenant contact, tout en me référant aux attentes d’Abdelhamid Bouchnak. Quand on est face à Fathi Haddaoui, dans le rôle du père, je suis dans le partage tout le temps : dans le off, dans les loges, dans les coulisses… je faisais attention à ses expressions, sa gestuelle… Je me suis focalisé sur Fathi longuement. C’est un grand acteur. Je me devais d’être à la hauteur et d’être précis dans mon jeu, spontané. Moez est un rôle à plusieurs facettes : sociopathe, doux, violent, entretenant une relation aiguë avec son père… C’était un dosage difficile à faire.

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Vous avez partagé, en grande partie, l’écran avec le grand acteur Fethi Haddaoui, et le petit Rayen Dhaouadi…


Dans le contact, il y a eu des points communs avec les deux : ils me stimulaient et m’inspiraient différemment. Un très bon partage a eu lieu avec Rayen. Un acteur qui n’a pas besoin de s’exprimer pour tout dire. Une alchimie a parfaitement eu lieu avec le petit.


Vous avez assisté à la projection du film en prison face à un corps sécuritaire et des détenus. Comment la séance s’est-elle déroulée ?


C’était époustouflant. J’ai été subjugué par les détenus à la prison du Kef. J’ai eu un accueil extraordinaire, symbolique, enrichissant. Le personnage de Moez avait fait bonne impression sur tout le monde. Les policiers ont beaucoup aimé Moez aussi. Des interventions très édifiantes de détenus-spectateurs en prison m’avaient marqué.


Etait-ce facile de vous dissocier du personnage du flic, après le tournage ?


Ça allait… Je m’en suis débarrassé, doucement mais sûrement. (rires)


Peut-on dire de « Papillon d’or » que c’est un film tout public ?


Aux enfants, je dirais, pas moins de 12 ans, tout de même… parce que le film contient quelques scènes violentes. En revanche, quand ils grandiront, ils pourront le revoir. Ce film n’a pas d’époque : il est atemporel. Il se regarde comme un rêve. Il a un aspect fantaisiste.


« Papillon d’or » vous a-t-il ouvert les portes du cinéma ?


Le cinéma est désormais une addiction. Je ne pourrai plus m’arrêter. (rires) C’est la magie du cinéma. Celle de se retrouver face à la caméra. Je reste ouvert au théâtre et à la magie de la scène aussi. Je manierai les instruments, les acquis et les techniques autrement …


Quels sont vos projets d’avenir ?


Je ferai partie de la prochaine saison de « Ken ya Makenech ».


L’acteur Mohamed Souissi : « Ce film n’a pas d’époque : il est atemporel »
Khadar Ayderus Ahmed, réalisateur : «L’éloge de la figure féminine omniprésent dans le récit »
ENTRETIENS11 / 22 / 2021

Khadar Ayderus Ahmed, réalisateur : «L’éloge de la figure féminine omniprésent dans le récit »

Retenu en compétition officielle «Longs métrages fictions» lors de la 32e édition des Journées cinématographiques de Carthage, le premier long-métrage de Khadar Ayderus Ahmed est un hymne à la vie et une célébration de l’humain. Le film somalien, tourné à Djibouti, est le grand lauréat au Fespaco de 2021 et a raflé une distinction lors de la Semaine de la critique à Cannes. Cette coproduction afro-européenne a remporté le prix de la meilleure interprétation masculine attribuée à Omar Abdi, interprète du «Fossoyeur», lors des dernières JCC.


« La femme du fossoyeur » est profondément humaniste. Il raconte une fiction se déroulant dans un quotidien brut. D’où tire-t-il son réalisme ?

Dix ans plus tôt, le fils de mon frère est décédé. A travers ce contexte morbide, j’ai pu découvrir le déroulement des obsèques islamiques à effectuer. A des fins organisationnelles, on a dû appeler l’imam, l’hôpital et le cimetière. Tout le processus s’est déroulé en tout et pour tout pendant une seule période. Et le jour même de l’enterrement, j’ai pu rencontrer les fossoyeurs en face de l’hôpital où était décédé mon neveu. Des fossoyeurs qui étaient là matin et soir à guetter le décès de quelqu’un pour faire le nécessaire. C’est le fait de valider autant d’étapes, d’obtenir le certificat de décès, la paperasse, les rituels, concorder avec l’imam, le cimetière, l’hôpital… Tout ce processus déroutant qui m’avait imprégné. La mort est une thématique très présente dans le film.

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Le film rompt avec quelques stéréotypes concernant le rapport « homme-femme » et de la place importante de la femme dans la société subsaharienne…

Je me suis directement inspiré des femmes fortes qui ont marqué ma famille et la société dans laquelle j’ai grandi. Elles géraient tout : l’aspect social, dirigeaient des foyers, accomplissaient toutes les tâches et elles étaient sur tous les fronts. « La femme est le cou, l’homme est la tête » : elles étaient fortes, résistantes… Même si le système rabaisse la femme et qu’elle passe le plus souvent derrière l’homme dans l’inconscient collectif, pour moi, c’est archifaux. L’émancipation, on le voit dans le rôle de Nassra, la femme du fossoyeur, sa mère qui prenait des décisions radicales et la femme-médecin aussi… Nassra, sa femme mourante donnait de la force à son mari pour résister. L’éloge de la figure féminine était omniprésent dans le récit.


Le film a un aspect documentaire qu’il tire, notamment, des décors et des lieux où il a été tourné. Qu’avez-vous à nous dire sur cette remarque qui revient souvent chez quelques spectateurs ?

Djibouti, le pays dans lequel a été tourné le film, est comme un personnage. Je voulais montrer la réalité des choses, des lieux sans artifices. L’Occident, quand il raconte l’Afrique, il le fait d’une manière biaisée en se focalisant souvent sur un seul aspect. Je tenais à montrer plusieurs facettes de cette société sans modification aucune. Si les spectateurs conçoivent mon film comme un documentaire, c’est tant mieux.


« La femme du fossoyeur » continue à recevoir plusieurs distinctions dans des festivals africains, notamment, dans le dernier FESPACO où vous avez raflé l’Étalon d’Or. Qu’est-ce qui distingue votre film des autres productions africaines en lice, d’après vous ?

Il faut demander aux jurys divers. Ils ont trouvé le film courageux, humain, émotionnel et surtout universel. Le film est africain, mais il s’adresse à tout le monde et chaque peuple peut s’y identifier. Je tiens à dire que le public tunisien est éveillé, curieux, distingué. J’ai adoré son engagement. J’ai beaucoup apprécié ma participation aux JCC, et je reviendrai sans doute.


(Traduit de l’anglais au français par Hiba Boujnah)

Khadar Ayderus Ahmed, réalisateur : «L’éloge de la figure féminine omniprésent dans le récit »
Belhassen Handous, artiste visuel : «Il y a un devoir de mémoire, de dénonciation et de thérapie globale sociétale»
ENTRETIENS11 / 2 / 2021

Belhassen Handous, artiste visuel : «Il y a un devoir de mémoire, de dénonciation et de thérapie globale sociétale»

La dernière exposition en date de Belhassen Handous, photographe, documentariste et artiste visuel, se poursuit jusqu’au 13 novembre 2021 à Central Tunis. L’occasion pour les visiteurs de (re)vivre cette déambulation vertigineuse dans le temps et dans l’espace. « La syncope du mérou » relate une parcelle de l’histoire de La Goulette, celle d’« El Bratel », où a, jadis, vécu l’auteur de ce chantier d’ampleur, mené méticuleusement à terme. A travers une série de photographies, de vidéos, d’enregistrements visuels et sonores, d’images personnelles et de documents, nous apprenons beaucoup et prenons en compte la recherche titanesque élaborée sur 8 ans autour de la conservation de la mémoire collective et individuelle.


« La syncope du mérou » est le titre de votre dernière exposition en date. Métaphore marquante, intrigante, qui interpelle. D’où a émergé une telle appellation et comment ce travail a pu aboutir après 8 ans de recherche ?


C’est le titre d’un travail pluridisciplinaire que j’ai entrepris sur 8 ans avec des arrêts, des allers, des retours, des avis, des partages… Il s’agit d’un travail intime. Cela a émané d’un traumatisme personnel, dû à la perte de cette maison dans laquelle j’ai grandi. « La syncope du mérou » est une appellation qui a finalement été retenue au lieu de « Machrou Halk El Oued » (Projet de La Goulette). Un jour, j’ai aperçu deux poissons mérous suspendus dans un restaurant à La Goulette. Cela m’a inspiré parce que la « Syncope » est un mot polysémique, qui signifie « l’arrêt », qui se réfère à la condition, au rythme, à un retour aux sources et le mérou est l’un des poissons les plus prisés à La Goulette. Une espèce protégée et qui fait partie des traditions. Comme je travaille sur cette ville, je trouve que cela donne beaucoup de sens. Ce travail n’était pas gai : je suis parti d’une envie de filmer cette ville, qui a été une chose très dure. J’étais parti de l’idée de filmer tous les jours, sans arrêt, en voyant La Goulette qui chante, qui danse, qui vit… Ensuite, j’ai viré vers les chantiers, les ruines … Et je m’étais lancé à la recherche d’histoires enfouies, de traces, d’images, spécialement de cette maison-là, celle de mon enfance, ce qu’elle était avant d’être rasée. Chaque fois que je passais devant elle, je la voyais comme un repère perdu. Ce lieu était une interpellation. C’est devenu de l’asphalte actuellement, et l’asphalte détruit tout : c’est symbolique. Chercher dans les lieux, être archéologue, j’y suis attaché. Le processus était pénible. J’ai mis beaucoup de temps à comprendre, à cerner le lieu, l’espace, la mémoire…


« La syncope du mérou » est un travail minutieux à portée anthropologique, qui pourrait servir d’archivage. Peut-on le considérer ainsi ?


Peut-être. Je laisse la liberté à chacune et chacun de se faire sa propre idée. De l’interpréter comme elle/il veut. Je ne suis pas dans cette obsession de contrôle, celle de ce que je veux montrer, notamment à travers la photo et la vidéo. Il y a une intime connexion entre documents, histoire, images et souvenirs. C’est un peu la base de ce travail. Mais pas que … « La syncope du mérou » est une déambulation aussi. Un regard sur la vie avec ce qu’elle porte de nostalgique : revoir des gens qui vivent à La Goulette ou qui y ont vécu avant. Un regard qui conserve la mémoire collective d’une partie de notre pays.


Qu’est-ce que la mémoire collective, selon vous ?


C’est indéfinissable, insaisissable. Cela peut être une note musicale, des odeurs, des espaces, des objets… C’est, en tout cas, très personnel, différent d’une personne à une autre, multiple, rare…


Y a-t-il une différence entre la mémoire collective et individuelle ?


Bien sûr. Le collectif influence le personnel, notre identité, notre mémoire. On est influencé par le personnel, à travers des traumatismes qu’on porte… Ce n’est pas aisé à déchiffrer, à porter. Toute personne le vit différemment. C’est propre à chacun. C’est le rôle des arts, surtout des arts plastiques et du cinéma de définir un point de vue, lever le voile sur des idées, poser des regards imposants qu’on peut ou ne peut pas avoir…

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« La syncope du mérou » a une dimension personnelle, et pourtant, tout le travail parle et touche à la collectivité, à tout le monde…


Parce qu’on n’est pas la seule famille qui a vécu ce drame à La Goulette. Il y a aussi une délicatesse dans la prise et le choix des images. C’est ainsi que j’ai trouvé le moyen de raconter des histoires différentes à travers des images qui ne sont pas artistiques, qui sont prises sans prétention, un autre type d’images. Ce sont des images qui ne parlent pas spécialement aux gens à travers leur technicité, mais plutôt par les mouvements qui y sont captés, les lumières, l’exposition… Cela tend vers l’art et ça peut créer des mouvements intéressants. Après, c’est aux personnes réceptrices de les recevoir avec chacun son background, sa sensibilité. Il y a une autre thématique qui me reste chère : c’est ce qu’on a hérité de ceux et celles qui nous ont précédés, en termes de réflexions, de la pratique de la photographie, de l’expression. Notre art n’est pas en phase avec un art contemporain, occidental. On raconte notre propre histoire à travers les mailles et la mosaïque de notre propre identité. On peut, soit faire de la photographie qui attire tout le monde expressément, soit trouver un autre moyen de raconter un récit. Mon film « Hecho en casa » et cette exposition émanent d’un traumatisme et d’un point de vue personnel. « La syncope du mérou » est la démolition d’un foyer dans lequel j’ai grandi autrefois. A un moment de ma vie, je reviens de l’étranger, et je ne trouve rien : c’est comme une perte de repère, comme perdre sa Mecque.


Sont-ce ces liens qui unissent la mémoire individuelle et la collective ?


C’est notre continuité aux choses qui nous rend intéressés par des aspects de la mémoire collective. La mémoire collective, c’est comme la science : elle change, elle évolue et prend d’autres formes. Elle s’efface aussi.


Selon vous, comment le sociétal et le politique influencent-ils la mémoire ?


Ils l’impactent à la racine. Je nourris un intérêt spécifique au régime de Ben Ali. Cela m’intéresse qu’on en parle. L’appartenance ou la tendance politique d’un individu exprimée à travers son travail reste importante pour moi. Que dire ? Quoi raconter ? C’est important certes, mais ce n’est pas le seul aspect qui m’intéresse. Il y a le questionnement des médiums autour de la forme : c’est d’ailleurs ce qu’on peut voir dans « La syncope du mérou ». Avoir un point de vue politique exprimé tout haut est essentiel. Subir des régimes autoritaires divers et leurs aléas et pouvoir le raconter, c’est aussi crucial. Ayant vécu sous le régime de Ben Ali, avec du recul, c’est toujours bien de repenser aux libertés bafouées et à la répression subie pendant 23 ans de règne. Ce vécu collectif sous Ben Ali forge l’identité. Le 7 novembre, le manque de libertés… On vivait à un rythme lent, après la révolution on vit différemment. Les séquelles d’une politique défaillante se font toujours sentir à travers les générations qui suivent. Je pense qu’il y a un devoir collectif de mémoire, de dénonciation et de thérapie globale sociétale, qui n’est pas encore mis en place.


Cette collecte de données autour de ce quartier « El Bratel », raconté dans « La syncope du mérou », a eu lieu de quelle manière ?


J’ai fait des interviews, des rencontres. C’était un travail laborieux, mais sur lequel je ne pouvais pas avoir un regard continu, dans le temps. Les interruptions, qui ont eu lieu sur 8 ans, pouvaient être bénéfiques et pouvaient être aussi nocives. Autant d’arrêts dans le temps ont donné lieu à différentes séries. C’était un très grand travail. J’ai pioché dans des données personnelles, des photos de familles, des VHS… Je tenais à extraire de ma mémoire quelque chose qui est presque devenu inexistant. La perte de cette demeure est comme se perdre : il y a un lien très intime qui m’unit à cet endroit et qui a expliqué mon intérêt persistant pour ce travail.


Les Tunisiens ont un rapport très distordu avec leur patrimoine et leur histoire. C’est dû à quoi, d’après vous ?


Les deux régimes politiques précédents avaient une image, et une version de l’Etat unique à imposer : ils ont procédé à une institutionnalisation de nombreuses causes. Ce qui a façonné un peuple unique. Toute forme d’investissement du public dans des causes précises était éteinte. Seule la voix de l’État était élevée. Tout le reste devient de la lèche. Sur le temps, c’est très dur pour un peuple de se détacher de ce conditionnement. Il faut une volonté collective pour s’affranchir, se détacher d’autant de séquelles. Je suis dans le rejet de toute forme de conservation étatique, systématique, héritée… Il y a de nouvelles formes de consciences qui émergent de nos jours, heureusement…


« Hecho en casa » est votre film documentaire : il est unique dans son genre, distingué. Il a été remis en ligne récemment…


A l’époque, je vivais en Espagne, bien avant 2010. J’avais eu un portable avec une caméra et j’ai commencé à filmer sans arrêt ma vie entre Tunis et ailleurs. Pour le monter, j’ai fait appel à Ismail Louati. On a pu procéder à une autre réécriture. J’ai pu filmer la révolution dans son image la plus brute, et la plus authentique, sans artifices. Tous les autres films étaient montés, filmés, montrés différemment. Les causes les plus importantes pour notre mémoire collective sont quand on les filme au moment où elles se déroulent. On montre des faits sans proposer de solutions. C’est comme cela qu’on s’adresse aux gens. « Hecho en casa » est un film très politique, un va-et-vient entre le social, le personnel et le très personnel.

Belhassen Handous, artiste visuel : «Il y a un devoir de mémoire, de dénonciation et de thérapie globale sociétale»
Zbeïda Belhajamor, actrice : «Le personnel ne peut se dissocier du collectif lorsqu’il est fort et impactant »
ENTRETIENS10 / 11 / 2021

Zbeïda Belhajamor, actrice : «Le personnel ne peut se dissocier du collectif lorsqu’il est fort et impactant »

Zbeïda Belhaj Amor est une jeune actrice tunisienne à l’affiche d’«Une histoire d’amour et de désir», second long métrage de Leyla Bouzid, actuellement dans les salles tunisiennes et françaises. Ce jeune talent campe le rôle de Farah, étudiante tunisienne installée à Paris et aux prises à des interrogations liées à l’intimité, aux amours, aux origines. Lumière sur Zbeïda Belhajamor, notre découverte de la rentrée.


«Une histoire d’amour et de désir» de Leyla Bouzid questionne le rapport au corps, relate un enfermement identitaire masculin, met à nu des tabous dans la société maghrébine liés à la découverte du corps, de la sexualité, du désir. Pour un premier rôle, était-ce aisé pour vous de vous embarquer dans cette aventure cinématographique ?


C’est pour toutes ces raisons que vous venez d’énumérer que je me suis embarquée dans cette aventure. Ce sont des sujets qu’on ne traite pas assez au cinéma, on n’interroge pas assez le rapport à la fragilité masculine, la virilité, les traditions, la transmission, la sexualité. C’est aussi un film qui incite à se réconcilier avec un pan de sa culture. L’intelligence du scénario m’avait frappée lors de sa lecture et c’était un honneur pour moi de faire partie de ce beau projet.


Comment s’est déroulée cette expérience avec Leyla Bouzid ?


Cette expérience avec Leyla était une pure joie. Il y avait une bonne énergie qui régnait sur le plateau à chaque fois. Le partage et l’entente étaient toujours au rendez-vous. C’est une réalisatrice qui sait écouter ses acteurs, même quand leur langage n’est pas verbal. Elle a une douceur dans sa manière de diriger tout en ayant une forte détermination dans ses idées. C’était un vrai plaisir.


Nous découvrons, en tant que spectateurs, Sami Outalbali, votre partenaire sur grand écran. Comment a été entretenue cette alchimie ?


Avec Sami tout a été évident dès le début, dès la première rencontre. Dès les premières scènes qu’on a jouées ensembles je savais que ça allait marcher. Alors on a voulu garder cette authenticité et ce naturel devant la caméra et on a décidé avec Leyla de ne pas répéter ensemble et de se rencontrer face caméra et devant les spectateurs au fur et à mesure du film. Je dirais que notre force c’est ce mystère qu’on a su garder.


Peut-on comparer les deux «Farah», celles d’«A peine j’ouvre les yeux», le précédent long métrage de Bouzid, et d’ «Une histoire d’amour et de désir», son second ?


Leyla s’est inspirée du personnage de Farah de son premier long métrage pour écrire «Une histoire d’amour et de désir». On retrouve une certaine liberté et une soif de vie dans les deux personnages avec un physique qui se ressemble. Je pense que c’est au spectateur de répondre à cette question. S’il veut comparer, voir une continuité ou au contraire séparer les deux.


Le film est fait de non-dits. C’est même son point fort…


Il y a effectivement beaucoup de non-dits. Mais il faut reconnaître qu’ils sont facilement décryptables. Leyla a même laissé une marge à chacun de comprendre comme il veut et selon sa propre philosophie de la vie certains non-dits. Je trouve cela d’un grand intérêt et vous aussi apparemment, si j’en crois la façon dont vous me posez la question.


A travers des dialogues ou même des vidéos, le film rappelle le contexte socio-politique algérien et tunisien en perpétuelle effervescence. Selon vous, ce même contexte pousse-t-il à l’affranchissement / au changement / à la libération, sur le plan personnel ?


Les luttes et les mouvements pour l’émancipation dans nos pays (je parle surtout de mon pays, la Tunisie que je connais bien) n’ont, bien sûr, pas attendu notre film pour naître et se développer. Mais l’histoire du film et ce qu’elle véhicule vient en pleine phase de mutations nouvelles de nos sociétés où deux camps s’affrontent, l’un moderniste et l’autre passéiste et rétrograde qui veut imposer des boulets de canon et des pesanteurs à la société. Je crois d’ailleurs savoir que, même pour l’Algérie, les choses avancent et le combat pour l’émancipation a ses porte-drapeaux dont beaucoup sont des artistes et des gens des arts et des lettres; des journalistes aussi. Naturellement, le personnel ne peut se dissocier du collectif lorsqu’il est fort et impactant.


Comment trouvez-vous les réactions ou les retours du public tunisien ?


Le public tunisien a aimé, selon ce que j’ai pu voir comme réactions sur place. Jeunes et moins jeunes sont venus voir le film et sont sortis émus et remués de cette histoire qui relate des choses qui leur rappellent leurs vies ou celles de gens qu’ils connaissent.


Quels sont vos prochains projets ?


Je suis de plus en plus en contact avec nombre d’intervenants du cinéma. On apprend à se connaître et c’est déjà très important pour une jeune actrice comme moi.

Zbeïda Belhajamor, actrice : «Le personnel ne peut se dissocier du collectif lorsqu’il est fort et impactant »
«S-exposition Feeling the Gap » de Z.I.T.C.H à Tunis : Des dessins sans tabou
ENTRETIENS10 / 10 / 2021

«S-exposition Feeling the Gap » de Z.I.T.C.H à Tunis : Des dessins sans tabou

Désormais connue sous le pseudonyme Z.I.T.C.H, l’artiste et sa commissaire questionnent le plaisir féminin à travers 82 dessins, cartels, titres insolites en dialecte tunisien, en français et en anglais à Tunis, dans un endroit qui a fait office de galerie de dessins pendant trois jours d’affilée. Sous la houlette d’Emna Lakhoua, commissaire de l’événement, accrochage, décor et atmosphère créées ont garanti une immersion distinguée. La jeune artiste, dans sa première« S-exposition», tenait à délier les langues autour du plaisir sexuel. A partir des échanges des visiteurs, ce rendez-vous artistique a permis de lever le voile sur les systèmes de conditionnement sociaux. Il a eu également pour objectif de pousser les jeunes à organiser une expo avec un format différent et à des prix accessibles. Rencontre avec Z.I.T.C.H.


Votre « S-exposition » est l’aboutissement d’une frénésie de dessins. D’où a émergé cet intérêt pour la thématique de la sexualité féminine ?


C’est parti d’un constat, après de vifs et riches échanges avec Emna Lakhoua, commissaire et scénographe, autour de la thématique et sur le contenu de ma première exposition. J’ai réfléchi longuement, en me référant à mon couple. J’ai constaté qu’être en couple nous place dans un conditionnement, et que la vie à deux était surtout régie par des codes sociaux et des règles, alors qu’elle est supposée être réelle, fluide, spontanée : des règles pesantes, patriarcales, archaïques, héritées des générations d’antan. La femme est souvent montrée ou évoquée comme étant la prude introvertie, retirée, réticente, objectivée, effacée face à l’homme, ce mâle, qui est souvent associé à sa libido et à ses actes sexuels. La femme, en évoquant sa sexualité, est toujours réduite et exclue, et on ne prend pas en compte son plaisir. La sexualité, dans l’inconscient collectif, n’est plus un jeu, c’est juste une performance et c’est dérangeant.


Maintenant que votre «S-exposition» s’est achevée, quelle conclusion en retenez-vous ?


Je me sentais conditionnée dans des performances machinales au fur à mesure que je dessinais. Depuis que je l’ai pris comme un jeu, ma vie a changé et ma perception de cet univers est plus libre, plus limpide. Ce travail a forcément eu un impact positif sur ma vie personnelle. Beaucoup de données ont changé. C’est un déclenchement qui me permettra de m’y étaler davantage.

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Il y a eu des déclics et un contexte propice à cette création. Lesquels ?


Covid-19, confinement, enfermement, le fait d’être en couple… ça devient aussitôt frénétique. Dessiner du matin au soir, regarder des films, découvrir des modèles réels. Alimenter sans cesse mon imaginaire… Mon prochain travail sera concrétisé sur la prochaine année, et je me consacrerai aux Tunisiens, à leur rapport à la sexualité. Je les prendrai en photos, j’écrirai leur histoire, et je les redessinerai. Les dessins, c’est comme des sketchs. L’objectif sur le long terme, c’est de reprendre la peinture, piocher davantage dans la recherche autour de la sexualité. Actuellement, à travers cette exposition, ma vision de la thématique reste un peu générale, éparpillée, mais c’est aussi l’occasion pour moi d’exprimer ma confusion par rapport à la sexualité. Il y a une raison à ces 82 dessins : chacune et chacun y trouvera son compte, des dessins qui feront réfléchir les personnes présentes, qui les pousseront à échanger autour du sujet de la sexualité. Si j’avais mis 5 œuvres, il n’ y aurait pas eu autant de discussions, de dialogues. Là, il y a eu tout un parcours, une déambulation, autour de cette thématique. Et c’était mon but !


Les réactions étaient comment ?


Epoustouflantes ! J’aurais dû mettre un micro pour les enregistrer et garder les discussions des gens présents. (Rires) Très rares ont été choqués. Les retours sont extraordinaires. Les jeunes d’aujourd’hui sont plus vus comme «Citoyens du monde» grâce à internet. De nos jours, on est beaucoup plus ouverts sur le monde et tout est à la portée.

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En creusant davantage dans la thématique de la sexualité féminine, quels sont vos prochains objectifs ?


Je voudrais comprendre pourquoi c’est aussi tabou. Pourquoi il y a autant de pudeur ? Pourquoi on est autant conditionnés ? C’est le moment de choisir mon sujet de mémoire et je vais en faire mon étude. Je ne peux pas donner ma réponse maintenant, c’est encore trop vague. La sexualité reste un champ très large. Je raconterai peut-être la sexualité sur le temps : du passé, en passant par le présent et le futur. Qu’est-ce qui la change ? L’impact ? Comment elle change au fur à mesure des époques ? Est-ce lié à un contexte politique, religieux ? Qu’est-ce qui provoque un changement de la sexualité collective au sein des sociétés ? Pourquoi sa perception et sa pratique changent – elles ? Nous verrons.

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Pourquoi avoir organisé une « S-exposition » fermée au public et confidentielle ?


Je tenais, en premier lieu, à étudier les réactions, avoir des sondages, recenser les avis, les réactions, les discussions. Mon but c’est que le message passe sans heurter la sensibilité des gens. J’ai besoin de savoir ce qui se passe sur terrain pour mieux maîtriser la thématique et le sujet. Ça me permet de créer ma communauté aussi. Si je ne maîtrise pas le sujet, je n’aurais pas atteint mon but.



«S-exposition Feeling the Gap » de Z.I.T.C.H à Tunis : Des dessins sans tabou
Youssef Meksi, musicien et comédien : «La musique est une philosophie de vie…Point de vie sans musique !»
ENTRETIENS9 / 14 / 2021

Youssef Meksi, musicien et comédien : «La musique est une philosophie de vie…Point de vie sans musique !»

Souriant, accueillant, passionné, ambitieux dans l’âme, Youssef Meksi, jeune acteur découvert pendant le mois saint à la télé tunisienne dans «Ouled el ghoul», est avant tout musicien. Ses trois derniers morceaux lancés en ligne, «Masjoun», «Boutellis» et «Eddenya Dour», distinguent ce talent polyvalent. Rencontre avec un artiste, qui croit surtout à la fusion des disciplines et à l’esprit communautaire afin de pouvoir persévérer.


Commençons par le commencement : le grand public vous a découvert dans le feuilleton ramadanesque «Ouled el ghoul» en 2021, réalisé par Mourad Ben Cheikh et diffusé sur Attassia TV, mais votre véritable grand amour, c’est bien la musique. Comment cette aventure musicale a-t-elle commencé ?


Je suis heureux qu’on me le dise. C’est définitivement la concrétisation d’un long et dur travail et je ne peux qu’en être fier. Tout a commencé quand j’étais enfant, en primaire. Ma mère m’emmenait au conservatoire de musique de l’avenue de Paris à Tunis : je faisais du piano. On me l’apprenait sur deux heures, mais je m’ennuyais, au début. On me demandait de refaire le même morceau : c’était routinier, lourd et je n’apprenais pas grand-chose. Ça ne me passionnait pas du tout … j’ai arrêté pendant un moment, jusqu’à ce que je trouve une guitare fonctionnelle, mais inutilisée à la maison. Je regardais sur Youtube, j’écoutais… j’appliquais tout seul. La musique ne m’a pas appris qu’à faire de la musique : elle m’a appris à vivre et avoir le sens de la détermination : notre objectif, peu importe lequel, si on le veut, nous ne pourrons que l’obtenir. Au début, notre but, c’était d’user d’un seul instrument, mais au fur à mesure, et à force de persévérer, on se retrouve à manier plusieurs instruments et à composer, à faire l’arrangement, à enregistrer… Quand je me suis dit que je pouvais apprendre à connaître un instrument tout seul, tout le reste pouvait suivre. C’était le point de départ. L’étincelle…


Vous maniez combien d’instruments depuis vos débuts ?


Guitare, piano, les instruments à percussion, harmonica, melodica, les flutes, clarinette… une bonne panoplie (rires). Pendant la création musicale, j’y ajoutais des sonorités en tout genre. Je mélange les sono, j’expérimente. J’enrichissais mes textes une fois rédigés : j’ai d’ailleurs commencé à écrire dès le collège en faisant du rap (rires)… Des bribes de textes que j’ai bien évidemment gardées pour moi (rires). C’était trop drôle. Comme je ne savais pas convenablement jouer de la musique avant, je m’essayais à l’écriture. Et j’avais un peu trop confiance en moi : je me rappelle avoir eu le courage de m’être adressé très très jeune à la direction de la maison des jeunes à El Menzah VI pour un concert… alors que je n’avais rien de correctement préparé pour un concert (rires). J’étais obsédé de faire connaître ma musique : cet art a toujours eu une place prépondérante dans ma vie. Je l’avais dans le sang à tout moment et à tous les tournants de ma vie. Point de vie sans musique ! C’est une philosophie de vie, ce n’est pas que des notes. Même si mes études ont été légèrement impactées, ce n’était pas à cause seulement de la musique, c’était parce que je voulais être sur tout et faire tout à la fois, en m’essayant dans d’autres disciplines. J’ai fait du théâtre aussi, et du sport … j’ai touché à tout. Pour les études, j’étais à MSB, qui nécessitait aussi beaucoup de travail…Mon désordre est devenu ma stabilité et je faisais en sorte de tout fusionner.


Et puis, récemment, on peut dire que vous êtes bien parti dans la musique, avec le lancement de vos trois morceaux : «Eddenya Eddour», «Masjoun», «Boutellis»…


Et ce n‘est que le début : « Masjoun » était la première à paraître, avant mon road trip à Cuba. Un album entier est en cours. Le covid-19 m’a beaucoup ralenti. J’ai dû travailler à côté pour m’autofinancer. L’argent était surtout le problème… Les thèmes que j’ai traités sont des discussions intimes, propres à moi : mes pensées les plus enfouies, moi, m’interrogeant moi-même. Le «Helwess», comme on dit… Des personnages imaginés ont même pris la parole à un moment (rires).


Vous usez des réseaux sociaux, principalement Instagram, pour percer. Est-ce voulu ?


Au début, pas vraiment, ensuite, je me suis adapté. Avant de faire connaître mes travaux, je passais beaucoup de temps en solo, je partais en camping, en balade, en road trip, une guitare à la main… je prenais le large. Et autour de moi, des auditeurs attentifs commençaient à se former, avec des feedbacks. J’impactais des personnes positivement autour de moi, et pour moi, c’était essentiel, et cette audience grandissait… et les réseaux sociaux ont aidé, tout en ralliant mes études et mes activités professionnelles. Toute une dynamique diverse s’est créée. Je pensais qu’en étant seul, je pouvais tout faire, mais c’est impossible : le travail en communauté est essentiel et nécessaire pour percer. On ne peut avancer qu’ensemble : je suis communautaire et je crois au travail de toute une équipe, d’une famille. Le peu que j’ai bâti, je n’aurais pas pu le faire sans cette famille, et sans mon dévouement également. J’ai eu des proches en or au fur à mesure.


Vous avez vécu un road trip exceptionnel. Cela mérite le détour…Que pouvez-vous nous en dire ?


C’était un voyage qui a pris une tournure très inattendue en 2019 : je n’avais aucun objectif derrière. A un moment, j’ai pris mon sac à dos, et ma guitare, billet aller sans retour à Cuba… à cause de la richesse de son patrimoine musical. J’avais une caméra, et je devais filmer un doc. Une caméra, oui, ma seule compagne de voyage. Une fois sur place, je n’avais, ni où loger, ni quoi manger correctement, juste muni des moyens du bord. L’aventure à l’état brut. A Cuba, j’étais resté un mois, je m’étais fait un cercle, j’ai intégré un quartier, j’ai découvert toute une culture, j’ai approché un terrain autre : très loin de ce que je m’étais imaginé. Toutes les idées déjà reçues étaient fausses. Et le contenu du doc a filmé un aspect underground du pays, mes frasques, mes aventures dans des quartiers mal famés, des poursuites policières. Un ami portoricain m’a rejoint, on a survécu à un tremblement de terre violent avant de partir; ensuite à Miami, je m’étais installé là-bas, j’ai commencé à produire : tous ces moments étaient uniques et vitaux malgré tout. Mes parents en ont d’ailleurs souffert… je devais tout le temps les rassurer. A Miami, je m’étais intégré plus facilement, j’ai pu gagner ma vie modestement… j’ai fait de belles connaissances, avant de changer pour Nashville : j’ai finalement ramassé beaucoup plus d’argent que mon budget initial. J’étais très inspiré une fois de retour à Tunis. J’étais rentré, quelques jours avant la fermeture des frontières aériennes à cause du covid. Le doc n’est toujours pas monté, mais il est hors de question que je le laisse tomber. L’inattendu a construit quelque chose d’unique.


Vous êtes dans la transmission, vous donnez des cours pour jeunes passionnés de musique. Vous vous en sortez ?


Il faut bien que je finance ma musique, mais il s’agit d’une nouvelle expérience humaine et récente. J’ai découvert une facilité à transmettre l’information en bâtissant un lien unique avec les instruments. Réussir à transmettre cela à une personne est ma plus grande victoire. Un enfant autiste, fortement passionné par la musique et qui m’avait découvert dans «Ouled el ghoul», me stimule particulièrement. Je n’hésiterai pas à entreprendre toute piste qui m’apporterait un plus et me permettrait d’avancer.


Qu’est-ce que vous voudrez améliorer dans le secteur musical en Tunisie afin d’aider de jeunes passionnés comme vous à avancer ?


Il faut se démarquer des structures et des institutions, investir, et s’engager en comptant sur soi. De nos jours, avec Internet et les réseaux sociaux, on peut faire des miracles. Se démarquer de l’Etat, contourner, créer, rêver tout simplement.


Aspirez-vous à vous lancer à l’international ?


Les deux, idéalement : en Tunisie et à l’étranger. Mais peu importe l’opportunité qui se présentera, je saurai la saisir.


Et à un moment de votre carrière, vous vous êtes retrouvé exposé face au grand public en campant le rôle complexe de Kabyl, dans «Ouled el ghoul», une fiction télévisée à forte audience diffusée pendant le Ramadan 2021. Cette aventure, qui rime avec endurance et audace, vous a marqué…


J’en ai fait des castings, sans grande suite… des cours de théâtre aussi. Mais je dois dire que cette opportunité s’est présentée au gré du hasard. Je m‘étais déjà présenté au casting de «Flashback», réalisé par Mourad Ben Cheikh. Un passage dans un autre média pour parler de ma start up a poussé l’équipe à me contacter. On m’a proposé le rôle de «Youssef» le musicien, mais finalement tout a été changé à la dernière minute, et on m’a proposé le rôle de Kabyl, l’homosexuel. Un personnage qui ne me ressemble nullement : très humain, très introverti et j’ai apprécié le traitement parce qu’il ne s’agit pas d’un personnage créé pour faire le buzz, c’était un rôle subtilement traité, très bien construit, dénué de clichés, qui m’a hanté. J’étais fier de l’interpréter : il traite d’une cause humaine. La prise de risque était quand même importante : si je ne réussissais pas à bien interpréter le personnage, et en l’ayant eu en premier rôle dans mon parcours, cela pouvait mal tourner. Mais tout s’est très bien passé : les retours des gens étaient élogieux et, pendant le tournage, j’ai été entouré de professionnels comme Helmi Dridi, Wahida Dridi, Maram ben Aziza… J’en suis reconnaissant. Je n’ai retenu que du bon de cette expérience trépidante et si une saison deux est prévue, je ne peux être que de la partie. Je suis content d’alterner acting et chanson. Les deux se complètent. «Ouled el ghoul» m’a d’ailleurs beaucoup enrichi sur le plan musical aussi.


«Hezni Maak», votre start up sera lancée prochainement. Pouvez-vous nous en dire plus ?


«Hezni Maak» est une application de co-voiturage de communauté sécurisée : au lieu d’y aller avec des gens qu’on ne connaît pas, dans ce contexte -là, l’application est destinée à la communauté qui entoure l’utilisateur et qu’on peut trouver à la faculté, au travail, en salle de sport, en restaurant, en café, aux environs : voisins, connaissances, collègues sont ciblés… et sera fonctionnelle au sein des facultés privées, à destination d’utilisateurs jeunes, pour commencer. L’expérience s’étendra au fur à mesure, et la stratégie économique proposée permet de faire des économies. Les utilisateurs peuvent accéder à la plateforme par mail, ainsi, tout le réseautage leur sera proposé. La fonction se fait en partenariat avec d’autres organismes, d’autres structures, qui offriront un service plus optimal. Ma conception de l’esprit communautaire se résume dans cette application.


Quels sont vos projets ?


Priorité à la musique. Sortir mon album, terminer mon documentaire. Lancer la start up officiellement. M’essayer à de nouvelles aventures de tournage (s’il y en a).

Youssef Meksi, musicien et comédien : «La musique est une philosophie de vie…Point de vie sans musique !»
Bouthaina Gharbi, CEO d’ « Animed » : «Le domaine de la recherche scientifique doit être plus accessible et à la portée »
ENTRETIENS7 / 11 / 2021

Bouthaina Gharbi, CEO d’ « Animed » : «Le domaine de la recherche scientifique doit être plus accessible et à la portée »

«L’Animed» est une plateforme de recherche et de mise en valeur de l’histoire de la Tunisie, et valorise des thématiques peu exploitées ailleurs. Bouthaïna Gharbi, docteure en mise en valeur du patrimoine culturel et CEO de l’entreprise, nous dévoile les dessous d’une aventure entrepreneuriale inédite, qui travaille sur la mise en valeur et la médiation du patrimoine culturel.


Comment l’aventure « Animed » a-t-elle commencé ?


Tout a commencé à travers l’association de plusieurs personnes autour d’un projet, qui consiste à mettre en place un circuit innovant, nommé «Le circuit Magon», qui est un itinéraire culturel de mise en valeur du patrimoine viticole et de l’homologie en Tunisie. Il s’agit d’un circuit à vocation culturelle qui relaye les circuits des sites archéologiques avec les caves des viti-vinicultures. On a eu une subvention de l’Union européenne pour créer ce circuit. En parallèle, à cette époque-là, j’ai été en Master spécialisé en patrimoine architectural du XIXe /XXe siècle à l’Ecole des beaux– arts, d’où mon intérêt pour le volet architectural archéologique. C’est ainsi que je m’étais retrouvée embarquée dans cette aventure avec plusieurs acteurs de la Tunisie, mais aussi de l‘Italie. L’objectif pressant était de créer des projets de mise en valeur du patrimoine. J’ai entamé une thèse de doctorat, toujours en parallèle sur la mise en valeur du patrimoine aussi. J’alternais les deux, tout en prenant conscience de la pertinence de cette recherche et de ce volet.


N’avez-vous pas eu des difficultés à démarrer ?


En effet, au départ, on voulait créer une association pour pouvoir lancer des projets autour de la mise en valeur du patrimoine. Les difficultés sont principalement liées à la réglementation tunisienne, la bureaucratie, et l’Etat tunisien était réticent par rapport à la thématique de la viticulture, de la vigne et du vin. On a, du coup, créé une entreprise très imprégnée par l’esprit de la société civile. On s’est regroupé avec, notamment, une amie à moi, Mila Lauretta, avec qui on a créé «l’Itinéraire Magon», dans le cadre d’une association qui n’a pas marché. L’entreprise culturelle qu’on a créée a vu le jour : elle est spéciale dans le sens où elle s’investit dans les causes patrimoniales, culturelles. Une partie des bénéfices servait à peaufiner, à alimenter cette responsabilité culturelle.


Quelle est votre définition de « responsabilité culturelle » ?


Les deux dernières années, on évoque souvent la « responsabilité sociale», les entreprises sociales et solidaires… Nous, on a commencé en 2017, et on voulait se focaliser sur la responsabilité culturelle, d’où la création d’ «Animed».


D’où vient ce nom «Animed» ?


«Med» se réfère à la Méditerranée et «Anime», en punique veut dire « prospérité » et «richesse». Le patrimoine étant une source de prospérité, de richesse intellectuelle, culturelle, économique. C’est ce qu’on essaie de mettre en avant : faire en sorte qu’il y ait de projets à portée sociale, culturelle et économique. Et on a une richesse culturelle et patrimoniale incommensurable : près de 30.000 sites archéologiques en Tunisie. Un chiffre approximatif, mais attesté, près de 1.000 sites attestés et classés. Cette richesse-là coïncide avec la pauvreté qui existe dans des zones tunisiennes, en partie de l’intérieur, où ces monuments existent. On se focalise sur ces régions-là, en les mettant en valeur, leur donner plus visibilité, les faire connaître par un large public à travers la digitalisation, les faire connaître auprès du Tunisien lambda, à travers notamment nos capsules, scientifiquement pertinentes. On crée un contenu attesté et la médiation fait en sorte que ces contenus peuvent circuler, les rendre accessibles, courts, à la portée, attractifs, divertissants. Tout un travail autour de la diffusion a été accompli, autour de la présentation, essentiellement et sur la langue utilisée : le dialecte pour toucher le Tunisien et le sous- titrage en anglais pour notre audience étrangère.


Vous proposez aussi des services inédits et innovants. Pouvez-vous nous en dire plus ?


Toute une plateforme de visibilité, un site officiel, rassemble ces vidéos et les astuces et indications qui permettent à un voyageur lambda de mieux circuler dans nos régions, notamment à Hidra, Zaghouan, le Kef et autres : sur notre site, on lui facilite le trajet, on lui fournit des conseils, les moyens de transports, des propositions d’activité à faire, le logement… Rendre au maximum les déplacements à la portée, c’est notre but, avec une mise à jour des informations utiles, une facilité de manipulation, en usant d’une manière attestée et efficace de notre plateforme. Peu importe où ce voyageur se trouve dans le monde, il peut planifier son voyage en amont et venir. Pour rendre notre action pertinente, il faut favoriser les visites dans ces régions, entre autres, de cette manière.

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De qui est composée votre équipe ?


Moi-même Bouthaina Gharbi, cofondatrice et manager d’ «Animed», docteure en mise valeur du patrimoine et entrepreneuse. Avec moi, l’équipe scientifique : Mounir Fantar, archéologue-scientifique, directeur des sites archéologiques. On est chargé de la révision scientifique. Pour information, le patrimoine tunisien est répertorié selon un découpage scientifique, par thème : Antiquité, époque romaine, etc. donc, on s’adapte pour le travail selon le site, avec un conservateur spécialiste en site archéologique. Le conservateur nous fournit en articles et en matière scientifique, avec une mise à jour continue des découvertes faites au jour le jour… On veille à faire une dernière vérification au niveau scientifique. Dans la médiation, Hela Djebby, conservatrice, qui écrit des scénarios, on les travaille ensemble, on retouche, «Hokka Hendi» gère des volets dans des tournages, drones, et gère la coordination de la partie audiovisuelle. Pour la partie plateforme, Mehdi Ridene, notre ingénieur, et Mariam KMS, community manager.


Comment se passe le contact avec les institutions étatiques comme l’INP ou autres ?


On travaille avec l’’INP et l’Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle. On est soutenu. On fait toutes et tous partie du milieu scientifique. On entretient une relation correcte. Je crois qu’on est la seule entreprise privée qui possède un partenariat avec l’Amvppc, et nous collaborons avec Mme Amel Hachana, dont elle fait partie. Un partenariat est en cours avec l’INP. Quand on a conçu le projet et on lui a réservé un budget, on est allé voir les institutions qui étaient coopératives.


Quel sera votre apport à la recherche scientifique ?


On essaie de mettre en place la logique de la recherche et du développement. On tend la main à des chercheurs, qui peuvent effectuer leurs recherches en dehors des centres de recherche. Je trouve que le secteur privé a besoin de la pertinence du monde de la recherche. La recherche doit être accessible, à la portée. Dans la recherche appliquée dans le domaine du patrimoine, il y a de bons résultats. On incite les gens à travailler dans ce domaine, large, exploitable, à portée économique. Il y a beaucoup de potentiel à faire et plusieurs disciplines à appliquer dans l’air du temps et à développer des initiatives autour. C’est un domaine vierge. Il suffit d’avoir la volonté et les outils nécessaires afin d’y arriver. On est en contact avec l’université d’Ibn-Charaf, afin de mieux approcher les étudiants, les accompagner dans leur recherche, voire à les embaucher. C’est une nécessité

Bouthaina Gharbi, CEO d’ « Animed » : «Le domaine de la recherche scientifique doit être plus accessible et à la portée »
Med Arbi Soualhia, Curateur « réalité virtuelle »  : « Je reste enthousiaste quant à l’avenir du VR en Tunisie »
ENTRETIENS7 / 6 / 2021

Med Arbi Soualhia, Curateur « réalité virtuelle » : « Je reste enthousiaste quant à l’avenir du VR en Tunisie »

Récemment et dans le cadre du Gabès Cinéma Fen, qui se poursuit en ligne, s’il y a une section qui a fasciné les spectateurs, pour la plupart jeunes, c’est bien la section VR Corner / Hackaton, destinée à la réalité virtuelle. Futuriste et intrigante, cette discipline s’impose d’édition en édition et attire la foule. Les étudiants de l’Institut supérieur des arts et métiers de Gabès (Isam Gabès) y ont participé. Cette année, 4 films ont été réalisés par 4 équipes et un prix a été dédié à la meilleure réalisation. Mohamed Arbi Soualhia, commissaire à la tête du VR Corner, nous parle de cet art avant-gardiste et de son évolution en dehors du festival.


Comment êtes-vous entré en contact avec l’équipe de « Gabès Cinéma Fen » ?


J’ai travaillé dans quelques projets à l’étranger, notamment sur des prototypes à Berlin et à Munich. Je travaillais dans le festival « Vision du réel » en Suisse. Je ne sais comment exactement l’équipe de « Gabès Cinéma Fen » a entendu parler de moi. Je suis de nature discrète. Ghofrane Haraghi (coordinatrice) et Fatma Cherif (directrice du festival) m’avaient contacté et m’ont proposé de démocratiser ce nouveau médium que la plupart des Tunisiens ignorent et qui n’est autre que la Réalité Virtuelle. Il ne s’agit pas de nouvelles techniques hautement modernes seulement, c’est une nouvelle forme d’art.


Pour le contenu de cette section, avez- vous eu carte blanche et entière liberté de gestion ou avez-vous reçu des recommandations de la part de l’équipe du festival ?


J’ai proposé des films. On se réunissait et on communiquait souvent jusqu’à l’établissement d’une sélection de films : une longue et une courte liste. A quel point la sélection des films en VR est-elle accessible ? En tant que public, nous n’en savons pas beaucoup sur les canaux de diffusion, leurs choix, leurs contenus, leurs genèse ? L’univers du VR reste encore inaccessible de nos jours. C’est juste. C’est, en effet, un peu compliqué pour l’instant, parce que les casques et les outputs ne sont pas à la portée de tout le monde. La section VR n’est pas programmée dans de nombreux festivals dans le monde. La distribution pose toujours problème, le monotising, aussi. Mais d’ici à cinq ans, à mon avis, ça se réglera. Le covid a ralenti son élan. Je reste enthousiaste quant à l’avenir du VR. C’est une question de temps. On n’en est qu’au début…


En Tunisie, on reçoit presque tout en retard en matière de nouvelles technologies. A Gabès, plus précisément, les notions liées aux arts restent basiques, classiques. L’art nouveau ou ses notions ordinaires restent peu accessibles, d’où l’émergence de cette résistance artistique. Pour vous, quand on fusionne toutes ces disciplines ensemble, peu importe leur différence, est-ce que cela attirera toujours le public ?


Le programme du « Gabès Cinéma Fen » fusionne cinéma, images et haute technologies. Un contenu qui ne fera qu’attirer les festivaliers et le public, des plus jeunes aux plus âgés, toutes tranches d’âges confondues. Il faut leur montrer ces formes d’art et les aider à raconter leurs histoires, les initier. Dans le cadre de cette expérience, ils étaient passionnés, proches des personnages en VR. L’expérience est inédite, riche en qualité technique. Le festival garantit l’aspect technique. D’autres films sont interactifs : leur contenu est riche. Le spectateur/participant peut même aider les protagonistes, enlever les casques, proposer des solutions, intervenir. Et l’édition connaît de nouveaux membres et de nouveaux talents jeunes, qui promettent réellement et qui apportent de la fraîcheur et une dynamique nouvelle.


Peut-on en savoir plus sur le hackathon ?


Cette compétition est composée de quatre groupes, formés l’année dernière dans des ateliers, dans lesquels ils apprennent tout : le prototype de création, au scénario VR. Ils n’ont pu tout faire à cause du covid. Des scénarios ont émergé, des figurants ont été aussi dénichés pour le tournage, des moyens du bord qui ont permis à des jeunes de conclure des projets de fin d’études de qualité en 48h. J’ai été fier d’y participer et on compte maintenir et cette section et cette compétition.


Quel est le point commun qui rassemble tous les films sélectionnés et quel est votre définition du VR ?


On voulait diversifier les genres : fictions, documentaires, courts, longs métrages, et diversifier les sujets proposés, comme l’écologie, l’identité, les origines ethniques. Des thèmes universels. On a aussi touché à l’art, comme celui de Héla Lamine, et de l’expérimentation puisée dans des sons, de la musique. Le VR peut nous téléporter dans des univers fantastiques, parallèles, qui sortent de l’ordinaire. Il téléporte mentalement dans des ailleurs et des contrés nouvelles. Le plus long des films en VR que j’ai découvert est de 45 min. Ceux proposés ici sont courts. Le VR fait rêver, voyager et des médias internationaux en usent déjà comme « The Guardian », « Arte » etc, afin de faire voyager leur audience.

Med Arbi Soualhia, Curateur « réalité virtuelle » : « Je reste enthousiaste quant à l’avenir du VR en Tunisie »
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