
La Société française d’entraide et de bienfaisance (Sfeb) rempile pour une 2e édition, haute en couleur et en œuvres d’arts. Arts plastiques, peinture, œuvres visuelles en collage, d’autres en céramique et plusieurs créations distinguées sont visibles dans un pavillon à Gammarth jusqu’au 8 décembre 2024. Ce lieu abrite désormais cette biennale de plus en plus prisée par ses 50 artistes tunisiens et étrangers toutes et tous engagés pour la bonne cause.
«Le caritatif est totalement indissociable à l’engagement humain et aux arts comme le prouve notre rendez-vous biannuel». Affirme Michel Delattre, président de la Sfeb lors d’un point de presse organisé au pavillon annexe de l’hôtel Golden Carthage. Une longue liste d’artistes plasticiens, peintres, céramistes tunisiens, étrangers ou vivant en Tunisie se mobilisent pour l’art et s’engagent dans l’entraide et la solidarité. 50 artistes, en grande partie tunisiens, ont mis à la vente plus de 145 œuvres d’art à la vente. Les gains partiront en partie dans des actions visant à aider des personnes dans le besoin. Ils pourront, en effet, apporter, une aide sur le plan social, psychologique, matériel : la Sfeb veille à accompagner des personnes vivant en Tunisie, mais socialement en difficulté, en les aidant à s’insérer et à mieux faire face à la précarité. Les 50 artistes de la Biennale d’art sont engagés humainement avant tout et se sont organisés longuement en amont pour la réussite de cet événement artistique et caritatif mené par Nadia Zouari, artiste et commissaire d’art.

La Biennale de L’art a été inaugurée le 30 novembre 2024 en présence de la plupart des artistes participants et de l’ambassadrice de France, Son Excellence Anne Gueguen. M. Anouar Ben Ammar, directeur général d’Ennakl Automobiles, et M. Mutaz Nazzal, directeur général de Total Energies Marketing, deux partenaires principaux de la Sfeb ont également répondu présent.
Les visiteurs n’ont cessé d’affluer en accès libre depuis l’ouverture. Quelques œuvres ont déjà été vendues. Les artistes s’enchaînent au quotidien pour une prestation artistique en direct et des étudiants des Beaux-Arts de Nabeul sont en visite sur place. Une aubaine pour eux d’être en contact avec des professionnels de renom et d’échanger autour des différentes pratiques. «La Biennale voit participer des créateurs de tous les âges et nous avons opté pour la thématique du Pop–art cette année, qui est d’ailleurs, en grande partie visible», déclare Nadia Zouari, qui ajoute : «C’est plus l’humain que la nationalité qui prime dans cette rencontre. Nous avons différentes nationalités retenues, certes, mais c’est toutes et tous des personnes qui ont la Tunisie en commun et ressentent cette appartenance à ce beau pays».

Derrière des œuvres, des rencontres
Des tableaux mêlant photographies de lieux, des sites historiques, des édifices familiers et des endroits délabrés occupent un coin du pavillon. Ces œuvres sont colorées avec différentes couleurs attractives, pas forcément harmonieuses. Michel Giliberti, artiste photographe, né à Menzel Bourguiba, est à l’origine de ces créations photographiques, fortes de son empreinte. L’artiste nous fait voyager à travers des lieux à Djerba, à Kairouan et à Menzel Bourguiba, plus précisément jusqu’au lieu exact où il est né. Un palais du Bey, autrefois abandonné, mais qui, actuellement, subit des travaux de restauration à La Marsa, est également visible dans un autre tableau. Cette déambulation photographique de Giliberti fait effet.
Un peu plus loin, d’autres tableaux fusionnent plusieurs pratiques : il s’agit des créations d’Alia Derouiche Cherif, avec comme ligne directrice les papillons, l’allure et le visage d’une jeune femme, inspirée par une de ses étudiantes. Alia Derouiche Cherif explique : «Je voulais un côté léger et j’ai opté pour une palette dont je n’ai pas l’habitude. J’ai répondu à l’appel de la légèreté, exprimée à travers le papillon qui est présent d’une manière récurrente». Elle souligne la sensibilité artistique toujours très vive en chaque vrai artiste et qui va de pair avec l’engagement humain. «J’ai répondu à l’appel avec les 49 autres artistes. C’est normal et humain qu’on réponde présent à cette biennale». Les tableaux particulièrement vifs, hauts en couleur et en éléments d’Amel Kebailli attirent l’attention : «En tant qu’artistes, il y a des événements qui nous permettent de sortir de notre zone de confort. De notre monde ou atelier où nous créons d’habitude ! On répond à l’appel d’une exposition ouverte comme celle organisée par la Sfeb, notre Biennale de l’Art. C’est ma 2e participation après celle de 2022. J’ai essayé d’y créer un monde imaginaire et d’y introduire les visiteurs, de les entraîner dans un univers alternatif à notre vécu et à notre quotidien difficile et si dur. Mes œuvres ont été spécialement réalisées pour cet événement. Ma technique n’a pas de limites : j’use de tout car je déborde d’imagination que j’essaie de canaliser».
L’allure distinguée d’un artiste participant, portant un habit original aux motifs colorés, vole les regards. Il s’appelle Bernard Roth et vit en Tunisie depuis plus de 7 ans. L’artiste est fondateur d’une association artistique à but caritatif, déjà très active à Tunis. «On est artiste et avant tout humain. La biennale rappelle mon travail engagé et c’est naturel d’y participer. En Tunisie, nous rencontrons beaucoup de gens dans le besoin et nous essayons d’aider comme on peut à travers notre art». Conclut l’artiste sur cette note optimiste.

«La fondation Hasdrubal pour la culture et les arts Mohamed Amouri» et son directeur musical Laurent Jost invitent sur scène une floppée de musiciens professionnels et émergents, issus de toutes les nationalités du monde pour «Le concert des continents». L’événement musical rime avec résonances et mélodies occidentales et orientales. Les cordes à instruments s’apprêtent à fusionner.

Un Quartet de musiciens tunisiens apparaît sur scène : muni de son violon, il entonne un morceau du compositeur allemand Felix Mendelssohn. Des répertoires connus comme Beethoven ou Joseph Haydn n’ont pas tardé à résonner. Le public est comme happé dans une spirale de mélodies, maîtrisées et entraînantes. Le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris se lance, ensuite, dans des répertoires de compositeurs connus comme Germaine Tailleferre, Maurice Ravel ou Antonin Dvorak. Le conservatoire de Vienne s’empare ensuite de la scène du Hall et ne manque pas d’honorer, toujours en musique, le patrimoine d’Ernst Dohnanyi, Jean Françaix ou de Johann Strauss. Sur une trentaine de minutes, avec de légers intermèdes, il y a comme un rythme musical enchanteur qui s’est installé et qui fait effet sur la durée. A deux reprises pendant le concert, des musiciens, en alternance, joueront encore, citons Daniel Schultz, Takanori Okamoto, Felix Pascoe et d’autres noms comme Valentin Hoffman, Bénédicte Leclerc ou Pail Wiener. Le violon et les violoncelles font toute la magie de leur performance et sont issus du «Royal Academy Of Music Of London». Et puis arrive ce moment clé où l’appellation «Concert des continents» prend totalement sens avec «les musiques arabo–orientales et improvisations» ou c’est quand Zied Zouari, en compagnie de son orchestre formé par 11 musiciens, présente «Prayer» (Prière), un morceau musical composé en 4 jours seulement dans le cadre d’une résidence à l’Hasdrubal. Véritable ode à la paix dans le monde en ces moments incertains, le morceau est saisissant. Zied Zouari commente cette performance et en fait une dédicace précieuse : «C’est un rêve réalisé ce soir que de pouvoir présenter cette musique. C’est un rêve que je dédie spécialement à Laurent Jost, directeur musical de la fondation Hasdrubal, qui œuvre depuis si longtemps pour ce pays». Plus d’une trentaine de musiciens venus des quatre coins du monde ont clôturé ce spectacle. Parmi eux une douzaine de Tunisiens arborant leur contrebasse, violoncelle, violon, percussions et Alto.

La fondation Hasdrubal pour la culture et les arts Mohamed Amouri, voit grand : elle prône le partage d’expériences musicales, organise des récitals et des résidences de haut niveau pour de nombreux apprenants et futurs virtuoses tunisiens et étrangers. Ces concerts sont tissés par des spécialistes du monde, issus en grande partie d’établissements européens, favorisant l’appui de pays européens. A cette occasion, l’ambassade de France et de l’Autriche ont soutenu l’événement ainsi que l’Institut français de Tunisie. La fondation œuvre pour la création de programmes d’échanges entre artistes ou étudiants en musique, issus des deux rives ou d’ailleurs.

La 7e édition de «Jaou Tunis» a débuté le 9 octobre et se tiendra aux quatre coins de la capitale durant tout un mois. L’occasion pour les festivaliers de découvrir le projet photographique de Rima Hassan, titré «Nakba Survivor» ou «Survivants de la Nakba». Le vernissage de l’exposition est prévu pour cet après-midi à partir de 18h00, dans un entrepôt situé à Rue de Palestine–Tunis. Le travail annoncé d’emblée est une série de portraits intimistes de réfugiés palestiniens, révélateurs de leur vécu dans des camps.
La photographe elle–même, née dans un camp de réfugiés en Syrie, puise dans son vécu, ses valeurs, et ses luttes pour donner vie à son art militant, dédié à la population palestinienne. Son travail garantit une immersion photographique, notamment à l’aide de technologies numériques avancées comme l’Intelligence Artificielle. À travers cette exposition attendue, la résilience des réfugiés, leurs combats, leur quotidien se font sentir. «Nakba Survivor» raconte des récits de vie à travers des images brutes, vraies, et d’autres qui sont générées aussi par la technologie donnant forme à des récits poignants, singuliers, qui racontent l’individuel mais narrent aussi le collectif, dans sa dimension la plus tragique. Le festivalier pourra visiter Jbal Hussein, en Jordanie ou Neirab en Syrie et autant de camps et de lieux, broyés par une colonisation sioniste qui perdure dans le temps, et qui est plus que jamais d’actualité.

Lutte pour la survie, pour les droits fondamentaux, voix des dominés, récits porteurs d’espoir et contre l’oubli, dénonciation du génocide en cours, «Nakba Survivor» s’érige, grâce à la commissaire d’exposition Kenza Zouari, et à l’artiste Rima Hassan, comme une porte–voix pour les Palestiniens colonisés réfugiés, et prône l’identité palestinienne. «Il y a autre chose à montrer de ce peuple que sa mort ! Malgré sa souffrance inouïe, on a besoin que ce peuple se raccroche à la vie et qu’il ait surtout mille et une facettes à montrer en rapport avec sa culture, son histoire, sa résistance». Cite Rima Hassan, dans un Teaser, en attendant de la retrouver en Tunisie pour l’inauguration de son exposition individuelle. Rima Hassan a entamé ce projet engagé bien avant. Soutenue par la Fondation Kamel Lazaar, elle prenait des photographies dans les différents camps de réfugiés, au Liban, en Syrie et en Jordanie. Des personnes réfugiées qu’elle photographiait avec le Keffieh sur le visage, (ou sans Keffieh). L’artiste a aussi cédé sa caméra à des réfugiés pour qu’ils prennent, à leur tour, des prises, en photos ou en vidéos, au fil de son itinéraire.

En tant que commissaire d’exposition, Kenza Zouari a commenté, lors d’un point de presse, sa difficulté à s’immiscer dans cette itinérance aussi intime, propre au vécu collectif de ces réfugiés et à celui de l’artiste. «J’ai tenu à apporter une vision externe et essayé de montrer comment le monde, de loin, voit ou vit la vie des Palestiniens, en dehors ou dans Gaza, en utilisant l’Intelligence Artificielle. Mon intervention consiste à générer des photos, à répondre à certaines questions, et d’avoir toute une conversation avec différentes I.A autour de la Palestine. Et ce sont ces intelligences qui façonnent ce que je leur demande». C’est ainsi que se résume l’apport de la commissaire. L’exposition s’adresse à un public averti, comme le public tunisien. Elle s’annonce expérimentale mais n’informe pas forcément les festivaliers sur la situation des Palestiniens ou le calvaire des réfugiés. Au cœur de l’exposition, les photographies prennent vie. La touche de sa commissaire articule une 2e narration au contenu visuel et auditif de «Nakba Survivor». L’étroitesse du lieu méconnu permet de vivre l’expérience autrement. Un atout de taille. Une déflagration de récits et de lectures diverses seront accessibles à travers «Fragments d’un refuge», à découvrir jusqu’au 9 novembre 2024, au 6, rue de Palestine. Rima Hassan est juriste de formation et actuelle députée européenne.

Après le clap de fin de la 58e édition du festival international de la ville de Hammamet, le théâtre et son centre culturel «Dar Sebastian» accueillent une manifestation cinématographique titrée «Les écrans de Hammamet», sous la houlette du ministère des Affaires culturelles et du Cnci.
Sur une durée de 7 jours, le théâtre a vécu au rythme d’installations d’œuvres vidéo, de conférences mais surtout de projections nocturnes de courts et de longs métrages tunisiens, anciens et… inédits ! Car l’événement laisse libre cours à la réalisation et initie des jeunes talents à la fabrication de films courts de 3 à 5 min, en utilisant le smartphone. Focus sur le «Mobile Movie», qui a permis à 8 nouveaux films de voir le jour et d’être en compétition jusqu’au 11 août 2024. Le public, suite à un vote au quotidien, pourra élire la meilleure réalisation, en attribuant des étoiles sur un écran numérique.
En présence d’un jury formé par la réalisatrice Salma Baccar, l’artiste visuelle, cinéaste et chercheure Sahar El Echi, et la réalisatrice Emna Najjar, les participants ont élaboré des scénarios, qui ont pour thématique «Le théâtre de Hammamet, son histoire, celle du festival et de la villa Sebastian».
Arrêt sur 8 histoires, 8 films courts, 8 découvertes sur grand écran, en première !
«Champ contre champ» de Nermine Ben Hmida, rencontre intemporelle
Du haut de ses 18 ans, Nermine Ben Hmida, dans son premier film, décide de braquer la caméra du smartphone sur deux actrices tunisiennes : Mouna Noureddine, pionnière de la scène théâtrale et de la télévision tunisiennes, et Ibaa Hamli. Les deux sont issues de deux générations totalement différentes. «Champ contre champ » ne les compare sans doute pas. Il revient sur un projet théâtral récent qui a croisé leurs deux parcours, celui d’«Othello et après» de Hammadi Louhaïbi, présentée pour la première fois à l’ouverture de la 58e édition du festival international de Hammamet. Il s’agit d’une version revisitée, d’«Othello» d’Ali ben Ayed, initialement présentée en 1964, sur cette même scène, année de la création du festival. 60 ans plus tôt Mouna Noureddine était à l’affiche, dans le rôle d’«Emilia». En 2024, ce même rôle est campé par Ibaa Hamli. La jeune réalisatrice est revenue brièvement sur la rencontre des deux interprètes. Plongée rapide dans les coulisses, retour sur des archives photos, évocation de souvenirs lointains et aboutissement sur une rencontre entre les deux interprètes. Un mini– hommage en film qui s’ajoute à un autre rendu à Mouna Noureddine, le 5 juillet 2024, à l’occasion du soixantenaire du FIH.
«Deadline» de Hazem Fenira, «Tapages nocturnes des pensées»
Le spectateur est comme entraîné dans une spirale de peur, d’hésitation, d’espoir, de rêves et de cauchemars éveillés. Le court métrage de Hazem Fenira «Deadline» filme un dialogue entre deux versions de lui-même… qui s’entrechoquent et s’échangent autour de l’avenir. Un avenir post-inscription à cette résidence artistique «Des écrans de Hammamet». Tantôt il se voit propulsé, de renommée internationale, ayant une notoriété fulgurante, tantôt il se voit perdu, paumé, noyé dans un avenir sombre… livré à lui-même et n’arrivant pas à faire décoller sa carrière. Tel un diable et un ange, l’heure est aux doutes ! Une discussion qu’on a voulue plus développée et plus lente entre son soi et son alter–ego malveillant. Sa participation au «Mobile Movie» en dit long sur sa décision finale prise.
«Broova» de Youssef ben Said, «Un amour imaginaire ?»
Gros plan sur le visage admiratif d’un certain Youssef, qui n’a d’yeux que pour l’artiste-chorégraphe qui performe au théâtre. Youssef travaille dans la buvette, quand son regard se pose sur sa dulcinée rêvée, adulée en secret et qu’il souhaite approcher. Commence, alors, une poursuite faite en douceur avec toute la bienveillance du monde, afin qu’il puisse l’aborder. Il la regarde répéter dans une salle de cinéma, traverse les jardins de «Dar Sebastian»… Jusqu’au coup de théâtre qu’il vit sur la plage de Hammamet. Quelques minutes de cet amour imaginaire et adolescent agissent comme un ascenseur émotionnel. Un film court et sensible, bercé par une musique touchante.

«A suivre…» de Farés Lafif, «Prémices d’un docufiction»
Tout un univers sépare le travail administratif et la passion dévorante pour le théâtre… Pourtant, Jamila Chihi, artiste comédienne et fonctionnaire, jongle entre ces deux spécialités. Jamila passe son quotidien à gérer les plateaux de répétitions, les fonctionnaires, les artistes. Pendant les tournées ou les représentations, elle occupe les loges, s’imbibe de savoir, d’arts, de rencontres enrichissantes, s’imprègne aussi du stress des préparatifs, de l’état d’esprit des artistes mais aussi «des équipes de l’ombre». Sa mission consiste à ce que tout se déroule bien ! Dans ce film, Farés Lafif effectue avec son téléphone portable une plongée dans les préparatifs de la pièce de théâtre «L’albatros» de Chedli Arfaoui, lors d’une représentation au festival international de Hammamet. Une journée vécue dans et autour du théâtre de la ville, condensée sur grand écran, en 5 min… L’aboutissement de deux mois de travail dans le cadre des « Ecrans de Hammamet». Le court scénario de Farés Lafif reflète son quotidien, son vécu, ses propres émotions. «A suivre…» a sorti son jeune réalisateur et Jamila Chihi d’entre les murs de l’administration.
«Si Bastien» de Rayen Bedoui, «Discussion d’outre-tombe»
C’est l’histoire du gardien du temple historique de Sebastian… ce lieu, appelé couramment de nos jours «Dar Sebastian». Un gardien de nuit fait une rencontre improbable et surnaturelle avec le fantôme du feu bâtisseur du lieu. Ce dernier fait sa ronde en apparaissant, à l’occasion de son anniversaire, puis disparaît. Se créer alors une interaction des plus insolites entre le gardien, et cette présence de l’au-delà dans l’enceinte de la résidence. Le fantoche en profite pour exprimer sa déception et sa nostalgie quant à l’état des lieux de ce bijou historique et architectural. L’échange devient ludique puisqu’il rappelle l’histoire de la résidence «Dar Sebastian», ses coins et ses recoins. Filmé sur un ton léger et ayant un titre «Si Bastien», à connotation tunisienne, le court métrage passe pour un court hommage insolite à un lieu incontournable.
«Lumières invisibles» de Wiem Rebah, «Au-delà du visible»
Et pas n’importe lequel… il s’agit bien de la scène du théâtre mythique de Hammamet, qui fête ses 60 ans cette année, qui a connu pas moins de 58 éditions du festival et d’autres événements à n’en plus finir, organisés hors festival. La réalisatrice Wiem Rebah, dans son 2e film court, transmet au spectateur les lumières et les sons émanant de cet endroit. De cette scène qui vit au rythme des arts et de ses guerriers de l’ombre, citons techniciens, régisseurs, metteurs en scène, organisateurs, responsables coulisses, administrations… ces faiseurs de spectacles qu’on ne voit pas et sur qui repose le visible, l’artistique. Un film court, qui se laisse écouter et voir. Un film d’ambiance, sensoriel, qui prône le travail de fourmi élaboré «hors caméra» et qui tisse une atmosphère vraie, celle de «derrière la scène».
«Mon double» de Karama Sayadi, «Intergénérationnel»
Une plongée autrement dans les coulisses des performances artistiques. A travers «Mon double » signé Karam Sayadi, le spectateur fait la connaissance de Ferid, danseur – chorégraphe, imprégné par le savoir et la carrière florissante de sa grand-mère. Deux savoirs différents, deux époques à l’apogée, deux vécus sans doute contraires, mais les mêmes ressentis, sensations, réflexes minimes, dans cette même loge, avec son lot de préparatifs. L’existence d’une grande artiste qui fait écho chez son petit-fils. Une parenthèse filmée, celle de l’avant-spectacle, et la rencontre avant le public. Dans les rôles principaux de «Mon double», «Achraf ben Hadj M’barek» et «Nawel Skandrani».
«Le SI, magique d’être» d’Imène Ghazouani, «Quête de soi»
Il s’agit d’une quête nocturne de soi et d’un personnage… effectuée d’une manière effrénée. Dissimulé (e) et se faisant discrèt (e), tel un cambrioleur, elle/il escalade les murs, traverse buissons et arbres, évite de se faire repérer, esquive toutes les attentions et les discussions, jusqu’à atteindre l’amphithéâtre en plein air. Son identité, une fois dévoilée, commence alors un monologue autour du théâtre, plus particulièrement en évoquant le mythe de Médée. Hommage filmé face caméraportable, à des personnages incontournables et des interprétations marquantes qui ont dû enrichir auparavant l’histoire du festival international de Hammamet, des décennies durant.
«Les écrans de Hammamet» dans sa première édition se poursuit jusqu’au 11 août. Toute la résidence artistique s’est faite sous la supervision du réalisateur Brahim Letaief. Khedija Lemkacher et Hamza Ouni, deux scénaristes et réalisateurs, ont mené à bout la phase «écriture des scénarios» avec les 8 participants. Les projections des courts métrages en compétition se font dans l’enceinte du théâtre plein air de la ville. Le public peut noter les films après chaque projection pour contribuer à élire le gagnant. Les séances de nuit commencent par la projection des courts inédits, suivis d’un ancien court et d’un ancien long métrage tunisiens. Un débat clôture les soirées cinéma des «écrans» qui rappellent une ancienne tradition estivale à Hammamet, celle de visionner des films à la belle étoile. Les festivaliers ont pu assister à des conférences et débats variés chaque matin à partir de 11h00 en présence de différents réalisateurs et invités pour parler d’arts vidéo, de comment réaliser des films à petit budget, ou de rencontre autour du parcours de Salma Baccar ou de Moncef Dhouib. Les moments visuels forts restent sans doute les jeux de lumière, les jeux de réalité virtuelle la Ciné Box, avec un visionnage et des activités pour les enfants. «Frame», l’installation d’art visuelle collective à la maison Sebastian reste accessible au grand public chaque après-midi. Nous y reviendrons !

Le plus souvent, les expositions fleurissent au printemps, et, au gré des promenades, souvent, on peut tomber sur des découvertes. Véronique Engels, artiste peintre, a transformé la galerie Alain-Nadaud, le temps d’une exposition de ses œuvres, dans un jardin poétique et imaginé. Par ailleurs, l’exposition itinérante, à caractère urbain, autour de la ville d’Hammam-Lif, poursuit son chemin jusqu’à octobre 2024.
«Hammam-Lif, mémoire vivante d’une ville aux mille visages»
Qui serait plus efficace qu’une exposition photographique, en images d’archives et en légendes, afin de raconter autrement une ville historiquement riche ? C’est dans le hall de l’Institut français de Tunisie que l’exposition didactique autour de la ville d’Hammam-Lif s’est tenue en premier, avant de se déplacer… sur le Grand-Tunis, se rendant ainsi accessible aux étudiants et aux habitants de la ville concernée, joyau historique de la banlieue sud de la capitale.
Une ville, qui, dans le temps, fut la destination préférée du Bey. Mi-montagneuse – mi-côtière, elle a longtemps été ornée d’habitats, et de lieux qui racontent l’histoire de la Tunisie sous le colon, et bien avant. Des édifices et coins emblématiques, pour la plupart désertés, détériorés, pas conservés. Elle allie différents styles architecturaux. Le travail a été accompli sous la houlette des deux commissaires, Leila Ammar et Mme Nawel Laroui. Avec leur équipe, elles se sont basées sur les travaux de recherches de chercheurs, enseignants, architectes, paysagistes, urbanistes, experts.
Le rendu final est édifiant : il raconte le passé d’une cité et éclaire aussi sur son avenir menacé. M. Jelal Abdelkafi, Mme Nabila Bakli, Mme Hanène Ben Slama, Mme Cyrine Bouagila, Mme Saloua Ferjani, Mme Baya Labidi ont prêté main-forte afin de réaliser ce travail, mené à bout grâce à leur implication. Patrimoine architectural, paysages naturels, urbanisation et enjeux liés à la menace climatique sont racontés à travers ce travail, visible encore au public, du 23 mai au 28 juin à l’Ecole nationale d’architecture et d’urbanisme (Enau) de Tunis. Du 30 juin au 15 octobre à la municipalité d’Hammam-Lif, et à partir du 15 octobre dans les écoles, collèges et lycées de la ville.
«Regarde !» de Véronique Engels
Fusionner influences poétiques et sa propre peinture dans une galerie aussi connue que celle d’Alain Nadaud, Véronique Engels l’a fait ! «Regarde !», sa dernière exposition en date, organisée à Tunis, a attiré plus de 400 visiteurs (hors vernissage !) sur une douzaine de jours. Nous approchons d’un finissage réservé aux retardataires et n’avons pu résister afin de nous laisser emporter par le vert, qui prime dans tout l’espace et sur deux étages. Tel un jardin, l’espace abrite différentes peintures hautes en couleur. Un travail pictural, habité par des chats (en référence à Colette, figure littéraire incontournable) et de citations, y compris celles de Mahmoud Darwish.
L’artiste fait référence aussi aux miroirs, qui provoquent émerveillement. Elle mentionne les fauteuils intégrés, les plantes, et autant d’éléments qui constituent une forêt. Une ambiance autre ! «Le parallèle avec Darwish était évident pour moi : un clin d’œil à l’Orient qui fait partie de mon existence, de mes voyages. C’est le poète de la nature du quotidien : il détourne les maux du monde avec des mots d’amour et de poésie. Colette manie la langue d’une manière simple et singulière». Cite Engels lors d’une visite de la galerie. Zeineb Henchiri, alias Zou Vitamine, a prêté sa voix aux passages audio de Colette et de Darwish. Fayçal Karray a signé la scénographie. Véronique Engels espère rendre son travail itinérant afin de le faire parvenir un plus grand nombre de personnes, surtout en dehors de la capitale.
