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Pascal Quignard à Tunis : Quignard et la Méditerranée
REPORTAGES4 / 6 / 2023

Pascal Quignard à Tunis : Quignard et la Méditerranée

Le Colloque international consacré à l’écrivain français Pascal Quignard et à la Méditerranée, qui s’est tenu les 2 et 3 mars à Ennejma Ezzahra, aura été un événement culturel marquant, associant des lectures croisées de l’œuvre par des universitaires de renom à deux spectacles musicaux qui feront date dans l’histoire du Centre des musiques arabes et méditerranéennes. Cet événement littéraire d’envergue a été organisé par le laboratoire «Langues et Formes Culturelles» de l’Institut supérieur des langues de Tunis, grâce aux efforts conjugués de la présidence de l’université de Carthage et du Centre des musiques arabes et méditerranéennes (Ennejma Ezzahra), en partenariat avec l’Institut français de Tunisie, le Cerilac Paris VII et l’Item (Cnrs-ENS de Paris).

Musicien, scénariste, et écrivain contemporain, Pascal Quignard est connu du grand public pour ses récits: tous les matins du monde (1999) consacré à la figure de Marin Marais, joueur de viole de gambe du XVIIes, et adapté au cinéma la même année par Alain Corneau, Villa Amalia (2006), ou encore tout récemment, L’Amour, la mer (2022), hymne à la beauté du monde, à la vie ainsi qu’à l’impermanence de toutes choses, d’une écriture poétique remarquable, autant de textes rythmés par la musique qui traverse tous les romans de Quignard, et qui y joue un rôle essentiel à l’instar de la beauté des choses “naturelles”. Mais il est également l’auteur d’essais inimitables comme le Dernier royaume : t.1 Les Ombres errantes Prix Goncourt 2002, Les Désarçonnés ou Vie secrète, faisant de son œuvre, complexe, exigeante et érudite, l’une des plus importantes de la littérature française contemporaine, dans la lignée d’écrivains comme Blanchot ou Bataille.


Si l’art occupe une place centrale dans sa réflexion, les frontières entre les genres disparaissent dans son écriture musicale, au profit de l’entrelacement des thèmes obsessionnels du silence, de la lecture, de la mort, de la sidération, ou encore de la figure du jadis.


Puisant dans l’héritage universel, la pensée de Quignard établit un dialogue original avec le fonds méditerranéen dont se nourrit son imaginaire tout autant que sa poétique. Ses références — à cet égard — sont multiples et variées, puisant aussi bien dans L’Odyssée, L’Enéide, Les Mille et Une Nuits ou les mythologies égyptienne, phénicienne, sumérienne que dans les contes populaires et les grands auteurs de l’Antiquité ou du Moyen-Age : Eschyle, Euripide, Averroès, Ibn Arabi, Apulée, Ovide, Saint Augustin, ou Montaigne, pour ne citer que ceux-là; à la source de son inspiration également, les œuvres d’art (mosaïques, tableaux, fresques ou gravures), mais aussi les cités (telles Carthage, Alexandrie, Rome, Athènes, Utique, Naples), et les îles (Ischia, Jerba, Capri), sans oublier le soleil méditerranéen, très présent dans son œuvre.

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Dans cette perspective, une équipe de chercheurs du laboratoire « langue et formes culturelles » de l’Institut supérieur des langues de Tunis a proposé une réflexion sur le rapport de l’œuvre de Quignard avec la Méditerranée, interrogeant les mécanismes créateurs dans ses textes, afin de voir comment cet espace marin façonne l’imaginaire de l’auteur et comment sa représentation se trouve en retour façonnée par la pensée quignardienne.


Carthage, cité-phare du monde méditerranéen, point de rencontre entre l’Afrique du Nord, Rome et le Moyen Orient, mais aussi l’un des « lieux de Pascal Quignard », constituait un cadre idéal pour accueillir une telle réflexion, d’autant que cette problématique n’avait pas encore été abordée dans le contexte d’une réflexion collective internationale. Et il est hautement significatif que le colloque se soit tenu au Palais du baron d’Erlanger, cet esthète des années 1900, qui, comme Quignard, était féru d’art et de musique, auteur d’une précieuse histoire de la musique arabe, et collectionneur de manuscrits anciens et d’instruments de musique rares.


Dans ce haut lieu de l’art et de la pensée, le colloque a réuni des universitaires tunisiens, mais aussi français, italiens et japonais, en présence de Pascal Quignard lui-même, et les communications furent de haut niveau, permettant aux étudiants, aux chercheurs et au public de découvrir l’œuvre d’un auteur inclassable et inimitable, mais aussi de rencontrer un écrivain chaleureux et simple, profondément humain et toujours à l’écoute de l’Autre.


La représentation du fonds méditerranéen dans l’œuvre de Quignard, et les lectures que les textes quignardiens proposent d’un tel fonds comportaient plusieurs axes : la mer, aspect essentiel de l’œuvre, mais aussi les figures d’Ulysse et de Boutès (ou l’appel du chant) ou encore Saint Augustin, figure des deux rives. Ont été également étudiés le dialogisme littéraire et artistique de son œuvre, ses descriptions-commentaires de la mosaïque d’El Djem, ou des fresques étrusques, ainsi que son rapport à la rhétorique antique et à la linguistique.


Les regards croisés des chercheurs des deux rives de la Méditerranée ont permis de fructueux points de convergences et de stimulantes découvertes ; étudiants et public ont pu apprécier les différentes étapes de l’écriture d’une œuvre à travers une belle exposition des manuscrits de Boutès ou le désir de se jeter à l’eau : Rendue possible grâce à la collaboration du Cerilam et de la Banque centrale.


Au plaisir de l’esprit, s’ajoutait celui des sens, chaque journée ayant été clôturée par un récit-récital, avec les textes de Quignard, lus par l’auteur lui-même, accompagné au piano par Aline Piboule, artiste virtuose passionnée et sensible, dont le talent a conquis l’auditoire. Si le premier récital, Boutès, consacré à la figure de cet homme symbole du désir, comprenait des œuvres musicales du répertoire classique (Ravel, Chopin, Fauré, Schubert, Messiæn), et une transcription inédite de La Mer de Debussy, la grande première fut le récit-récital Les Ruines de Carthage, texte inédit, écrit spécialement pour l’événement par Quignard, poignante méditation sur la destruction de la pensée, des cultures et des civilisations.


Enfin, la matinée du 4 mars, à l’Institut supérieur des langues, a été consacrée à la présentation des travaux des doctorants, en présence de l’auteur lui-même et de tous les intervenants au colloque, qui ont pu apprécier la qualité de nos jeunes chercheurs, stimulés par un tel public.


La convention de partenariat entre l’Université de Carthage et le Centre des musiques arabes et méditerranéennes, aura permis de réaliser cette jonction entre le monde universitaire et celui de la culture. Méditerranéen, cet événement le fut assurément, avec la rencontre des cœurs et des esprits des deux rives, grâce aux énergies fédératrices des femmes et des hommes, universitaires, enseignants, chercheurs, libraire, artistes et étudiants qui ont fait de ces journées, une célébration mémorable.


Amina Chenik, (Spécialiste en littérature et civilisation françaises) et Haithem Haouel

Pascal Quignard à Tunis : Quignard et la Méditerranée
Conjoncture économique critique: La menace plane
REPORTAGES3 / 12 / 2023

Conjoncture économique critique: La menace plane

Deux nouvelles ont retenti cette semaine sur les réseaux sociaux, ébranlant l’univers des arts et de la culture : la fermeture définitive de la salle de cinéma Amilcar à El Manar, après 8 ans de bons et loyaux services, et l’annulation de Mûsîqât, manifestation musicale tout aussi importante. Deux disparitions regrettables, révélatrices d’une détresse économique.


L’endroit et le rendez-vous musical possèdent leur public. Une notoriété acquise depuis bien après 2011. Le Cinéma Amilcar est opérationnel depuis 2015, sous l’égide du distributeur de films tunisiens «Hakka Distribution». Composé d’un noyau de jeunes passionnés, cinéphiles, engagés, «Hakka» est parvenu à créer une dynamique nouvelle dans le secteur cinématographique à travers la gestion d’au moins deux autres salles en Tunisie, celle de Menzel Bourguiba, et Cinémadart Carthage. Les salles prônent un cinéma tantôt commercial, tantôt indépendant, très varié. Cinéclubs, rencontres, masterclass, évènements musicaux, ciné-concerts ont fait partie intégrante de leur programmation. Cette salle était la plus prisée du côté d’El Menzah-Manar-Mutuelle-ville, et même du centre-ville de Tunis. La voir disparaître est une perte pour le cinéma, dans une époque où les salles se font rares.

Le communiqué est posté sur les réseaux par l’équipe «Hakka». L’équipe informe que le 12 mars 2023, la salle fermera ses portes. «Annonce importante, après une magnifique aventure qui a commencé depuis octobre 2015, notre collaboration avec la salle Amilcar se termine. Nous fermerons à partir du dimanche 12 mars et rendons la salle à ses propriétaires (…) Nous appelons les autorités compétentes et particulièrement le ministère de la Culture à se pencher sérieusement sur la situation des salles de cinéma. Ce secteur continue d’exister grâce au courage des exploitants et à leur passion, mais l’Etat doit prendre ses responsabilités pour préserver et faire avancer ce secteur, pilier majeur de la vie culturelle en Tunisie. L’aventure Amilcar s’achève là, mais notre dévouement aux auteurs tunisiens et aux cinéphiles se poursuit au Cinémadart Carthage et au Métropole à Menzel Bourguiba». Lit-on dans cette annonce.


L’équipe tente d’attirer l’attention des autorités et du ministère de la Culture, quant à la dégradation des salles de cinéma et de l’importance de les garder. Les exploitants rendent la salle à son propriétaire, après avoir essayé de surmonter les aléas économiques des deux dernières années, causées par la pandémie. La conjoncture globale du pays reste très critique. Cette volonté collective de maintenir et de sauver le lieu s’est dissipée, face à un ministère de la Culture indifférent, peu réactif. L’entretien des machines et du matériel n’est plus faisable. Les multinationales s’imposent également dans le paysage : elles possèdent une autonomie financière et ont davantage de moyens pour garantir leur fonctionnement. La concurrence est rude et les salles tunisiennes indépendantes voient de nos jours leur pérennité sérieusement menacée. Amilcar a consacré sa dernière semaine à un public désireux de (re)découvrir les plus grands films qui ont fait le succès de l’année 2022. Un marathon qui clôt en beauté un lieu dont on se souviendra longtemps. *


Une manifestation musicale à l’arrêt


Mûsîqât, évènement prisé et fédérateur de la scène musicale tunisienne, n’aura pas lieu aussi cette année. La nouvelle a déçu les plus mélomanes, public, musiciens et passionnés. D’après le communiqué de presse, repris par l’agence TAP et d’autres médias locaux, nous pouvons lire :

«Le Festival Mûsîqât, événement phare de la scène musicale traditionnelle et néo-traditionnelle, ainsi que de la musique du monde, ne pourra malheureusement pas être organisé cette année encore..."

Créé en 2006, en co-production entre Scoop Organisation et le Cmam, le Festival Mûsîqât a été le premier PPP culturel. Après plusieurs années de programmation de qualité, la direction du Cmam a finalement décidé de ne plus allouer de budget, malgré l’obligation contractuelle de cette institution de prendre en charge le budget artistique.

Malgré les efforts des co-organisateurs, le ministère des Affaires culturelles n’a pas réagi aux différentes sollicitations et problèmes persistants dans le secteur, probablement trop occupé (ou préoccupé) par la bonne douzaine de festivals qu’il gère et finance directement, faisant ainsi de l’ombre aux initiatives privées.

Les années 2022 et 2023 auraient dû être les années de reprise de Mûsîqât, mais il faut maintenant se faire une raison : la politique culturelle en Tunisie a d’autres préoccupations et objectifs.

"Nous sommes profondément attristés de ne pas pouvoir vous proposer une nouvelle édition de Mûsîqât cette année, mais nous tenons à remercier tous les artistes et les partenaires qui ont contribué à faire de cet événement un beau succès au fil des ans. Nous espérons que la situation évoluera favorablement et que le Festival Mûsîqât pourra renaître, probablement différemment, dans le futur pour le plus grand plaisir des amoureux de la musique traditionnelle et néo-traditionnelle ainsi que de la musique du monde». Lit-on dans le communiquée.

Deux disparitions provoquées par une politique culturelle précaire, fragilisée, au plus haut point, une crise économique suffocante, et sans doute par les conséquences de la pandémie. Prémices d’une agonie inévitable ?

Conjoncture économique critique: La menace plane
L’Indigo club à l’Enau: Un élan dynamique
REPORTAGES2 / 5 / 2023

L’Indigo club à l’Enau: Un élan dynamique

«Le Pavillon Bleu», espace d’échange et de partage, conçu au sein de l’Ecole nationale de l’architecture et de l’urbanisme (Enau) de Tunis, ne cesse d’abriter des expositions photos, des œuvres, et permet aux étudiants de l’école, en particulier, de découvrir des travaux élaborés autour de l’architecture ou des arts visuels. Focus!


A la tête du club Indigo ? Un comité directeur, formé par la présidente Aya Sellami, et Amine Maatouk, vice-président, tous les deux étudiants en 3e année architecture, entourés d’une quarantaine de membres. Ensemble, et en équipe, tout un noyau estudiantin, appartenant à une seule génération, se fraye actuellement son chemin, en garantissant une pérennité durable pour le club, malgré les difficultés.

S’unir autour d’une idée

L’Indigo Club a émergé afin d’affiner cette soif de création et d’activités chez les jeunes étudiants. L’Enau est d’ores et déjà réputée pour sa vie estudiantine foisonnante découverte au fil des générations. Les idées innovantes qui visent à améliorer l’état des lieux de l’Ecole n’ont cessé de fleurir, dont celle de créer «Le Pavillon bleu», lieux d’expositions, de réflexions, de partages, aux murs bleus-Indigo, qui accueille différents événements depuis quelques mois. Mais quand on remonte le temps, rien qu’un peu, ce club du même nom a émané d’une curiosité entre étudiants commune et très persistante.


Le noyau, qui, au départ, était composé de 6 personnes, a été soutenu par leurs deux professeurs et architectes «Narjess Abdelghani» et «Alia Belhaj Hamouda». Officiellement depuis une année et demie, la dynamique estudiantine a donc pris forme, émanant d’une volonté propre à ses étudiants ambitieux et au corps enseignant. L’Indigo Club s’est distingué grâce à ses activités culturelles et artistiques dans un écosystème de clubs déjà très présents dans l’enceinte de l’Enau, et qui travaillent sur d’autres disciplines et centres d’intérêt, comme le cinéma et l’entrepreneuriat.

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Les évènements sillonnent l’Enau


«Initialement, le projet du “Pavillon Bleu” a vu le jour suite à la proposition de notre enseignante “Narjess Abdelghani”. On tenait à avoir cet espace puisque déjà on organisait des expositions mais éphémères. On s’est dit autant créer un espace permanent d’échanges, un lieu d’exposition, et sa plateforme. Ainsi, nous arriverons à valoriser les travaux des étudiants et à rendre l’architecture accessible au monde extérieur». Explique Aya Sellami, la présidente. «Le club prône des valeurs comme Valorisation (de travaux des étudiants), Interaction (entre étudiants, professionnels, spécialistes et professeurs) et Epanouissement culturel. Une culture connectée étroitement à l’architecture», souligne Amine Maatouk, le vice-président.


Il est aussi à rappeler que le comité du «Pavillon Bleu» est composé de professeurs, et de toute une équipe jeune dont Yacine Ayeb, étudiant en architecture et qui a participé à l’emergence du projet. L’Indigo a mis en place 4 catégories qui sont : «Un architecte, une œuvre» et qui se déroule sous la forme d’une conférence et d’une exposition de travail de l’architecte invité, étranger ou tunisien. La 2e est baptisée «Un livre, pour un architecte» (Philosophe ou chercheur). La 3e est consacrée aux conférences et quant à La 4e, elle s’ouvre sur les expositions. Des catégories qui visent à nourrir cette pensée autour de l’architecture. «Nous agissons comme une vitrine qui fait défiler la richesse de l’école, qui l’expose, qui la valorise», commente le vice-président. L’accès aux activités reste ouvert à tout le monde et le club communique à travers des dépliants, affiches et les réseaux sociaux. Dernière venue en date ? Une conceptrice-lumière japonaise nommée Akari Lisa Ishii, qui a donné une conférence importante au sein de l’école et a exposé ses photos. L’événement a été soutenu par l’Enau et l’ambassade du Japon. Le club l’a accueillie.

L’Indigo Club poursuit son travail grâce au soutien de l’Ecole, même si, au départ, s’imposer et lancer les activités n’a pas été facile. Le travail accompli par ce groupe d’étudiants est, certes, prenant, mais il reste passionnant et va de pair avec leur cursus universitaire.

Parmi les accomplissements de l’Indigo : l’évènement «Rihla», qui était plus orienté vers des débats et des conférences. La conférence-exposition de Feriel Lajri, architecte spécialiste tunisienne qui s’est adonnée à un partage fructueux de savoir. L’enseignante universitaire Alia Belhaj Hamouda chaperonne la scénographie. «Nos enseignants nous soutiennent et nous poussent à développer nos conceptions et nos idées de bout en bout». Déclarent Aya Sellami et Amine Maatouk.

Un cycle sur le «Logement» est attendu pour le mois de février 2023 et qui sera marqué par la participation d’une architecte française en visio-conférence et d’autres conférenciers en présentiel. Le cycle a été précédé par l’arrivée d’un autre architecte le 1er février. Plus de détails seront affichés en ligne sur Facebook et Instagram.


Crédit Photos : Alia Bel Haj Hamouda et Feriel Mesbeh

L’Indigo club à l’Enau: Un élan dynamique
Livre Plus à Hammamet : L’adresse studieuse
REPORTAGES12 / 30 / 2022

Livre Plus à Hammamet : L’adresse studieuse

Du matin jusqu’au soir, 7/7, «Livre Plus» accueille adolescents, collégiens, lycéens, mais aussi adultes, depuis son ouverture. Se retrouver au milieu des livres pour réviser ou lire, dans un cadre aussi convivial, n’est pas courant dans cette zone touristique.


Situé en plein centre-ville, dans l’ancien centre commercial de Hammamet (autrefois très prisé), un ancien artisanat est désormais converti en adresse dédiée aux bouquins nouveaux… à acheter, mais également à consulter sur place. Fort attractif par sa calligraphie, faite tout en couleurs sur sa façade, et sa signalétique, en vert, posée au bon endroit, «Livre Plus» draine une clientèle, majoritairement jeune à l’affût du moindre endroit où se poser pour étudier ou réviser… Loin des cafés enfumés, ou de la bibliothèque «vieillot» de la ville.


Erige H., 19 ans, tient à y être presque tous les jours, surtout en pleine période des vacances/révisions du mois de décembre. «On travaille mieux ici, plus qu’ailleurs. Le cadre est convivial, motivant, c’est sans fumeurs, la musique berce en douce, les livres renforcent cette ambiance studieuse, et les cafés, jus et autres sucreries ne sont pas chers. L’Internet marche bien». Déclare l’étudiante en première année, dont l’opinion fait écho à de nombreux autres adhérents. Ce café littéraire et culturel se compose d’un espace d’accueil principal, avec livres et petits tableaux, et couleurs qui occupent et donnent vie aux murs. Un accès par des escaliers, à un étage au sous-sol, est bien plus calme, loin du brouhaha. Il ressemble davantage à une bibliothèque classique, et où c’est plus plaisant d’y être… mais en silence.


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Les livres disponibles sont nouveaux : classiques, sorties nouvelles, fantaisie, best-sellers sont à se procurer ou à lire sur place. L’espace permet à sa clientèle de consommer et d’y être, normalement, au quotidien. Des abonnements peuvent aussi se faire à 40 dt le mois, avec 10% sur la consommation et l’achat des livres (une formule plus économique).


Le lieu a accueilli un café littéraire autour de la migration clandestine, organisé par l’association JAT Hammamet, animé par la journaliste Zeyneb Gueddiche et en présence de l’acteur Mhadheb Rmili. Ce dernier, étant l’un des acteurs principaux de la série tunisienne «Harga» dans ses deux saisons, et qui a traité de cette thématique épineuse et plus que jamais d’actualité. Un débat s’est déroulé avec les jeunes présents, et d’autres évènements de cette envergure auront lieu pendant l’année 2023. «Livre Plus» est visible sur les réseaux sociaux et est une richesse dans une cité où la vie culturelle manque de dynamisme. Il peut accueillir étudiants, adultes de passages, employés, ou adeptes du télétravail.

Livre Plus à Hammamet : L’adresse studieuse
«Mon Identité» à l’ASM de Hammamet : Créativité naissante
REPORTAGES12 / 29 / 2022

«Mon Identité» à l’ASM de Hammamet : Créativité naissante

Sur une dizaine de jours, visiteurs de passage et citoyens hammamétois ont pu découvrir les tableaux d’un groupe de 6 artistes méconnus, mais désormais émergents. Ils ont la vingtaine, sont étudiants, issus des beaux–arts, et ensemble, ils ont fait de leur passion pour la peinture et de leur savoir artistique une exposition collective titrée « Mon identité ».


C’est sous la houlette de « l’Association Amis Dar Sebastian » que les artistes exposants Aymen Nbili, Nihel Sayenni, Zino Maayoufi, Anas Fajraoui, Amessi Ferchichi et Belhassen Oueslati ont pu présenter leur travail en accès libre à leur entourage, y compris académique, mais aussi à un public plus large et à des citoyens de Hammamet. « Mon identité » s’est tenue à l’ASM (Association de la sauvegarde la Médina) de Hammamet. Son emplacement stratégique en plein centre a drainé du monde. L’association organisatrice « L’association Amis Dar Sebastian », n’ayant pas pu s’organiser à « Dar Sebastian » même, a dû opter pour un autre endroit, qui épouse tout autant la thématique de l’exposition.


L’événement s’est lancé en présence d’un musicien violoniste et d’une ribambelle d’invités. A travers une mini-déambulation dans l’enceinte de l’ASM, le visiteur parvient à cerner rapidement le thème récurrent au fil de quelques tableaux. Il s’agit d’un hommage à la ville, à travers une réesquisse de ses paysages les plus emblématiques, de sa médina arabe, de ses ruelles. Nous rencontrons quelques silhouettes qui nous sont familières, ou qui rappellent d’autres profils qu’on a pu connaître en vrai ou dans d’autres œuvres. «Mon Identité » laisse libre cours aux inspirations.


A travers le graphisme, la peinture et le design, les 6 artistes ont redoublé d’effort afin de pouvoir exposer ce qu’ils tenaient à montrer à temps. Pour bien clôturer l’expo, un atelier d’initiation pour les enfants et pour les jeunes à la pratique des arts s’est déroulé dans l’enceinte de l’endroit, chapeauté par Nihel Sayenni, une des participantes.


Les 6 artistes participants préparent en ce moment même masters et doctorats. C’est dans le cadre d’une activité de « l’Association Amis Dar Sebastian » qui œuvre pour l’organisation d’activités culturelles et artistiques au sein des établissements scolaires dans la région, qu’ils ont été repérés et rassemblés autour de « Mon Identité ». Les artistes ont déjà participé à des expositions et événements divers. Ensemble, ils ont conçu l’affiche, la thématique et l’atelier qui a suivi.

«Mon Identité» à l’ASM de Hammamet : Créativité naissante
«Al Kitab-Mutu» : Plus qu’une librairie, un lieu de vie !
REPORTAGES12 / 24 / 2022

«Al Kitab-Mutu» : Plus qu’une librairie, un lieu de vie !

L’édifice ne manquera pas de taper dans l’œil des passants. La 3e librairie «Al Kitab-Mutu», située en plein centre du quartier de Mutuelleville-Tunis, est désormais accessible aux clients, passionnés d’expositions d’arts, et d’intellectuels, à l’affût de nouveautés littéraires.


Dans la lignée d’«Al Kitab-Avenue Habib-Bourguiba, Tunis», et «Al Kitab-La Marsa», cette troisième adresse voit le jour, en ayant une structure nouvelle, plus spacieuse, réservée à d’autres activités : expositions de tableaux, clubs divers à vocation culturelle et artistique auront lieu désormais sur place et l’espace est conçu afin de tout abriter, y compris la vente importante de livres. Ce même univers s’étend et devient ainsi plus attractif, de par sa conception et son contenu. Cette adresse unique tend, en effet, à faire évoluer le concept de librairie, et le présente comme étant un espace de vie fait de zone d’animation, de galerie et de café.

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L’enseigne «Al Kitab» ambitionne de concevoir un lieu de vie qui rime avec art et accès aux livres, à faire perdurer l’histoire d’Al Kitab (qui dure depuis 1967) et tient à être en phase avec son époque, à se distinguer. Cette nouvelle adresse dynamisera le secteur du livre en Tunisie, aux prises souvent à des difficultés.

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Une douzaine de personnes veilleront à dynamiser le lieu, qui s’étend sur 400 m2, constitué de 3 étages, consacrés à la vente de livres, aux expositions artisanales et artistiques et à un «Rooftop», qui fait office de café/restaurant. Priorité à la langue française : «Al Kitab-Mutu» met à la disposition de sa clientèle 75% d’ouvrages en langue française, 15% en langue arabe, 8% en anglais et 2% en d’autres langues. 40 rayons en tout sont consacrés à la vente d’ouvrages : près de 250 éditeurs y seront visibles. Cette nouvelle Mecque du livre est désormais ouverte 7/7 jours. Sa conception est moderne : elle répond à des normes internationales et à des attentes, dans l’air du temps. Au moins, 4 événements ponctuels verront le jour chaque semaine : la programmation oscillera entre dédicaces et présentations de livres, expositions d’art et de tableaux, conférences, vernissages, ateliers, y compris pour les enfants. Le lieu sera visible sur les réseaux sociaux. Il vise à être au maximum attractif, et soutient la vente de livres sur place, plus que l’achat en ligne. Gérants / propriétaires de l’endroit cassent ainsi avec le format classique connu des librairies, et en font un lieu de vie. Toute la programmation en continu est présentée sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram.

«Al Kitab-Mutu» : Plus qu’une librairie, un lieu de vie !
L’Harissa, inscrite au patrimoine immatériel : Du piquant à l’UNESCO
REPORTAGES12 / 11 / 2022

L’Harissa, inscrite au patrimoine immatériel : Du piquant à l’UNESCO

Produit phare typiquement tunisien, connu dans le monde entier, l’harissa fait sensation en l’intégrant dans le patrimoine immatériel de l’Humanité. Piquante et relevée, elle tire son origine des piments séchés au soleil. 100% tunisienne, son succès n’a cessé de retentir à travers l’histoire, celle de la Tunisie, et ne passe sûrement pas inaperçue dans différents plats et recettes.


Le 1er décembre 2022 est désormais une date historique : l’Unesco a, en effet, fait honneur à l’Harissa en l’inscrivant dans son patrimoine immatériel de l’Humanité. Une consécration souhaitée depuis longtemps, et désormais assouvie. « L’harissa, savoirs, savoir-faire et pratiques culinaires, sociales et millénaires », cite le comité à la tête du patrimoine immatériel de l’Humanité lors de l’annonce de cette nouvelle. Ce même comité valorise des us, coutumes, et des pratiques ancestrales uniques, à travers toutes les sociétés du monde, bien plus que les produits matériaux. La fameuse harissa conserve sa saveur unique grâce à l’huile d’olive et possède un goût meilleur grâce aux épices 100% locales et à ses piments séchées au soleil, particulièrement piquants.


Ce produit culinaire inestimable pour la Tunisie peut s’inviter dans de nombreux plats tunisiens : elle fait le bonheur des invités de la Tunisie ayant une connaissance culinaire autre, et est utilisée par des restaurateurs et chefs cuisiniers. Ce condiment s’exporte facilement et depuis longtemps à travers le monde et est considéré comme ingrédient, souvent incontournable. Sa saveur est unique et est représentative de l’identité d’un pays. L’harissa raconte un patrimoine culinaire national. Des villes, connues en Tunisie pour leur récolte des piments, la produisent, en lui insufflant un goût différent, propre à chaque région. Le Cap Bon, ses petites villes, et sa grande ville Nabeul sont connus pour leur harissa prisée par les touristes et les Tunisiens eux-mêmes.


Un dossier de candidature bien fourni, présenté auprès de l‘Unesco, a valorisé ce produit national. Il cite son importance dans la cuisine tunisienne courante, le plus souvent préparée par des femmes. L’harissa rime avec convivialité, célébrations, et entretient l’esprit communautaire.


Son histoire remonterait au XVIIe siècle. C’est à ce moment-là que l’exploitation du piment a commencé à s’ancrer en Tunisie jusqu’à sa déclinaison en purée piquante. L’appellation même de l’harissa provient du verbe arabe «harrasa» qui veut dire broyer ou écraser.


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La liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité compte actuellement plus de 530 éléments inscrits, dont 72 qui restent à sauvegarder d’urgence, selon l’AFP. Adoptée en octobre 2003 et ratifiée par 180 pays, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel promeut la sauvegarde des connaissances et savoir-faire nécessaires à l’artisanat traditionnel, et les pratiques culturelles transmises de génération en génération, comme les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, sans oublier les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers. Cet ingrédient est à consommer avec modération, trop de piquant tue le goût et peut avoir un mauvais effet sur la digestion. Il existerait même une Harissa sucrée, typiquement tunisienne aussi, mais ça, c’est une autre histoire…

L’Harissa, inscrite au patrimoine immatériel : Du piquant à l’UNESCO
Programme «Qismi Al Ahla» : Développer l’éveil artistique chez les écoliers
REPORTAGES12 / 5 / 2022

Programme «Qismi Al Ahla» : Développer l’éveil artistique chez les écoliers

L’effet escompté chez les écoliers s’est fait sentir lors d’une visite peu ordinaire effectuée à l’école primaire «El Marr» à Tunis. Toute une salle, au sein de l’école, a été transformée pour le plus grand bonheur des petits. «Qismi Al Ahla» (Ma classe est la meilleure) poursuit sa route.

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C’est à l’école «El Marr» à Tunis, située derrière le ministère de la Défense, qu’un groupe de visiteurs a été accueilli et par le corps administratif de l’école, par les élèves, et par quelques responsables à la tête de ce programme qui vise «à créer démocratiquement la meilleure salle de classe», comme c’est présenté. Ce projet, qui est à vocation sociale, est concrétisé sous la houlette de l’Association l’Art Rue.


S’investir dans les écoles primaires


Le programme vise à accompagner et à soutenir financièrement des associations locales, ou régionales afin de créer des espaces dédiés à la pratique des arts au sein des écoles primaires publiques et à fournir par conséquent un endroit rénové pour les écoliers, situé au sein même de leur établissement, leur permettant ainsi d’apprendre, tout en s’amusant. Une initiative qui a porté ses fruits par le passé et qui continue à être impactante.

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Club de théâtre, jeux de société, activités en groupe, projections, activités manuelles, musique peuvent être pratiqués au sein de cette classe. Un espace stimulant, qui entretient l’éveil artistique juvénile : autonomie, créativité, passions, imagination, doté d’un espace vert. L’expression artistique s’apprend dès l’enfance, et la classe est conçue pour. L’art à la portée des enfants–écoliers, telle est la devise de ce projet doté d’un programme d’accompagnement, d’objectifs précis à atteindre, d’un soutien financier et d’un protocole. Les associations engagées peuvent s’investir dans les écoles primaires et permettre l’élaboration de ce programme dans les écoles primaires de Tunis et des régions. Le cas «D’el Marr» est une simulation.

Programme «Qismi Al Ahla» : Développer l’éveil artistique chez les écoliers
«Alaïa avant Alaïa » à Dar Alaïa , Sidi Bou Saïd : Hommage à un génie créatif
REPORTAGES12 / 4 / 2022

«Alaïa avant Alaïa » à Dar Alaïa , Sidi Bou Saïd : Hommage à un génie créatif

L’exposition rétrospective «Alaïa avant Alaïa» retrace la jeunesse et l’enfance d’Ezzedine Alaïa. Elle revient sur sa naissance à Tunis, son départ pour Paris en 1956 et annonce son ascension progressive et fulgurante au fil des décennies, en tant que couturier-créateur de renommée mondiale.


Discrétion, finesse, justesse et une infinie sensibilité ont façonné et façonnent toujours l’œuvre et son maître. Auparavant et jusqu’à sa disparition, ses créations ont sublimé et épousé la silhouette d’une large pléiade de personnalités et de stars mondialement connues. Sculpturales et enveloppantes, elles ont, durant toute une vie, brillé de mille feux dans les occasions, les mondanités et les défilés de mode les plus connus dans le monde. L’exposition nous le relate bien à travers des photos anciennes, privées, familiales, mais également à travers celles qui immortalisent ses apparitions publiques aux côtés des grandes stars, et d’autres remarquables, capturées dans toutes les métropoles.

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Un court-métrage de 8 mn permet aux invités présents de regarder un reportage / entretien filmé avec le jeune Ezzedine Alaïa, s’adonnant à des confidences sur son enfance, racontant sa tendre jeunesse passée à la Médina de Tunis, une partie de sa vie dans les Beaux-Arts de Tunis jusqu’à son envol pour la capitale des lumières. Le film court évoque références, techniques de couture, personnes et personnalités qu’il a habillées à l’époque, jusqu’aux années 80, mettant ainsi davantage en lumière la genèse de son génie créateur.


Textes courts, éclairants, informations édifiantes, cartels, dates clés et personnalités amis, que le styliste affectionnait particulièrement, jalonnent les murs de son havre de paix, une demeure, perchée sur les hauteurs de Sidi Bou Saïd, à la vue imprenable sur la Méditerranée. Ce lieu ensorcelant met encore en lumière le parcours unique et éclectique d’Alaïa… Chez lui. Cette maison rappelle ses origines, son pays natal, ses racines. Construite en 1986, l’artiste y passait le plus clair de son temps. Connue sous l’appellation courante «Dar Alaïa», elle est désormais reconvertie en lieu d’exposition, consacrée à l’œuvre et à la vie d’Alaïa. Sept créations à lui y sont exposées : elles ont été créées au début de sa carrière.


Nous apprenons, au fil de cette rétrospection, que le créateur passait son temps à habiller ses proches amies, devenues ses muses comme sa sœur Hafida, son amie Latifa, Nicole de Blégiers ou Leila Manchari, avant d’inspirer un nombre incalculable de personnalités à travers le monde. Greta Garbo, Louise de Vilmorin ou Arletta l’ont fait connaître dans les plus hautes sphères sociales. Grace Jones, Tina Turner, Naomi Campbell, Farida Khelfa et bien d’autres ont traversé la vie de Alaïa.


Le portrait d’un créateur, à la fois discret, mais éclatant de talent, est raconté dans «Alaïa avant Alaïa», une exposition, hommage déjà présentée à Paris et désormais accessible à Tunis-Sidi Bou Saïd jusqu’en mai 2023. Une exposition qui a puisé dans les archives de la fondation Alaïa et qui fusionne citations du créateur, hommages photographiques, témoignages. L’expo prend une dimension plus intime puisqu’elle se tient dans sa maison : elle est truffée de détails et lève le voile sur les nombreuses personnes et personnalités qui ont accompagné Alaïa depuis sa naissance jusqu’à l’éclosion de sa carrière. Davantage de créations exposées auraient donné plus d’ampleur à l’exposition. Pour les connaisseurs, intéressés par la vie d’Azzedine Alaïa, un des pionniers de la mode mondiale, un détour en accès libre à Dar Alaïa est recommandé.


Dar Alaïa à Sid Bou Saïd (Crédit Photo : Sylvie Delpech)

«Alaïa avant Alaïa » à Dar Alaïa , Sidi Bou Saïd : Hommage à un génie créatif
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