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Statut de l’artiste: Les langues se délient
PORTRAITS / PÊLE - MÊLE 1 / 8 / 2021

Statut de l’artiste: Les langues se délient

Bien avant la crise du covid-19, le statut de l’artiste suscitait déjà débats et revendications. Textes de loi vus et revus, et décisions en perpétuel report sont restées en suspens. La concrétisation tarde à venir et le flou s’est étalé davantage en pleine tourmente sanitaire et politique. Exercer en ayant une carte professionnelle et revoir le statut de l’artiste restent de mise.


Copyright photo de Benjemy : Emna Jaidane


Ahmed Benjemy, artiste-musicien :


«A une certaine période, concernant la carte professionnelle, les autorités l’ont remise à des artistes professionnels en y ajoutant des prérogatives : c’est comme si le travail s’est fait à l’envers. Même s’ils voulaient s’inspirer du système français, ce n’est pas comparable : en France, quand un concert ou un évènement s’organise dans le cadre d’uns structure légale, tout est réglementé … Ici, tout se fait à l’arraché, en improvisant, en contournant : on se débrouille pour la sono, la vente se fait en ligne ou autre… Avec la carte pro, le secteur peut mieux se structurer, évitant ainsi les débordements. La carte professionnelle peut mieux servir quand le statut de l’artiste s’éclaircira davantage.


«A travers les gouvernements qui se sont succédé, rien n’a été fixé, ou maintenu concernant le statut de l’artiste dans sa globalité. Il y a un problème grave de communication au niveau des institutions. L’année dernière, des régimes liés à l’assurance sociale ont été évoqués, et à travers la carte pro, on pouvait mieux régler notre statut, gérer sa patente… juste avant la crise du covid-19 qui a tout bloqué. Une démarche qui n’aura servi à rien, de toutes les manières, dans un contexte sanitaire aussi grave… Après, il n’y a pas eu de suivi, ni de rappel. Les caisses de subvention doivent être mieux contrôlées. Les projets musicaux sont subventionnés à la va-vite et attribués à des gens qui ne sont pas productifs ou qui ne créent pas depuis longtemps. Les appels à candidature pour les subventions se font dans de couloirs obscurs, on n’en entend même pas parler … tout est encore flou, il n’y a rien de concret autour de ce statut. »


Neysatu – Badiaa Bouhrizi, chanteuse autrice-compositrice– interprète :


« La carte ‘‘professionnelle’’ » ne rime pas avec professionnalisme, selon moi. D’après la loi élaborée autour de cette carte, en tant qu’artiste, pour l’obtenir, il suffit d’avoir un nombre de contrats à son actif, ou bien passer un test de niveau. J’ai essayé auparavant de procéder ainsi … rien de tout ça n’a été pris en compte ou n’a été appliqué. Je m’étais adressée au commissariat régional parce que la loi le stipule noir sur blanc… en vain. La définition de ‘‘professionnel’’ est que l’artiste vit de son art : c’est son gagne-pain. Qui sont ces gens, désignés pour nous juger ? Selon moi, cette carte ne sert à rien… sauf dans le cadre de coopérations, dans des instituts culturels, ou dans des ambassades, ou en cas de contrôle policier.


«Cette carte est un outil de contrôle… comme celle utilisée par un auto-entrepreneur. C’est un statut vague. Pourquoi demander un cahier des charges à un artiste ? Ainsi, jusqu’à maintenant, à part contourner, on n’a pas de statut défini pour l’artiste spécifiquement. S’il y a des réformes à faire, ça serait éclaircir le statut en urgence. On est au ralenti … j’aurais bien aimé gérer ma carrière comme une entreprise, mieux que de devoir adopter un cahier des charges ambigu ou de lancer une société de services ».


Kamel Ring, musicien de rue :


« La carte professionnelle, de nos jours, est montrée par des artistes pour dire qu’on l’est. On dirait que sans cette carte, l’artiste ne l’est pas. Elle sert à avoir son visa, c’est possible … Sinon, certains la possèdent alors qu’ils n’ont rien à voir avec le domaine artistique : Ils l’ont achetée. Pour la carte d’identité, oui, le statut de l’artiste est mentionné grâce à cette carte dite pro. Par ailleurs, quand on a une opportunité de travail, certains recruteurs l’exigent et veulent savoir s’ils sont face à ‘‘un professionnel’’ selon leurs normes ou pas. Aux yeux de certains, c’est cette carte qui détermine l’artiste pas forcément son art. Pour l’assurance sociale, elle renforce. Personnellement, en tant qu’artiste, j’ai eu mon certificat « Busker License », qui me permet de me produire dans les rues de toutes les villes du monde entier sous la protection de l’Association mondiale de défense des droits des artistes de rue. Même quand je me fais embêter par la police, c’est ce que je présente en contactant l’association, et celles et ceux qui m’ont octroyé le certificat. En Tunisie, notre statut, on se le forge encore, en improvisant ».

Statut de l’artiste: Les langues se délient
Entretien avec Thomas Egoumenides, Artiste : «Il s’agit d’un travail sur l’esthétique qui vise à changer le regard des gens »
ENTRETIENS12 / 29 / 2020

Entretien avec Thomas Egoumenides, Artiste : «Il s’agit d’un travail sur l’esthétique qui vise à changer le regard des gens »

«Rascal» en tunisien, c’est «réutiliser». En ancien français, c’est «Rescaille», «une variante de rebut» ou «ce qu’on a rejeté». Thomas Egoumenides, designer et son équipe de jeunes Tunisiens ont achevé leur résidence artistique grâce à l’Art Rue, donnant naissance ainsi à l’atelier «Rascal Tunis», situé en plein cœur de la Médina dans une ancienne bâtisse abandonnée. L’atelier a été ouvert au public sur trois jours et se développe autour du design et de la valorisation des déchets dans la Médina de Tunis et ses environs. Thomas Egoumenides, son concepteur, nous en parle davantage.


«Rascal» paraît être un projet engagé à vocation écologique. Peut-on le définir ainsi ?


Justement, pour commencer, il est primordial pour moi de ne pas le définir ainsi : en disant qu’il est juste «Ecologique». Je n’aime pas trop ce terme parce que je trouve que c’est un «fourre-tout». Il s’agit d’un projet plutôt «Logique» (rires). Sans le préfixe «Eco» donc. La cohérence, en effet, compte. Pour moi, le mot «Ecologie» est très large.


En d’autres termes, quelle est donc la genèse de «Rascal Tunis» ?


Je suis designer depuis des années. J’ai commencé avec «Flayou» en Tunisie. Il est difficile au fil du temps de ne pas être sensible aux déchets, à la pollution visuelle, à la surconsommation. A un moment, ma question, c’était : est-ce qu’on ne peut pas donner une 2e vie à cette matière ? Est-ce qu’on ne devrait pas plutôt cesser de culpabiliser ? Faire son rôle de citoyen ? Faire le tri, emballé, ne plus user des plastiques ? etc. Après tout, ce sont finalement les politiciens qui ont la mainmise sur des problématiques qui échappent aux citoyens. De mon côté, je ne suis pas là pour pointer du doigt n’importe qui, par contre on ne pourra se demander si c’est possible de recycler ces déchets, jouer avec, les considérer comme une matière rebut. Une matière rejetée par les industriels entre autres… après, autant la transformer ou s’en servir autrement. J’ai commencé de mon côté à travailler dessus quand j’avais le temps : j’ai exposé à l’événement «Bauhaus» l’année dernière, autour de cette problématique-là. J’ai participé à une expo à Sousse où j’ai présenté les travaux. Un appel à projets lancé par l’Art Rue arrivait au bon moment. Il s’agissait d’une résidence artistique. C’était une occasion à saisir. L’Art Rue a compris le projet et l’a soutenu. On a pu expérimenter ce laboratoire pendant trois mois.


Quand la résidence a-t-elle commencé ?


Elle a commencé officiellement en septembre. A partir du moment où j’ai été sélectionné, au mois de juillet, il y avait tout un travail préliminaire à faire en amont, de méthodologie, une mise en place du projet, la procédure, trouver un lieu, travailler avec la chargée projet, etc. On l’a terminé le 1er décembre 2020.


«Rascal Tunis» est-il participatif ?


Avec mon assistante Sarra Bouzgarrou, j’ai une bonne entente. Elle connaît bien mon travail. On a trouvé 5 jeunes de la Médina qui avaient entre 23 et 26 ans et qui avaient déjà travaillé sur une résidence auparavant de l’Art Rue. On a revu les profils, on les a rencontrés, afin de leur expliquer le projet. Ils étaient réceptifs. Le projet est collaboratif. Le but, c’est d’y travailler de la manière la plus horizontale possible. Leur faire découvrir une méthodologie de travail et une vision différente. Et qu’on cogite toutes et tous dessus. Je leur ai dit dès le départ qu’il fallait s’investir. Personnellement, j’avais déjà des outils que j’ai pu acquérir grâce à mon parcours. J’étais donc dans la transmission d’un savoir, toujours ensemble. On avait trois personnes en production et deux personnes en communication. Ce nom «Rascal», on l’a trouvé ensemble, et l’idée était qu’on pouvait maîtriser tout : la forme, le fond, la communication, tout en se formant sur terrain.


Pour le résultat final et la présentation au grand public, le 17 décembre 2020, de «Rascal Tunis», vous avez opté pour une maison abandonnée, totalement entretenue de nouveau. Pourquoi avoir choisi ce lieu en particulier et comment l’avez-vous trouvé ?


Dans le travail préliminaire, je cherchais un espace à investir. Celui-ci appartenait à l’INP. Je tenais à investir un lieu en entier et non pas une partie. On m’avait proposé «la Caserne», et d’autres lieux pour finalement m’arrêter sur cet endroit : doté d’un patio, et d’un espace en plein air, qu’on pouvait aménager avec d’autres salles. On a pu avoir une autorisation et le travail a commencé sur 3 mois. Le lieu était totalement abandonné, même si en 2017, sur place, il y a eu l’exposition de Malek Gnaoui, que le public a pu voir dans le cadre de «Dream City» et qui a eu pour thématique la prison du 9-Avril et ses prisonniers.


Pour toutes celles et tous ceux qui n’ont pas encore découvert «Rascal Tunis», pouvez-vous nous dire comment aura lieu la visite une fois sur place ?


Il s’agit d’un processus partagé et lié. Dans un premier temps, dans une pièce, on présente tous les matériaux, rebus. On les a sortis d’une benne, et on les a revalorisés de la manière la plus simple possible. C’est un travail sur l’esthétique qui vise à changer le regard des gens sur les déchets, notons-le. Ensuite, il y a eu 4 collections, avec des matières de déchets, des verres en plastique, créer à partir de bouteilles, des assises de mousse, de carton, du tissu refait. Au départ, il y a la présentation de la matière, de ce qu’on en fait et puis l’espace de travail, où on montre les machines qu’on avait utilisées, les techniques dans le but de montrer qu’on n’a pas besoin de s’investir beaucoup pour montrer les choses. Montrer qu’on n’a pas besoin d’être dans une usine pour créer les objets, par exemple. La dernière salle est sombre : on y présente les prototypes et les expérimentations sur la matière. Sur des choses qui n’avaient pas de fonctionnalités. Sur comment répond la matière et la transformer. En fonction des réponses, elle me donnera une idée sur ce qu’elle va devenir comme objet. Une projection autour de la résidence en collaboration avec Mira Hamdi, qui a écrit autour de la résidence. Je tenais à ce que des gens écrivent sur «Rascal». Mira a écrit un slam autour de la résidence. Et c’est important pour moi d’avoir des retours de gens qui ont suivi la résidence de l’extérieur. Plus de 200 personnes sont venues dans le respect du protocole sanitaire : grâce à l’équipe, on a pu être là pour les informer, les guider et que les collaborateurs jeunes puissent s’exprimer sur leur propre travail. Je voulais les mettre en évidence : les voir présenter eux–mêmes comptait. Ça reste un travail de groupe et l’implication de chacun est importante.


Comment « Rascal » pourra-t-il-durer dans le temps ?


On y réfléchit. Là, je vais me poser, prendre du recul, réfléchir à comment tout cela pourra se développer, autour de résidences, travailler davantage sur la matière, faire appel à des collaborateurs internationaux, organiser des formations, monter une équipe et entretenir cette réflexion de «Rascal» sur le temps et autrement. En janvier, on remet le couvert et on contactera des acteurs, en cherchant des fonds aussi. Il y a beaucoup d’opportunités. C’est important que les gens sentent l’intégrité du projet. L’expo pourra être déplacée à «Dar bach Hamba».

Entretien avec Thomas Egoumenides, Artiste : «Il s’agit d’un travail sur l’esthétique qui vise à changer le regard des gens »
Mara Fortunatovic, artiste du «Mono Zéro» : «Je tenais à créer ce sanctuaire, cette aura et révéler la beauté que peut offrir cet espace»
ENTRETIENS12 / 26 / 2020

Mara Fortunatovic, artiste du «Mono Zéro» : «Je tenais à créer ce sanctuaire, cette aura et révéler la beauté que peut offrir cet espace»

Le travail de Mara Fortunatovic se caractérise par sa (re)mise en valeur des formes et des volumes en usant d’un blanc éclatant et infini. Diplômée des Beaux-Arts de Paris, elle se spécialise dans les pratiques conceptuelles, créant un rapport nouveau et exprimant sa propre vision singulière d’un environnement. Après avoir investi et revisité divers lieux dans de nombreuses régions et pays, elle s’arrête à la Médina, en s’appropriant à sa manière le nouveau «Mono». Mara dévoile à La Presse son dernier accomplissement.


Pouvez-vous nous en dire plus sur ce «Mono Zéro» ?


A l’intérieur, il y a un cercle au sol et les arches : il y en a quatre, deux qui étaient déjà présentes, espacées et allongées. J’ai reproduit les deux arches déjà existantes au millimètre près en métal inoxydable et je les ai copiées en créant une sorte de profondeur afin de faire un transfert, un déplacement imaginaire multidimensionnel de la galerie, comme s’il y avait une porte qui pouvait se continuer : quand on est dans l’espace, on voit les quatre arches et l’ombre des lames qui surgissent des murs. On peut se les imaginer se terminer jusqu’au sol comme si c’était une continuité dans l’espace. Ce qui reste vraiment, c’est cette histoire d’architecture, de multidimensionnalité, d’ombre, de lumière et d’immersion du corps, du geste, du regard. Mon challenge était de ne pas utiliser la hauteur d’œil parce que c’est là où les prochains artistes vont exposer et que mon œuvre va rester «ad vitam æternam» : il fallait vraiment que j’intervienne au niveau du volume de l’espace, de sa hauteur. Mon travail est ancré sur la lumière, le «White cube», le plan, chercher où réside l’intervention de l’artiste, la limite entre la sculpture, la peinture, la scénographie, etc. C’est nouveau pour la Médina et c’est un défi pour moi de faire mes preuves ici.


Avez-vous procédé à un repérage avant ?


Bien entendu ! J’étais venue un an auparavant. Je suis venue pour parler avec l’équipe, mieux cerner le concept de ce «Mono» : on a fait le nécessaire avant. J’aimais bien cet aspect mystique, mais sans entrer dans aucune religion. Cette idée que quand un visiteur se fend dans n’importe quelle galerie, il faut qu’il entre dans cette sorte de méditation, se créer un miroir de soi, contempler et je tenais à créer ce sanctuaire, cette aura et révéler la beauté que peut offrir cet espace, en prenant les éléments de l’architecture, combinés à la volonté de créer quelque chose d’extrêmement propre, «White cube», moderne.


Comment peut-on parler de votre travail, où le présenter ?


Mon travail perturbe car il y a cette idée que l’artiste peut se permettre de ne pas montrer son talent de dessinateur, son geste. Il ne permet pas au spectateur de s’approprier un objet comme un tableau, par exemple, et de créer quelque chose qui appartient à la galerie, à un espace précis. Il y a cette dé-personnification, le vide et ce que c’est que cette peur du vide : j’aime que le corps soit pris en considération et que le spectateur prenne son temps lors d’une expo. Je me rappelle en 2013, lors d’une expo, il y avait des journalistes qui ne voyaient pas mes œuvres : ils étaient perdus (rires). La question autour de l’invisible, de l’effort, revient souvent. Prendre le temps qu’il faut pour voir en profondeur les œuvres et se révéler est important.

Mara Fortunatovic, artiste du «Mono Zéro» : «Je tenais à créer ce sanctuaire, cette aura et révéler la beauté que peut offrir cet espace»
Kamel Ring, musicien de rue : Artiste de rue à Tunis
PORTRAITS / PÊLE - MÊLE 12 / 11 / 2020

Kamel Ring, musicien de rue : Artiste de rue à Tunis

«Kamel Ring », jeune artiste de 22 ans, ne passe pas inaperçu dans les avenues et les rues de Tunis : il suscite émerveillement, curiosité et esquisse, sourires, airs joviaux chez les passants grâce à la «Street Music» ou la «Musique de Rue».


Muni de sa guitare Ibanez et du matériel nécessaire à une performance sono en plein air, le jeune Kamel attire la foule grâce à sa présence, une énergie décapante, une apparence attrayante—à l’image des idoles du moment—et une voix vibrante. L’artiste n’a rien à envier à des talents professionnels sur scène et c’est au centre-ville de Tunis et à la Marsa qu’il campe le plus souvent.


Kamel se lance dans des reprises en anglais actuellement très connues et prisées par un large public diversifié. Il est féru de pop anglaise et le clame sur les réseaux sociaux et via sa musique. La musique de rue, très peu d’artistes la pratiquent en Tunisie: des années plus tôt, certains d’entre ces pépites montantes ont même été malmenés par les autorités. Kamel Ring voudrait faire connaître cet art, plus connu dans des pays occidentaux sous l’appellation de «Buskers».


Des performances qui éveillent positivité et bienveillance de la part des passants : ces derniers s’empressent de laisser souvent des pièces de monnaie. Outre la passion, l’intention du jeune artiste est de casser avec l’idée que les rues de la capitale sont malfamées, mal fréquentées en commençant, selon lui, par les rendre beaucoup plus vivantes, belles, plaisantes, à travers la musique et la bonne humeur. Des reprises d’Ed Sheeran ou Lewis Capaldi retentissent et plaisent à son public grandissant.


Kamel Ring est passionné de musique anglaise mais cela ne l’empêche pas d’interpréter des morceaux en arabe et en tunisien comme des titres de Halim Yousfi. Grâce à sa guitare et ses pas de danse, il a su conquérir admirateurs et auditeurs. L’enregistrement de son prochain album grâce à «Bluebox Tunisie» est en cours. L’artiste est également suivi sur sa chaîne Youtube, Instagram et Facebook. Du haut de ses 22 ans, il a les atouts nécessaires pour faire de la «Street music» un talent récurrent visible dans nos rues.

Kamel Ring, musicien de rue : Artiste de rue à Tunis
Chokri Bouzayen, directeur de la 20e édition du festival de la chanson tunisienne : «L’esthétique de la chanson est essentielle…»
ENTRETIENS11 / 9 / 2020

Chokri Bouzayen, directeur de la 20e édition du festival de la chanson tunisienne : «L’esthétique de la chanson est essentielle…»

La 20e édition du festival de la chanson tunisienne aura bel et bien lieu du 30 mars au 3 avril 2021 sous la houlette du ministère de la Culture, avec à sa tête l’artiste et directeur Chokri Bouzayen. Un appel à candidature a été lancé pour permettre à la nouvelle vague d’artistes méconnus d’être au-devant de la scène et l’édition sera décentralisée. Rencontre en amont du redémarrage de la vie culturelle fortement impactée par la crise sanitaire.


Pouvez-vous nous en dire plus sur cette 20e édition en cours de préparation ?


Après des années d’absence, le festival est ressuscité, dans un aspect totalement nouveau, inédit et de notre temps. L’époque a beaucoup changé depuis son arrêt. L’espace où il aura lieu va permettre ce renouveau d’un point de vue «compétition» ou même «esthétique»: ça sera à «L’Opéra» de la cité de la Culture. Avec tout un comité, on est en train de faire en sorte déjà de promouvoir ce festival dans les régions. De nouvelles idées seront mises en place. D’autres comités désigneront des participants dans d’autres gouvernorats. D’autres spectacles se feront en parallèle avec l’édition dans les régions : 12 gouvernorats vont être inclus, 12 autres le seront l’année prochaine. Comme ça, tous les deux ans, on fera en sorte que tous les gouvernorats puissent participer. Des récompenses nouvelles sont mises en place au niveau des chansons choisies comme la réalisation de clips vidéos, le maintien de la compétition selon des thèmes et des genres musicaux : le patrimoine tunisien, chanson contemporaine, le «Moltazam», le soufi, le populaire… en privilégiant les jeunes talents qui seront au premier plan. Le renouveau, c’est cela ! Ça va être du goût de tout le monde.


La programmation a-t-elle déjà été établie?


Un appel à candidature a été lancé pour recueillir les participations, bien entendu. Il y en a qui ont postulé l’année dernière, parce qu’il était prévu que le festival se fasse avant la crise du coronavirus. Afin de mieux assurer la distribution de la chanson, on tient à la présenter autrement. D’une manière à ce qu’elle parvienne mieux au public. Ils ont jusqu’au 18 décembre pour participer.


Dans un contexte aussi glissant que celui du coronavirus, comment se déroule l’organisation ?


Une équipe logistique est en train d’être désignée et on a encore quelques mois encore pour tout préparer. On tient à l’organiser sur l’année. A n’importe quel moment, les participants pourront y participer. 45 ans dans le domaine, et je ne cesse de dire que la chanson devrait avoir du goût. Elle doit être belle à écouter et être présentée loin des démonstrations musclées. L’esthétique de la chanson est essentielle: elle ne doit pas être monotone, redondante. La beauté de la chanson doit résonner à travers des décennies. La salle de l’Opéra donnera une autre dimension au festival : la scénographie fera en sorte d’être attractive.


Si jamais la crise Covid-19 ne s’estompe pas d’ici à la date fixée, quelles sont vos alternatives pour le maintien des festivités?


L’édition aura bel et bien lieu parce qu’au pire on va drastiquement réduire le nombre des festivaliers et nous respecterons farouchement le protocole sanitaire. De 1.800 spectateurs, par exemple, on retiendra 800/700 personnes en appliquant les mesures mais on espère que ce virus s’évaporera.


L’édition sera décentralisée. Ça va se passer comment ?


Un comité sélectionnera les nouveaux morceaux et fera partie du jury directement à travers une visioconférence s’il le faut ou sur place. Selon le budget, on ne pourra pas aller sur terrain, dans toutes les régions. Jury, comité de sélection sont déjà mis en place et l’organisation impliquera les artistes dans les régions.

Chokri Bouzayen, directeur de la 20e édition du festival de la chanson tunisienne : «L’esthétique de la chanson est essentielle…»
Raouf Seddik, journaliste et auteur : «Il y a une façon de se dégager du texte»
ENTRETIENS11 / 2 / 2020

Raouf Seddik, journaliste et auteur : «Il y a une façon de se dégager du texte»

L’art d’interpréter est plus que jamais nécessaire en ce XXIe siècle voué aux fausses et aux vraies interprétations des discours, des traditions, cultures, mais surtout celles des textes sacrés. Raouf Seddik s’est fixé comme objectif de rendre à la portée, le plus possible, cette notion philosophique à travers des chroniques rassemblées et publiées dans un ouvrage publié chez Nirvana, titré « Chemins de l’herméneutique ». Dans ce livre, il raconte et décortique l’herméneutique pour un large lectorat. Raouf Seddik a déjà une prolifique carrière de journaliste derrière lui. Récemment, il s’est consacré davantage à sa passion de toujours : la recherche philosophique. Une passion qu’il associe à un « mal secret », mais qui s’avère d’actualité. Entretien.


Afin de mettre en contexte un large lectorat et même l’initier, qu’est-ce que l’herméneutique ?


L’herméneutique c’est l’art d’interpréter. Traditionnellement, l’art d’interpréter a toujours porté sur les textes qui ont une stratégie pour l’organisation d’une société, autrement dit, les textes religieux. Dans l’histoire, cela commence par « L’Iliade » et « L’Odyssée », qui étaient des textes au même titre que le Coran et les textes de religions monothéistes : ils étaient à caractère religieux et qui, à un certain moment, ont commencé à poser des problèmes de bonne compréhension. D’autant plus que dans le cas de « l’Iliade » et « l’Odyssée », il y avait une multiplicité de versions. La version qu’on trouve aujourd’hui est une version qui a été unifiée comme dans les Evangiles, les Apocryphes, etc… Donc, l’herméneutique commence autour de la bonne compréhension du texte religieux, parce qu’évidemment, s’il y a plusieurs lectures divergentes, cela peut poser problème. Il s’agit de retrouver le sens juste. L’art d’interpréter va s’élargir et s’appliquer à d’autres thèmes, comme la compréhension des cultures et des traditions de l’Autre sans les réduire, il touchera à l’anthropologie… etc., c’est comment interpréter la pensée d’autres peuplades, comprendre l’Autre, sa littérature, son parcours de vie. Qui est l’Autre ? Comment dois-je le comprendre ? Des interrogations qu’on peut se poser tous les jours. Sans oublier l’art d’interpréter appliqué à soi-même. Quand on prend des décisions, on se dit : « Est-ce que cela nous convient ? ». Cela part d’une certaine interprétation de son propre parcours, sa propre nature et ce n’est pas une science exacte : c’est une interprétation et on peut, en effet, prendre de mauvaises décisions parce qu’on a mal interprété. Il se trouve qu’il y à toute une réflexion sur la manière d’interpréter et j’estime qu’il est bon de faire connaître ce qui a été dit et pensé sur le sujet.

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Pourquoi s’y intéresser de nos jours et pourquoi avoir choisi ce chemin ?


Il y a un intérêt personnel. Il faut savoir que l’herméneutique constitue aujourd’hui une branche fondamentale de réflexion philosophique : quand on fait de la philo, on s’y intéresse systématiquement. Il y a aussi un contexte actuel qui peut donner des raisons supplémentaires d’explorer ce domaine. Je pense qu’une des raisons pour laquelle je me suis décidé de m’y intéresser, c’est qu’actuellement, on est assailli par des questions sur notre relation à nos traditions, aux textes fondateurs de comment est-ce qu’il faut les reprendre sans y toucher, les rejeter et on se demande souvent… quoi en faire ? On nous submerge de traditions interprétées. Il s’agit d’aller voir en profondeur ce que veut dire l’herméneutique. « Al Ijtihad » en arabe, est une lecture censée renouveler le sens en fonction d’un contexte. C’est une sorte d’adaptation. L’herméneutique peut mettre en difficulté le texte. On est dans une situation culturelle critique, épuisé par les débats et la réponse est de se dire : « Et si on allait voir du côté des méthodes qui permettent la conquête des textes ? De les interroger d’une manière autre pour susciter des sens qu’on ne soupçonne pas ? ». De nos jours, en effet, on ne peut emprunter des chemins qui nous permettraient de sortir des débats dans lesquels on patauge.


A qui, donc, s’adresse précisément ce livre ?


Je vise les jeunes qui, aujourd’hui, peuvent eux aussi éprouver une certaine lassitude par rapport au débat. Il faut qu’ils se disent : « Et si on dépassait cela, d’une façon qui permette d’apprendre les choses sur ce qui s’est fait ailleurs ou par le passé ? ». En apprendre sur les Grecs, les juifs et les chrétiens y compris, chez nous dans notre propre tradition et culture qui a connu entre autres « Ibn Khaldoun » ? « Ibn Khaldoun » qui s’est rendu compte qu’il y a une évolution de l’humanité et de toute une civilisation. Avec lui, on a connu une marche vers la civilisation. Il y a l’approche qui nous sort des batailles « Des versets contre versets », tout en se dirigeant vers des perspectives nouvelles. De la même façon pour saint Augustin qui, à l’époque, avait marqué l’ère culturelle de l’Algérie et de la Tunisie. Une ère qui est aussi la nôtre. Les chrétiens se sont souvent tournés vers saint Augustin pour des questions d’ordre religieux. C’est une personnalité qui avait beaucoup de choses à dire et qui a apporté à la théologie. Il y a une notion qui relève de l’appropriation de l’héritage.


Quelle est la genèse de « L’herméneutique en temps d’Islam » ?


L’herméneutique ne s’est pas vraiment développée en terre d’Islam. Le problème dans l’Islam est que l’herméneutique a tendance à se replier sur le terrain de l’exégèse du texte : il s’agit de ne pas partir sur de fausses pistes. On est resté sur cette approche herméneutique, alors qu’en Occident, on trouve déjà des indications sur saint Augustin lui-même : il y a une façon de se dégager du texte. Dans la tradition coranique, le texte relève d’une grande importance. Assez tôt, on comprend qu’il n’est pas exclusif. Comprendre le projet de Dieu dans sa relation avec les hommes passe par des messages directs que Dieu adresse aux hommes, mais ne résument pas la parole de Dieu. Sa parole, on peut la trouver dans la nature, dans l’histoire. Il y a une sorte d’élargissement du support à interpréter. Il y a eu en terre d’Islam des expériences intéressantes pour dégager l’essence du texte et le rendre le plus pertinent possible. Il y avait des divergences d’approches selon les théologiens, mais on est resté limité par l’horizon du texte : comme avec les Hadiths évoqués par l’entourage par exemple censés apporter un éclairage et qui ont été souvent considérés comme des abus. Tout tournait autour de la bonne façon à apprendre pour bien comprendre le Coran. C’est donc un peu limité par rapport à comment a été pensée l’herméneutique en Occident, d’où l’intérêt d’aller voir ce qui a été fait chez les Occidentaux.


Le Tafsir, le Fekh… peut-on les considérer comme des lectures herméneutiques ?


Ça relève de l’herméneutique, mais c’est une herméneutique qui reste prisonnière d’un horizon en particulier : le texte coranique. On reste figé autour de la tâche qui consiste à dégager le sens du texte.


Quelle est la différence entre « herméneutique » et « exégèse » ?


L’herméneutique est l’art d’interpréter en général : on peut même parler de l’art de bien comprendre et d’éviter la mécompréhension. L’exégèse, traditionnellement, c’est l’art d’interpréter, appliqué aux textes écrits. Il y a les règles de l’exégèse qui s’appliquent et qu’on peut considérer comme des techniques de lecture du texte, alors que l’herméneutique, c’est forcément plus large. L’exégèse fait partie de l’herméneutique : l’herméneutique étant bien plus globale.


Qu’est-ce que l’herméneutique moderne ?


Quand on parle d’herméneutique moderne, ça renvoi à une phase de la réflexion sur le sujet : la phase inaugurée par Friedrich Schleiermacher. C’est lui qui a opéré cette sorte d’émancipation de l’herméneutique par l’exégèse et qui définit en même temps une sorte de méthodologie qui s’applique à l’herméneutique quel que soit son objet. Parce qu’avant, il y a eu dans l’histoire, une herméneutique des textes juridiques, des textes littéraires aussi qui n’avaient pas forcément de connotations religieuses. Il y avait l’herméneutique appliquée aux textes religieux, et selon les domaines, il y a eu des règles différentes. L’herméneutique moderne a énoncé des règles générales. Ce n’est plus compartimenté. C’est un peu comme quand on parle de Newton, qui a énoncé une loi universelle de la gravitation : c’est une loi qui s’applique sur tout les corps qui existent dans l’univers. Cela relève donc de la compréhension universelle. On n’est plus sous la loi religieuse : il s’agit d’une loi qui appartient à l’herméneutique elle-même. C’est une forme d’émancipation.


Vous avez évoqué dans votre livre « L’ère de l’exégèse critique ». Pourquoi « ère » ?


Parce que l’exégèse critique, née dans l’approche d’un texte, n’admet plus les dogmes qui ont longtemps accompagné la lecture des textes. Moi, je pense que cette ère de l’exégèse critique est arrivée après Descartes : connu par la condamnation de Galilée, prononcée par l’église. Lui, il a quelque part, produit une métaphysique qui permet aux savants de ne plus écrire sous l’église. La même idée : toujours selon l’église, les tenants de l’exégèse critique ne doivent pas donner de comptes à rendre. L’exégèse critique est une exégèse qui peut être très corrosive. C’est pour cela qu’elle a suscité beaucoup de réserve de la part des milieux religieux.


Est-ce que ces lectures ont connu la censure ?


Bien sûr. Spinoza, grande figure de l’exégèse critique était connaisseur, d’origine juive. Il connaissait la bible, était éduqué dans une culture religieuse juive et en même temps philosophe critique, cartésien : ses textes n’ont pas été publiés de son vivant. Les débuts de l’exégèse critique l’ont été d’une manière clandestine. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle, qu’il y a eu triomphe de l‘approche critique avec le développement des sciences historiques.


Pour finir, à quoi sert ce retour vers l’herméneutique de nos jours ?


L’herméneutique permet de se frayer une issue claire vers la philosophie, éviter les querelles épuisantes qui nous fatiguent à longueur de journée. Comme l’herméneutique est une forme de pensée qui est ouverte à l’histoire, à la culture de l’Autre, à l’actualité… c’est donc une façon de se donner des outils pour faire les choses d’une manière intelligente et pertinente et non plus dans la cacophonie générale et le crêpage de chignon. (Rires). C’est un sujet digne d’être exploré. On participe en même temps à une initiative plus grande : celle d’insérer la pensée philosophique dans l’espace tunisien qui se caractérise par le fait que les débats philosophiques se font en langue arabe, dans l’enceinte universitaire, dans des cercles assez restreints… Pour ce qui est de l’espace francophone, on est dans les sciences humaines par exemple, mais ce qui caractérise réellement la philosophie n’est pas à la portée. Là, il y a une tentative de permettre au langage philosophique de se faire sa propre place dans notre vie intellectuelle, dont la francophonie est déjà une composante. Il n’y a pas de raison que la langue française soit amputée de cet héritage philosophique.

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Siwar Bouksila, artiste designer-graphiste : Se frayer un chemin
PORTRAITS / PÊLE - MÊLE 10 / 23 / 2020

Siwar Bouksila, artiste designer-graphiste : Se frayer un chemin

Se lancer dans une aventure créative à l’aube de la crise de la Covid-19 était risqué, pourtant, Siwar Bouksila, jeune artiste designer-graphiste, s’est tout simplement accrochée à un rêve à vocation artistique. Focus sur un brin d’espoir dans un océan de morosité.


Titulaire d’une licence fondamentale en audiovisuel de l’Institut des Beaux-Arts de Nabeul, Siwar Bouksila, du haut de ses vingt piges, s’imaginait un avenir épanoui dans le large secteur de l’audiovisuel : sa dynamique, son mouvement, sa production la fascinaient… de loin. Une fois sur le terrain, la réalité était dénuée d’artifices et s’est mêlée à la désillusion. Son parcours a pris une toute autre tournure, vers un univers plus créatif et tout aussi riche en enchaînant avec un mastère professionnel en design graphique à Sousse.


Une fois obtenu avec mention et avec passion, les opportunités ont commencé à fleurir, citons son passage capital à l’espace culturel Inart à Hammamet, qu’elle a géré sous la houlette de Mme Dalel Bouslama, artiste photographe pionnière et universitaire, tout en alternant travail et un 2e mastère de recherche. Une étape universitaire qu’elle n’a pas validée, happée par l’envie pressante de percer professionnellement.


Expositions, rencontres avec des artistes divers de tous bords, évènements en tous genres, conception d’affiches ont élargi son réseau de connaissances et ont alimenté sa passion, son savoir-faire et ses ambitions. Concevoir son propre projet devenait une nécessité… Cadres, graphismes, calligraphies ont commencé à fusionner donnant lieu à « Fyena », son propre espace de création. « Un pari risqué dans une zone qui n’est pas connue pour sa fibre artistique, pour cette passion, mais dont les habitants peuvent être consommateurs, à la recherche constamment de cadeaux à offrir, d’articles de décoration. La création acquise est personnifiée, entièrement réalisée par les goûts de la personne désireuse de s’offrir des produits au final peu communs, commerciaux, distingués», présente passionnément l’artiste- graphiste.


L’espace tel qu’il existe en ce moment n’a vu le jour qu’à la veille de la crise de la Covid-19… Trois ans auparavant, la passion s’entretenait à travers les réseaux sociaux Instagram et Facebook et ciblait un public délocalisé de Nabeul. C’est, en effet, à Tunis et à Sfax surtout que «Fyena» devenait visible et où elle l’est toujours. « L’ Inart m’avait permis de présenter mes créations au fur à mesure en organisant ma propre exposition : je faisais des cadres modifiables en répondant aux goûts des intéressés et ça continue… », déclare Siwar Bouksila.

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Jusqu’au début de 2020, son parcours a failli perdurer… à Bali, là où elle a attrapé le virus des concepts Store pendant un voyage. A son retour, son projet devait voir le jour en Tunisie… Rien ne l’empêchait de le faire malgré le contexte extrêmement glissant que le monde vit. Siwar Bouksila était déterminée à revenir à Bali pour mieux se former, mais le coronavirus a tout saboté en fermant les frontières… c’était donc le moment crucial de se lancer, sans hésitation, en s’engageant entièrement en Tunisie.


« Fyena », nom attribué au hasard à son travail par les gens qu’elle a côtoyés, a été présenté à Paris et a désormais une filière prisée à Bali, gérée par son frère, résident là-bas. Tenace, déterminée, elle a pu s’accomplir… rapidement, malgré les obstacles.

Siwar Bouksila, artiste designer-graphiste : Se frayer un chemin
Emily Sarsam, cofondatrice et membre du collectif «Jaridet LeMdina» : «Penser la ville autrement»
ENTRETIENS10 / 12 / 2020

Emily Sarsam, cofondatrice et membre du collectif «Jaridet LeMdina» : «Penser la ville autrement»

Pour son numéro de 2020, le collectif «Jaridet Lemdina», composé de jeunes Tunisiens, a tenu à relancer «le Journal de la Médina» en prônant une thématique épineuse, celle de la «Politique urbaine-Urban Politics» à adopter pour un Tunis plus éclatant, cosmopolite. Ce numéro est une prouesse rédactionnelle, multilingue, «tunisifié» et qui traite de l’art, de l’architecture, de l’humain et du social, réalisé bénévolement par des contributeurs. Emily Sarsam, cofondatrice du collectif de «Jaridet Lemdina», revient sur la genèse de cette initiative du début jusqu’à la sortie de son dernier exemplaire annuel.


«Jaridet Lemdina» a marqué son retour cette année. Quels sont les nouveautés ?


Effectivement, il y a eu des changements. L’époque n’est plus la même déjà. 4 ans auparavant, tout a commencé dans le cadre d’un programme d’échange, soutenu par un fonds allemand. Ce programme d’échange se déroule entre l’Allemagne et les pays du Moyen-Orient, l’Amérique du Sud… etc. Le collectif de la Médina, à l’origine de cette initiative, est composé des amis de la Médina, des jeunes Tunisiens et résidents sur place ou d’ailleurs, comme Nader Khelifi, Raoul Cyril, Aymen Gharbi, Molka Haj Salem, etc. On en a parlé, et on s‘est dit qu’on pouvait créer un journal participatif, écrit en tunisien sur la vie contemporaine à la Médina. Une thématique pas du tout «romantisée», mais on évoquerait plutôt la vie quotidienne, les traditions locales, dans un contexte contemporain, actuel. La communication autour du projet s’est faite de bouche-à-oreille et la communauté autour s’est formée. Le collectif, avant, rédigeait les articles, mais maintenant, c’est ouvert aux contributeurs essentiellement qui étaient bénévoles, conduits par leur passion pour la Médina autour des légendes urbaines, des rues, de leurs symbolismes, de leurs histoires, leurs mausolées… toujours dans une perspective contemporaine.


Le journal est paru régulièrement avant, ensuite il y a eu une interruption.


On était ouvert aux contributions, productifs, ensuite, avec mon départ précédent, deux solutions se sont proposées afin d’assurer la continuité du projet : Iheb Kassmi et Yosr Hizem, mon amie et collègue voulaient prendre le flambeau, mais avec le temps, la communauté commençait à s’effriter. Il y a eu des désaccords avec une autre association connue de la Médina qui soutient beaucoup de projets culturels et qui tenait à prendre en charge le journal. La 2e solution, c’était la mise en veille du projet jusqu’à récemment : on l’a redémarré avec d’autres membres, citons Yasmine Houemed, Syrine Siala, Siavash Eshghi, Aya Rebaï, Mariem Essaadi, Aziza Gorgi (designer et directrice artistique du journal), Sarah Bouzgarrou, Frederike Meyer, Kathleen de Meeûs, Lea Djaziri, Issam Smiri, le 5015 et au moins une quinzaine d’autres contributeurs. On est revenu avec une édition annuelle titrée «Urban Politics»-la politique urbaine, soutenue par le «Heinrich-Böll-Stiftung» et tous les contributeurs. Cette thématique riche, autour de la politique urbaine, nous permet aussi de voir en dehors du périmètre de la Médina.

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Pouvez-vous nous en dire plus sur les axes principaux du journal, les sujets traités, les rubriques … le contenu en général ?


Il n’y a pas de rubriques déjà et le numéro est multilingue : français, anglais et tunisien. Pour cette année, c’était la politique urbaine : une approche qui nous permettrait de jeter la lumière sur les points faibles ou les problèmes de la cité, de son infrastructure, des bémols sociaux, habitats… c’est assez ouvert. Ce dernier numéro est plus à caractère sociopolitique mais on reste ouvert. Notre but c’est d’approcher la cité à travers l’art, le design, l’urbanisme, la cuisine, tout en mettant en lumière les problèmes existants autour. Cyrine Douss, chorégraphe, a parlé de son spectacle présenté dans le cadre des Journées chorégraphiques de Carthage à Bab Bhar avec son collectif «El Maghroumine». L’artiste a critiqué «l’objectivation du corps féminin dans l’espace public» et le manque d’exploitation de l’espace public via l’art. Sinon, on fait un appel ouvert à tous les contributeurs désireux d’écrire : illustrateurs, artistes, critiques, universitaires, chercheurs, etc. Un seul bémol, cette année, c’était le manque d’articles en tunisien : notre but principal pourtant était de «tunisifier» le journal. On devait se focaliser sur la traduction, grâce à Aymen Gharbi. Comment aborder la Médina en tunisien. Avec le vocabulaire académique, ça ne sera pas accessible et le langage sera soutenu. On voudrait faire un glossaire en dialecte tunisien, mais ça demande de l’argent et du temps. Les langues sont très importantes, une ouverture sur le monde, mais le tunisien est aussi capital afin de toucher davantage les Tunisiens. Le contenu du journal avant était en grande partie tunisien et on voudrait continuer dans ce sens. C’est le journal du public tunisien.


De nos jours, se lancer dans le papier, c’est risqué, avec la crise…


En effet ! C’est un challenge. Mais on a tenu à avoir la version papier. C’est primordial ! Le digital ne nous permet pas de bien lire sur le net. Le contact avec le papier est unique. On a tenu à valoriser le papier et on tient à ce que les gens le gardent et l’archivent. «Jaridet Lemdina» paraîtra une fois par an et le contenu reste consistant. Le journal est paru en papier, mais pas mis en vente. Le HBS nous a permis de vendre une partie afin de financer le prochain numéro. Nous ciblerons un public passionné de politique urbaine, afin de pouvoir surtout couvrir le coût de l’impression et de la distribution. Nous le donnerons gratuitement à des gens qui ne peuvent pas se payer le numéro.


Comment «Jaridet Lemdina» pourra contribuer à améliorer la scène locale artistique, culturelle et la vie urbaine à Tunis ?


On voudrait penser la ville autrement via cette initiative. Etre utopique pour l’avenir de la ville. Créer des connexions, s’ouvrir sur les problématiques liées à la ville, à sa scène culturelle et artistique, à son mode de vie. L’exploitation de l’espace public, on y tient. On voudrait créer une plateforme médiatique. Parler d’urbanisation politique, c’est traiter d’une politique citoyenne. Sans oublier, l’usage du dialecte tunisien. Ne pas avoir d’hiérarchisation dans le collectif assurera la pérennité du journal et de l’initiative qui est créée pour tout le monde.


COPYRIGHT PHOTO : AZIZA GORGI

Emily Sarsam, cofondatrice et membre du collectif «Jaridet LeMdina» : «Penser la ville autrement»
Nour El Arab : « Des sommités connues ont dégradé l’aspect artistique et musical »
ENTRETIENS9 / 14 / 2020

Nour El Arab : « Des sommités connues ont dégradé l’aspect artistique et musical »

Il affirme souvent tirer sa force et son succès du destin et d’un concours de circonstances. Nous avons rencontré un artiste riche d’une carrière prolifique, et menée au gré des hasards, avec beaucoup de persévérance. Nour El Erab, ou Noureddine El Oueslati, de son vrai nom, revient sur un parcours artistique polyvalent, ouvert sur tous les arts, accompli en Egypte et beaucoup plus ouvert sur le monde arabe. Rencontre.


Un parcours long et fructueux est déjà tout tracé par « Nour El Arab », artiste confirmé dans le monde arabe et doté d’un nom de scène à connotation poétique. Comment tout a commencé en Tunisie pour vous ?


Noureddine El Oueslati, de mon vrai nom, a fait ses premiers pas à Jbel Jloud, à l’âge de 11 ou 12 ans. C’était ma première année au secondaire : mon professeur de musique M.Ezzeddine Ayachi, enseignait là-bas. Cette première année a été marquée par un certain 20-Mars : fête de l’Indépendance. Il y avait une célébration organisée par le club de musique de mon lycée. J’y étais donc. J’étais complètement déconnecté de l’univers de la musique. Je n’avais aucune notion. J’étais impressionné par la fougue des autres élèves et par leur passion pour cet art. Un déclic a eu lieu à ce moment-là, en me disant pourquoi ne suis-je pas avec eux, comme eux, et comment faire pour être comme eux ? C’était transcendant comme sensation : je ne réagissais pas sur le coup, mais la question trottait dans ma tête. Je suis ensuite parti les rejoindre dans une salle de musique à El Ouardia. Je me suis adressé à mon professeur, M. Ayachi, qui m’a répondu que la saison était finie, mais que je devais m’inscrire pour la saison prochaine. Si j’avais la fibre artistique, ils allaient le remarquer et me retenir. Je ne savais même pas si j’en avais ! (rires). Après quelque temps, je jouais au sport quand je suis tombé sur un livre en piteux état, jeté par terre. C’était un livre de compositions d’Abdelhalim Hafedh. J’ouvre le livre et la première chanson écrite que je vois, j’ai commencé à la chantonner : à la lire en chantant. Il n’y avait pas de radio ni de télé à cette époque postcoloniale. C’est mon subconscient qui s’exprimait. Un camarade de classe m’a encouragé à faire de la musique, par la suite, à la maison de la culture de Jbel Jloud : c’était la tentative que j’attendais impatiemment pour intégrer ce club. Lahbib Chagouaye, un professeur de musique sur place, m’a ouvert grand les portes : des instruments, des apprentis, une vie culturelle vive et plaisante. M.Chagouaye me demande si je savais chanter. J’ai dit « Oui », alors que je n’en savais rien, (rires) avec tout le stress du monde et j’ai enchaîné en me demandant si je chantais sous la douche… et j’entends le rire des autres élèves autour. Déstabilisé, je me suis quand même retenu et j’ai chanté pour la première fois à ce moment-là « Kaamil el Aoussaf » de Abdelhalim Hafedh. Et l’aventure a commencé au sein de cette chorale, avec compétitions, fêtes, festivals, etc … « Nour El Arab » n’a vu le jour qu’en Egypte en 2001, nommé par un producteur égyptien.


Noureddine El Oueslati a cédé la place à Nour El Arab, une fois en Egypte, des années après. N’avez-vous pas été gêné par ce changement identitaire radical ?


Je n’ai jamais pensé un jour me frayer un chemin en changeant mon nom de famille… tout comme je n’ai jamais imaginé un jour faire une carrière en Egypte ou m’absenter autant de la Tunisie. J’étais parti pour une semaine en Egypte, j’y suis resté 28 ans (rires). Pour ce producteur, quand on s’était rencontré pour travailler, je m’étais présenté comme « Nour el Oueslati » (j’ai retiré « Eddine » pour alléger !). Ma première cassette a porté le nom de Nour El Oueslati, le prix du festival international du Caire, je l’ai eu au nom de Nour El Oueslati, le premier feuilleton également. En 2001, tout a changé en me proposant ce nom de scène valorisant… J’ai été subjugué. C’est là que j’ai compris que tout ce qui m’arrivait de bon et de constructif était purement dû au hasard… et à un concours de circonstances et cela se poursuit jusqu’à nos jours. Sonné, j’ai consulté des proches pour avoir leurs avis sur ce nom de scène. Même ma petite fille, artiste de naissance, a eu son mot à dire. Et j’ai accepté volontiers. Depuis, je tenais à être à la hauteur d’un nom aussi prestigieux de par mon travail et mes accomplissements… et pas qu’à travers l’art seulement.


C’est-à-dire ?


En étant le plus exemplaire possible, même sur le plan humain, comportemental, relationnel. Je me retenais de chanter des chansons que j’aimais, mais que je ne pouvais le faire, parce que cela risque de blesser ou donner le mauvais exemple. Ces chansons ne m’allaient pas.


Au tout début de votre carrière en Tunisie, vous êtes passé par le Centre culturel ferroviaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette étape ?


Ce centre culturel, spécialisé en musique, n’existe plus. J’y suis resté trois ans là-bas. J’ai condensé la durée, en apprenant plus vite et en privilégiant la pratique et le terrain. Normalement, ma formation devait durer 5 ans. On pouvait avoir mon diplôme à la « Rue Zarkoun ». C’est là que les ennuis ont commencé : je ne pouvais, en effet, pas l’avoir, parce que je n’avais pas le Bac et que si je visais l’enseignement, je devais le faire beaucoup plus loin de la capitale. Je n’étais pas fait pour les études ni pour l’enseignement ni pour cette assiduité et cette dynamique vitale à la profession professeur / élève. Scientifiquement, c’est à partir de cette étape-là que j’ai su que je n’étais pas fait pour la musique sur le plan académique. C’était assez et je me suis formé, après, en solo. L’expérience m’a été très utile en Egypte. Le niveau scientifique et culturel était élevé là-bas, bien plus qu’ailleurs.


Dans un tournant précis de votre vie en 1992, vous vous êtes envolé pour l’Egypte. Qu’est-ce qui vous a surtout poussé à partir et ne pas faire carrière artistique en Tunisie ?


Les mauvaises expériences ! Mon départ n’était pas une décision préméditée déjà. Le visa, je l’ai d’ailleurs eu à travers le ministère des Affaires culturelles facilement. Je suis passé dans des émissions, dont « Noujoum El Ghad », et j’ai essuyé une grande déception, celle de n’avoir pas été choisi …et le concours n’était pas juste non plus. J’ai participé, ensuite, à une émission qui encourageait les jeunes compositeurs, paroliers, poètes… J’ai écrit une chanson à cette époque-là, soutenu par si Abdelmajid Ben Jeddou (Paix à son âme), signée par si Abdelhamid Ben Aljia. C’était prévu qu’on l’enregistre : j’ai trouvé finalement la troupe en train de la jouer et de l’enregistrer déjà. Je l’ai signalé à un responsable qui m’avait rabaissé directement par des mots très durs… qui m’ont marqué jusqu’à nos jours. « Le oud était tombé », comme on dit, et la chanson n’a jamais vu le jour. D’ailleurs, c’est un épisode pénible que vous venez de me rappeler (sourire). Un autre passage à la télé, où je tenais à me faire connaître sur le plan des médias, s’est aussi soldé par un échec cuisant. Certains me demandaient de l’argent pour percer… c’était bas. Ils sont tous morts d’ailleurs et pardonnés. Je leur dois même beaucoup : autant de déceptions qui n’ont fait que me pousser davantage à changer de vie. J’avais une bonne situation en Tunisie, mais je pouvais encore m’améliorer bien plus ailleurs, en Egypte… et une fois là-bas, c’était un choc.


Dans quel sens ?


Ce n’était pas facile ! J’avais une image totalement faussée de l’Egypte. L’Egypte faisait trop dans le commercial et le consommé déjà. Le public en redemandait… Des sommités déjà très connues ont, selon moi, dégradé l’aspect artistique et musical. Dans les années 90, la quantité débordait et le rendu artistique commençait à perdre de sa qualité. En 1992, des valeurs reconnues de la scène musicale arabe commençait à nuire à la scène et au patrimoine, la vague émergente des années 90, plus précisément. Au début, je faisais des allers-retours Tunisie/Egypte. Une société de production égyptienne a cherché rudement à m’avoir. Elle a cru en moi jusqu’à venir me chercher en Tunisie.


Ensuite, vous vous êtes ouvert et pas qu’un peu sur le théâtre et le cinéma …


Par hasard, encore une fois ! (rires). Je tiens à préciser qu’on ne devient pas artiste par hasard, quand même. Il y a beaucoup de travail et de persévérance derrière. Il y avait eu une pièce de théâtre « El Mazikati », mise en scène par Hassan El Salem, je ne rêvais même pas de l’approcher. Il cherchait une opérette à placer pour clore le spectacle. Un atout que je maîtrisais. Un scénariste m’avait repéré, les rendez-vous ont suivi… Pendant la performance ou la démo, ils se lançaient des regards… observaient… J’étais face notamment au réalisateur exécutif. La démo durait 7 min, c’était long pour eux, je devais raccourcir jusqu’à 3 min en improvisant. Je ne devais pas nuire au contenu. J’ai négocié 5 min au final, pas moins. Et j’ai pu les conquérir. Et c’est là qu’ils ont commencé à m’envisager dans des créations théâtrales ou télévisées ou même cinématographiques… Hassan Abdessalem, c’est lui qui a commencé à croire en moi. Ma première pièce, on en a fait 45 dates partout… l’aventure avait commencé. Encore une fois, au gré des hasards… les feuilletons aussi. Ma première cassette venait de sortir en 1994 et contenait des morceaux, comme : « Tkalem ya zamen », « Habibi Yabni », « Tir el Mahabba », « Sahhara », « Wala Soltane », « Mochtaak » … celle qui me parlait le plus c’est « Tkallem ya zamen », que j’ai interprétée à maintes reprises après. Les artistes avaient tendance à descendre ou à insulter le temps et l’époque : j’en faisais une force à travers cette chanson qui a été conçue en une nuit. J’ai pu avoir des prix prestigieux et une couverture média de qualité, grâce à cette chanson… que j’ai pu chanter avec l’accent égyptien à la perfection. Une très belle langue d’ailleurs …


Avec quelle valeur artistique avez-vous eu plaisir de collaborer ? Celle qui vous a le plus marqué et enrichi ?


Pour moi, toutes celles avec qui j’ai eu l’honneur de travailler m’ont enrichi ,chacune à sa manière et ce sont les plus précieuses au monde. Les circonstances m’ont mis sur scène face à Abdelmoonem Madbouli, qui dirigeait une école de théâtre. Mon premier clip était face à Nour El Charif. Il avait un regard très puissant. C’est un monstre ! Hassan Abdelsalem a écrit l’histoire du théâtre. Je suis chanceux et reconnaissant. S’il n’y avait pas eu les mauvaises expériences, je n’aurais pas pu aller de l’avant. Le hasard fait toujours partie du décor.


Récemment, vous avez participé à un festival à Ben Arous, destiné aux artistes résidant à l’étranger et vous vous êtes uni avec M.Abdelkarim Louati, compositeur, homme de culture et journaliste. Dites-nous un peu plus sur votre étroite relation et vos projets.


On est amis de longue date. On comptait travailler ensemble en 2003, il est venu en Egypte chez moi. On comptait écrire une chanson sur la Tunisie. Depuis 2003, je n’ai pas mis les pieds en Tunisie jusqu’en 2017. On a commencé à travailler en ligne à partir de janvier 2020. On a écrit des chansons, composé, interprété… On en a joué quelques-unes au festival de Ben Arous. Ce qui me navre en Tunisie, c’est qu’en matière de droits d’auteur et de copyright, on n’a encore rien. On est « blacklisté » à travers le monde et notre scène artistique pouvait encore rayonner partout si ce problème était résolu.


Comment était votre participation au festival de Ben Arous, consacré aux artistes résidant à l’étranger ?


Une idée originale à laquelle j’ai participé avec grand plaisir. Tout s’est très bien passé. Sandra, une artiste présente aussi, a fait du bon travail. Houda également… Cendrillon, je connaissais la plupart des artistes participants. Abdelkarim Louati a fait du bon travail. 4 nouvelles chansons ont été interprétées, il y a eu une opérette et on nous a rendu hommage. Je remercie par la même occasion la radio culturelle qui nous a soutenus dans les conditions liées au Covid-19.


Quels sont vos projets ?


Valoriser l’art autant que possible. Je compte sortir une chanson prochainement qui, j’espère, remédiera au secteur. Elle n’est toujours pas filmée, mais ça viendra. Elle sera dotée d’une illustration audacieuse qui exprimera l’état des lieux actuels du domaine. Un festival de musique ramadanesque est en cours de conception. Je rattrape le temps passé loin du pays !

Nour El Arab : « Des sommités connues ont dégradé l’aspect artistique et musical »
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