«Touristes hors-saison » est le 2e film court de Maher Hasnaoui. Découvert pendant les Journées cinématographiques de Carthage 2021, il a marqué par la portée de son propos. Le jeune réalisateur met en lumière la situation précaire des migrants subsahariens en Tunisie, sujet peu traité par les médias tunisiens et dans le cinéma.
Après « Khalaâ », son premier film, Maher Hasnaoui a suivi le parcours de Hervé, personne migrante vivant en Tunisie. Ce dernier cherche à subvenir à ses besoins en décrochant un travail décent mais se retrouve face à des difficultés d’intégration de taille en Tunisie. Illégalité, travail dans le noir, racisme ordinaire, réticence, hésitation, méfiance… Son parcours, filmé sur des mois, a été relaté dans un film de 30 min. « Touristes hors-saison », crie certes la détresse d’Hervé mais reflète surtout l’existence fragilisée de toute cette communauté marginalisée.
Maher Hasnaoui raconte le quotidien houleux d’Hervé, migrant subsaharien, qui cherchait à décrocher un travail 7 ans plus tôt. Le réalisateur travaillait dans un restaurant en 2015, lieu dans lequel il a rencontré Hervé. Les problèmes d’intégration d’Hervé ont aussitôt surgi et ressentis par Hasnaoui. A l’aide d’une caméra, Maher commence à filmer cette détresse d’abord personnelle, puis collective.
Le réalisateur a voué un intérêt spécifique à la situation irrégulière que vivent les migrants. Cette difficulté à trouver un travail, à s’intégrer normalement dans la société tunisienne, à vivre dans la peur des autorités, à esquiver les pénalités, souvent lourdes et cette incapacité à régulariser aisément leur situation alarmante. Dans le cas d’Hervé, son incapacité à pouvoir payer ses dettes accumulées le pousse à rester dans l’irrégularité, de peur de se faire épingler par les autorités et rapatrier dans son pays d’origine, raison pour laquelle il est dans le noir depuis 10 ans.
Le réalisateur met en relief, dans son film, cette situation sans « victimiser » Hervé. Il tenait à filmer un combat, les aspects et les valeurs de son personnage principal, mais surtout son évolution, et son affranchissement de cette situation alarmante. Le récit singulier, raconté en 30 min, devait davantage raconter l’existence d’une communauté « invisibilisée. ». « Touristes hors-saison » revient d’ailleurs sur une manifestation d’ampleur qui a eu lieu à Tunis le 23 décembre 2018, suite au meurtre de Falikou Coulibaly, président de l‘Association des Ivoiriens en Tunisie. Fait divers mémorable. Le court-métrage a été retenu en compétition officielle lors des JCC 2021.
Le long-métrage norvégien de Joachim Trier a été retenu dans la section « Cinéma du monde » lors des JCC 2021 et a raflé le prix de la meilleure interprétation féminine au Festival de Cannes en 2021. Intimiste, bouleversant et construit, tel un roman, en 12 chapitres, ce film fait le portrait de son personnage principal sur 2h08, divinement incarné par Renate Reinsve, grande découverte.
Ce récit, élaboré autour d’une femme trentenaire, suit les déboires et les doutes de son héroïne et trace les tournants les plus décisifs de sa vie professionnelle, personnelle, voire intime. Julie a 30 ans et n’arrive pas à se fixer dans la vie. Alors qu’elle pense avoir trouvé une certaine stabilité auprès d’Aksel, 45 ans, auteur à succès, elle rencontre le jeune et séduisant Eivind, qui fait basculer sa vie.
Ce film ne manque pas de profondeur, puisqu’il interroge l’existence même d’une femme aux prises avec des difficultés diverses : du désir d’être maman (ou pas), au fait de se conformer aux normes sociales, ou d’abandonner une carrière toute tracée d’emblée. Au fil des chapitres, « Julie » prend des risques, se prend en main, s’abîme et se relève. La jeune femme s’endurcit, apprend, gagne en maturité et évolue. Tout spectateur peut s’identifier à sa jeune existence.
Après « Oslo 31 août », « 3 ans après Thelma », le réalisateur Joachim Trier nous revient avec un nouveau personnage féminin éponyme. Dans un long-métrage, qui s’annonce comme une histoire mélodramatique ordinaire, les événements accouchent finalement d’une œuvre tendre, fourrée de sentiments, qui parvient à émouvoir. La narration du film ne manque pas de lyrisme et de délicatesse en faisant le portrait d’une jeune femme moderne à l’ère #metoo. La musique d’Ola Flottum met aussi en valeur deux portraits masculins, tout aussi attachants.
« Julie » est un film maîtrisé de bout en bout, fort de ses propos, de son écriture et de sa mise en scène. Son actrice principale a pu insuffler diverses émotions : de la peine à la colère, en passant par la résignation et l’insouciance. Des états d’âme qui rendent le film gracieux. Un film, divisé en 12 chapitres inégaux, qui permet de montrer l’actrice à son avantage : tantôt forte, tantôt fragile dans le rôle tourmenté de « Julie ». Renate Reinsve, l’actrice principale, porte, en effet, le film. La sortie de « Julie, en 12 chapitres » a été annoncée pour bientôt dans les salles tunisiennes, mais sans mentionner encore de date précise.
Le long-métrage norvégien de Joachim Trier a été retenu dans la section « Cinéma du monde » lors des JCC 2021 et a raflé le prix de la meilleure interprétation féminine au Festival de Cannes en 2021. Intimiste, bouleversant et construit, tel un roman, en 12 chapitres, ce film fait le portrait de son personnage principal sur 2h08, divinement incarné par Renate Reinsve, grande découverte.
Ce récit, élaboré autour d’une femme trentenaire, suit les déboires et les doutes de son héroïne et trace les tournants les plus décisifs de sa vie professionnelle, personnelle, voire intime. Julie a 30 ans et n’arrive pas à se fixer dans la vie. Alors qu’elle pense avoir trouvé une certaine stabilité auprès d’Aksel, 45 ans, auteur à succès, elle rencontre le jeune et séduisant Eivind, qui fait basculer sa vie.
Ce film ne manque pas de profondeur, puisqu’il interroge l’existence même d’une femme aux prises avec des difficultés diverses : du désir d’être maman (ou pas), au fait de se conformer aux normes sociales, ou d’abandonner une carrière toute tracée d’emblée. Au fil des chapitres, « Julie » prend des risques, se prend en main, s’abîme et se relève. La jeune femme s’endurcit, apprend, gagne en maturité et évolue. Tout spectateur peut s’identifier à sa jeune existence.
Après « Oslo 31 août », « 3 ans après Thelma », le réalisateur Joachim Trier nous revient avec un nouveau personnage féminin éponyme. Dans un long-métrage, qui s’annonce comme une histoire mélodramatique ordinaire, les événements accouchent finalement d’une œuvre tendre, fourrée de sentiments, qui parvient à émouvoir. La narration du film ne manque pas de lyrisme et de délicatesse en faisant le portrait d’une jeune femme moderne à l’ère #metoo. La musique d’Ola Flottum met aussi en valeur deux portraits masculins, tout aussi attachants.
« Julie » est un film maîtrisé de bout en bout, fort de ses propos, de son écriture et de sa mise en scène. Son actrice principale a pu insuffler diverses émotions : de la peine à la colère, en passant par la résignation et l’insouciance. Des états d’âme qui rendent le film gracieux. Un film, divisé en 12 chapitres inégaux, qui permet de montrer l’actrice à son avantage : tantôt forte, tantôt fragile dans le rôle tourmenté de « Julie ». Renate Reinsve, l’actrice principale, porte, en effet, le film. La sortie de « Julie, en 12 chapitres » a été annoncée pour bientôt dans les salles tunisiennes, mais sans mentionner encore de date précise.
Telle une spirale de mots/maux, « Je suis Cide » de Tarek Sardi happe le spectateur. Son dernier film en date raconte en un temps court les affres d’une époque et les errances d’un individu, entraîné dans des interrogations et dans une recherche de soi effrénée.
« Je suis Cide » est vu, mais il est surtout écouté. Son point fort reste son texte : un monologue d’une douzaine de minutes qui raconte « Cide », le personnage principal du film interprété par Helmi Dridi. A la fois poético-philosophique, ces mots ne font pas que caresser les oreilles, ils résonnent haut et fort afin d’inciter à une réflexion, ou provoquer un changement. « Je suis Cide » oscille entre images d’animation et prises réelles. Il est hybride, riche d’un répertoire verbal soutenu, et possède une approche philosophique. « Cide », trentenaire, erre dans une grande cité, rongé par un mal-être profond, il s’abîmera au fur et à mesure, à la recherche de soi.
Produit par « 3e Genre Production », « Je suis Cide » est le 2e film de Tarek Sardi. Le premier « A tribord, je vomis » a été réalisé en 2019 et projeté lors de la 2e édition Mawjoudin Queer Film Festival. Le réalisateur manie les images et les univers, mais son dada reste l’écriture : les mots pour raconter les problèmes des minorités, disséquer les tabous, aborder les interdits, crier toutes les injustices confondues et relater les conflits universels autrement.
«Je suis Cide » a été présenté lors de la 32e édition des Journées cinématographiques de Carthage. Il est paru en livre, en version numérique initialement et fait office d’un prequel à un long-métrage. L’équipe du film est constituée de Franco-Tunisiens, citons la productrice Kaouther Hadidi, Fakhreddine Amri, Helmi Dridi, Aymen Mbarek, Adonis Romdhane, Ramis Barka … et Mahmoud Turki à la musique. « Je suis Cide » est attendu dans les salles en Tunisie en 2022.
«Black & White Circus», le dernier spectacle de Nawel Skandrani, fusionne diverses disciplines artistiques sur scène afin d’exprimer les travers d’une époque actuelle vacillante. L’artiste au propos engagé et assumé nous en dit plus sur cette dernière création universelle.
Vous avez titré votre dernier spectacle «Black & White Circus». Un titre qui n’évoque pas forcément la danse. D’où a émergé ce titre ?
Je ne me rappelle pas (rire). L’idée du spectacle a émergé en 2016. Je l’avais pensé comme un solo. Du solo, c’est passé au résultat final. Le solo d’une circassienne noire, initialement interprétée par Malek Zouaidi. Il fallait parler de ce monde que les gens ont envie de voir en noir ou en blanc. La vision d’un monde catégorisé, sectaire, divisé. Du noir et du blanc, on arrive à la couleur introduite dans le spectacle, petit à petit, d’où le titre.
Vous avez opté pour une forme pluridisciplinaire. Est-ce que c’est une manière pour vous d’explorer une nouvelle piste en déclarant l’abolition des frontières dans les arts scéniques ?
Ce n’est pas nouveau pour moi. J’ai commencé à travailler sur des formes multidisciplinaires depuis une vingtaine d’années déjà. J’ai toujours aimé mélanger les arts, et ce, de plus en plus dans mes spectacles. Tout cela s’est ressenti et s’est développé au fil du temps et du travail : du mapping, aux visuels, aux vidéos, en passant par le théâtre, le texte. Il y a même eu de la musique live, comme Jawhar Basti dans «Re-existence». Pour revenir à votre propos, je ne sais pas si ça a été décidé de faire «une déclaration» frontalement. Oui, je n’aime pas les frontières, oui, j’ai combattu les chapelles et les frontières de tout ordre : de races, de religions et autres… Je n’ai jamais aussi compris les batailles entre les styles. Emettre autant de limites entre les genres ou les styles relève de l’ignorance, de la peur de l’inconnu. Je suis une conteuse, j’aime raconter des histoires en faisant appel à d’autres formes artistiques. Je viens du ballet classique qui rappelle des histoires.
En parlant de contes et d’histoires, le fil conducteur dans «Black & White Circus», c’est bien «Antar et Abla». Pourquoi cette référence ?
Ce n’est pas un fil conducteur. «Antar & Abla» est un prétexte. Le fil conducteur pour moi, c’est de parler de l’intolérance envers les minorités : ici, j’ai choisi de parler des Noirs et de la communauté LGBTQI++, mais aussi d’évoquer, par extension, les saltimbanques, ou les troubadours que nous sommes, nous les artistes. Des minorités aussi mises de côté. Des communautés d’artistes toujours autant confrontées aux problèmes de la langue, de la race, du genre, de la nationalité, de la religion, de la couleur de la peau… «Antar & Abla» est un prétexte pour pouvoir parler, à travers cette histoire, des problèmes liés aux minorités. Une histoire vieille de 14 siècles et toujours d’actualité. Pour d’autres raisons de nos jours, ces différends persistent pour des raisons ethniques, religieuses, politiques… Le choix du métier d’artiste est encore considéré comme un signe de «tare sociale», encore de nos jours. Et je fais partie de cette minorité d’artistes-danseurs.
Il y a un hommage au cinéma muet également…
Tout à fait. Quand j’ai fait appel à Ghalia La Croix pour faire ce film «de commande», on a évoqué énormément de classiques de cinéma, y compris muet. Ça donne un aspect cocasse avec «Antar & Abla» et, en même temps, tragique. Le spectacle est tragi-comique. On aborde des problèmes de société en suspension, pas réglés, de fond… et si on n’arrive pas à régler le vivre-ensemble, on n’arrivera à rien et on n’avancera pas. C’est donc une occasion de rendre hommage aux grands du cinéma muet.
On ne reste pas indifférents face à autant de disciplines fusionnées : les installations visuelles, les arts du cirque et de la danse, les figures acrobatiques, les effets sonores, la création des masques et des costumes… N’avez-vous pas eu peur de perdre votre propos initial en fusionnant autant de disciplines ?
Peur, non. J’aime les challenges. «Black & White Circus», je ne l’ai pas vécu comme un défi, c’était plutôt une envie. Je ne travaille que quand j’en ai envie. J’y vais à mon rythme sur des périodes espacées. Il a été conçu ainsi au fur à mesure. Les choses se sont mises petit à petit, spontanément. Elles n’étaient pas confuses, elles étaient faites au feeling. La recette d’un spectacle ? Je n’y crois pas beaucoup. Chacun et chacune a sa manière de travailler. Je travaille même sans recette : je peux changer les dosages, les ingrédients, j’ose en n’ayant pas peur de me tromper. Ou sinon, qu’est-ce que c’est ennuyeux ! En tant que créateur, ma vie, c’est de créer tout. Je n’ai pas peur de me perdre. Et actuellement, le spectacle appartient au public. Le public, qui, pour moi, est un concept flou. Je dirais plutôt «rencontrer les nombreux publics». Un public multiple, divers, riche… Si je ne peux pas faire les choses en m’amusant et avec le plaisir, autant ne pas les faire. Même traiter des choses graves, on peut en parler avec de la beauté. On vit dans un monde qui est en train de tourner le dos à la beauté, il ne faut pas l’oublier.
Comment percevez-vous l’univers de la danse actuellement en Tunisie ?
Un monde vague, en effet. A Tunis, je suis considérée comme la doyenne. Concernant la situation de la danse, et par rapport à l’évolution qui a eu lieu ces dernières années, il faut que la jeune génération prenne conscience que ça a évolué. Le mot «danse» n’existait pas de mon époque. C’était le néant. Depuis, il y a eu le ballet national, le ballet de l’Opéra de Tunis, l’aide à la création, mais ça reste insuffisant et il reste beaucoup de travail encore à faire. Une chose me préoccupe en revanche : l’inexistence de la formation académique de la danse. C’est problématique. Il n’y a pas d’institutions de danse académique. On a un ballet, mais pas d’école, et c’est préoccupant. Il n’y a pas réellement de danseurs formés d’une manière académique en Tunisie. Des essais, il y en a eu, mais ce n’est pas suffisant. J’ai toujours dit que j’étais danseuse, avant toute chose. C’est le plus important. Il ne faut pas avoir honte de le dire. Je trouve aussi qu’en termes d’imaginaire, il y a eu, pendant très longtemps, un diktat : celui de prendre un seul modèle, une certaine forme de danse contemporaine française des années 80, et qui est devenue une référence esthétique comme si le reste n’avait pas le droit d’exister. Ça a plombé le domaine de la danse, en général. Ça a impacté les générations de danseurs sur le long terme et, par conséquent, il y a une très grande ignorance de l’art de la Danse. D’où l’utilisation de concepts qu’ils ne connaissent pas. Il y a un grand problème d’éducation et de références. Il faut avoir plus de connaissances, et avec Internet, il faut être curieux, s’ouvrir sur tout et se former. La danse est en panne d’imaginaire et de choses nouvelles.
Malgré les acquis et les avancées réalisées ces derniers temps, le flou persiste pourtant concernant le statut de l’artiste…
Je fais partie de la commission consultative sur le statut de l’artiste. Nous avons travaillé pendant un an sur une nouvelle loi. Ça a été difficile de trouver un consensus pour y trouver son compte, et un accord. Le projet de loi est prêt, et ses amendements aussi. L’ancienne loi a été bloquée, du temps de Chiraz Latiri. Le texte est prêt actuellement. On a été entendu. La loi devait passer au vote en juillet 2021, et puis, il n’y a plus eu de Parlement. On a pensé aux indemnités de chômage, de la sécurité… Un travail élaboré a bien été établi. On nous a élus, et non pas nommés pour l’accomplir. On a fait un travail de fond, en attendant d’y revenir quand on aura un Parlement.
Comment Nawel Skandrani se définit-elle de nos jours ?
Comme elle était avant. J’ai toujours gardé cette capacité de rêver et de m’émerveiller, tout en étant en colère et triste de voir les dérives causées par l’Homme. Je n’ai jamais perdu ce côté militant. Je combats avec ce que j’ai : mon art. La danse, comme toute chose dans la vie, c’est beaucoup de travail et il faut travailler.
Crise identitaire, errance 2.0 et relationnel débridé ont fait le vécu court, mais intense d’une jeune adolescente égyptienne. «Souad», le long métrage d’Ayten Amin, par son propos, fait écho aux maux d’une jeunesse égyptienne en mal de vivre.
Le film d’Ayten Amin est sélectionné en compétition officielle au festival de Cannes en 2020. «Souad» brille par l’universalité de sa thématique, mais reste profondément ancré dans une dure réalité égyptienne. Elle a 19 ans, s’orne de ses plus beaux vêtements et n’a que son reflet dans son smartphone qui compte : «Souad» puise son bonheur dans le nombre des «J’aime» générés sur les réseaux sociaux et nourrit son estime de soi dans du voyeurisme «instagrammé», mais comme toute adolescente, les amours vécues en ligne finissent par être glissantes.
«Souad» habite «Zagazig», petite ville égyptienne, a des copines proches, rencontre des hommes en ligne, et s’adonne éperdument dans une double vie, sous la pression sociale. Jusqu’à ce que l’inattendu arrive et laisse planer une série d’interrogations et de nombreuses suppositions chez ses proches, restés en suspens. Et c’est «Rabeb» la petite sœur de «Souad», qui se lancera dans une quête à la recherche de pistes qui expliqueraient cet égarement suspect.
Le film brosse les relations familiales rigides entre jeunes filles et parents, mais situe également les deux sœurs dans une réalité sociale conservatrice. Une manière de plonger le public dans les méandres de ce refuge virtuel que sont les réseaux sociaux et de souligner leur place prépondérante dans l’existence de toute une jeunesse égyptienne (ou autre). Fort de son propos, le film est structuré autrement : il s’ouvre brutalement sur «Souad», personnage, a priori, principal qui cèdera la place à la sœur cadette et à un autre personnage masculin. Le film happe dès les premières scènes, mais finit par s’étirer, doucement jusqu’à sa chute finale douce-amère, voire brouillée, finalement menée par une poignée de jeunes acteurs, à l’interprétation maitrisée. Mais «Souad», le film, peut égarer et laisser perplexe, à cause de sa narration saccadée et ses répliques échangées à l’arraché.
Le film est une co-production tuniso-germano-égyptienne, actuellement à Cinémadart et Amilcar.
Ayant fait les frais d’une pandémie féroce, le dernier long métrage de Wes Anderson a été retardé maintes fois pour sa sortie mondiale attendue. Les JCC l’ont présenté à quelques jours de sa sortie officielle dans le reste du monde et, hier, l’Agora s’est chargé de le programmer en fin de soirée. Probablement sa dernière projection au cinéma. Bel hommage au cinéma noir et blanc et à l’histoire de Paris, racontés autrement.
«The French Dispatch», signé Anderson, a longtemps fait parler avant sa sortie, et pour cause : sa distribution de qualité. Le casting réunit une poignée d’acteurs et actrices à la notoriété importante et venues de tout bord : de Bill Murray à la nouvelle Cécile de France, de Tilda Swinton à Mathieu Amalric, d’Adrien Brody à Léa Seydoux, en passant par Frances McDormand, Owen Wilson, Timothée Chalamet, Benicio del Toro, Guillaume Gallienne ou encore la jeune Algérienne Lyna Khoudri, ainsi que Soirse Ronan et Elizabeth Moss et la liste est encore longue.
Différentes nationalités, différentes têtes d’affiche, toutes ou presque confirmées. Le film sur 2h15 raconte une France autre, riche de son histoire, d’anecdotes, d’art et de littérature. Telle une anthologie, le récit parvient à convaincre.
Le réalisateur américain mais profondément francophile s’est inspiré des publications du journal «The New Yorker» afin de ficeler son scénario. Il s’est profondément imprégné d’un journalisme à l’ancienne afin de reconstruire une France Vintage et qui provoque, de nos jours, nostalgie et attachement à des temps passés. Le film est un spectacle sur grand écran aux tournants inattendus. Les scènes courtes, que certaines grandes stars assurent, parviennent à mettre plein les yeux à un large public. Mais miser sur le divertissement peut cacher des faiblesses dans un scénario qui raconte une France d’antan idéalisée voire longtemps rêvée.
«The French Dispatch» ne peut avoir un seul résumé tant il est composé de récits parallèles : le film met en scène un recueil d’histoires tirées du dernier numéro d’un magazine américain publié dans une ville du XXe siècle et rend hommage au rédacteur en chef et fondateur de ce journal, décédé et interprété par Bill Murray. Les journalistes, travaillant avec lui, sont installés dans la petite ville française fictive d’Ennui-sur-blasé : Ils lui rendent un dernier hommage en rassemblant les articles et sujets qui ont fait les beaux jours du journal.
Les sujets qui ont fait ces diverses rubriques sont racontés à un spectateur qui se retrouve happé par l’histoire d’un reporter en train de raconter l’histoire de sa ville, d’un prisonnier psychopathe, des aléas de jeunes étudiants dans un Paris déchiqueté par l’après-guerre, ou d’un commissaire à la recherche de son fils kidnappé.
A travers ces histoires, le film revisite certains tournants de l’histoire de France comme Mai 68, la cuisine à travers l’histoire, les violences policières qui persistent, ou l’art devenu trop élitiste. Le film, découpé tel un livre littéraire, est un hommage à Jacques Tati. Il est puissant de par ces personnages loufoques, ces décors qui font rêver et sa musique hyper rythmée. L’hommage rendu à un journalisme d’antan reste exceptionnel.
Courte, mais intense pour les artistes et musiciens participants, la 7e édition des JMC 2021 a délaissé l’esprit compétitif au profit de la visibilité, du réseautage et de potentielles percées à l’échelle internationale. Les JMC ont également opté volontairement pour l’aspect numérique : un positionnement assumé plus qu’une alternative.
Les points forts de l’édition de 2021 émanent d’un travail accompli sur la durée, caractérisé par une augmentation du nombre des participants et musiciens retenus pour cette 7e édition. Un chiffre multiplié par trois en comparaison avec les éditions préc édentes, et qui comprend une quarantaine de porteurs de projets.
L’aspect incubateur
Précédemment, la compétition scellait davantage la programmation : cette année, les JMC accompagnent les artistes en se basant sur des critères de taille, comme la qualité du rendu, la créativité, l’originalité, la qualité d’exécution et le défi ultime qui consiste à pouvoir exporter les artistes à l’étranger. La structuration de l‘artiste se fait au niveau de la communication, en lui attribuant un attaché de presse compétent et en mettant au point le management d’un artiste. Techniciens et journalistes nécessaires à l’accompagnement des artistes doivent se former, afin de pouvoir bien travailler avec les artistes sur le long terme et cela en amont de l’édition. Une rencontre a d’ailleurs eu lieu, réunissant toutes ces disciplines avant le début de l’édition et le travail a été développé et le sera encore plus durant l’année. Sami Ben Saïd, directeur artistique des JMC, évoque « un rapport structurant et professionnalisant » qui désigne l’étape « Artist Lab ». Après la fin de l’édition, l’étape «Producer Lab » réunit 4 producteurs étrangers qui chaperonneront les jeunes artistes afin de leur apprendre à mieux « pitcher » leurs projets sur des mois. La compétition a été supprimée au profit d’une nouvelle approche.
Quand la compétition cède la place à la solidarité
Un esprit de solidarité et d’entraide a perduré pendant le festival et avant. Des annulations et des reports de dernière minute ont eu lieu à cause des restrictions sanitaires : afin d’y remédier, les artistes se sont soudés, en collaborant bénévolement les uns, les autres, afin de mener à bout leurs concerts et spectacles. « S’il y avait eu la compétition, un esprit aussi constructif et solidaire n’aurait pu avoir lieu. Les artistes se sont sentis dans un Safe Space », poursuit Sami Ben Saïd. L’apport pour ces artistes serait d’obtenir des contrats avec des labels, des maisons de disques, de participer à un festival connu, plutôt que de leur attribuer un prix, offrir des opportunités qui peuvent impacter la carrière d’un artiste longuement. Le festival reste ouvert aux citoyens / public et à la scène artistique dans son ensemble.
Une période voulue courte
4 jours seulement ont été accordés pour les JMC de cette année : les professionnels étrangers avaient un agenda plein. Ils ne peuvent rester une dizaine de jours. Les professionnels, pendant les concerts restaient pendant un laps de temps, étaient en mouvement, assistaient aux rencontres. Chaque pro agissait et travaillait à son rythme, afin de nouer des contacts, dénicher les artistes, mieux les connaître. Des rencontres pros, notamment festives mais fermées, ont eu lieu : l’occasion de réseauter, comme l’évènement organisé à Ennejma Ezzahra. Les panels et les « JMC Autrement » ont renforcé le volet présentiel. Des artistes en binôme se sont réunis dans le cadre d’une co-création afin de créer dans un espace à la Médina de Tunis.
Le digital assumé
Les JMC sont hybrides. Le numérique était, certes, pour protéger et garantir l’édition mais cet aspect-là est aussi un positionnement. L’usage du numérique devenant de nos jours primordial et urgent, en faire bon usage est devenu une nécessité et place l’édition dans l’air du temps. La plateforme Ermit a assuré la diffusion des Speed Dating, des rencontres, des panels et des rencontres pros fixées à distance. Les thématiques ont été directement reliées à la musique et à son industrie, mais aussi aux droits d’auteur qui restent encore à élaborer en Tunisie. Il y a eu une mobilisation de la part de deux personnes qui ont filmé des concerts dans différents pays et ont garanti leur projection dans divers espaces. La musique était très variée, issue du monde et de l’expérimental. L’export des talents se fait en se basant sur les répertoires et leur richesse, en passant par le numérique et par le présentiel. Les JMC, cette année, ont eu une portée structurante et formatrice, malgré les difficultés liées aux restrictions sanitaires dans leur ensemble. Un problème de visibilité a plané. Des invités n’ont pu être parmi nous et des panels ont été retirés, faute de présence, le plus souvent. Cette nouvelle vision des JMC est expérimentale : l’assimiler aux invités et au public va prendre encore plus de temps, malgré l’enthousiasme ressenti des musiciens participants. La clôture des JMC 2021 à l’IFT a été assurée par le groupe « Songhoy Blues ». L’Institut français de Tunisie (IFT) a en effet accueilli, mercredi soir, le quatuor malien « Songhoy Blues » pour clôturer la 7e édition des JMC. Ces jeunes artistes musiciens originaires du nord du Mali ont conquis le public, en lui garantissant une musique universelle, africaine et contemporaine. Ils sont maliens, artistes révolutionnaires, réfugiés, virtuoses, résistants, et passionnés de rock, les « Songhoy Blues » ont les atouts nécessaires afin de devenir précurseurs du rock africain.
L’association « Al Badil » travaille sur le projet Safir, programme d’incubation et d’accélération de projets dans le domaine des industries créatives et culturelles. Depuis plus d’un an et demi, elle accompagne de jeunes porteurs tunisiens de projets innovants et inédits émanant de tout le territoire tunisien.
C’est lors d’un « pitch bienveillant » dans les locaux d’ «Al Badil », que différents projets prometteurs et leurs concepteurs ont été présentés dans le cadre d’un rendez-vous, favorisant l’échange, le réseautage et la visibilité face à un public divers composé d’acteurs culturels et associatifs. La phase « incubation » du projet Safir touche presque à sa fin et rassemble un peu plus d’une douzaine de porteurs de projets.
L’incubation est une étape première qui s’étale de septembre 2021 à mars 2022 et qui s’achèvera bientôt au profit d’une 2e phase de concrétisation, celle de « l’accélération». Toujours entourés et soutenus par une équipe de professionnels, les porteurs de projets pourront obtenir la somme de 25.000 euros afin de mener à bout leur travail. Le projet est soutenu par la Commission européenne, l’Institut français de Paris, CFI Média, l’AUF, Pitchworthy et Lab’Ess.
« On a voulu donner l’occasion aux incubés d’entrer en contact avec des acteurs issus des secteurs culturels et médias. Ils ont pu ‘‘Pitché’’ (ou présenter) leurs projets face à un parterre d’invités. Pas moins de 11 porteurs de projets ont pu rencontrer une vingtaine de personnes issues du secteur : fondations, partenaires, associations, médias, activistes… Les participants, qu’on peut considérer comme entrepreneurs, sont originaires des régions d’intérieur, du sud, des quatre coins de la Tunisie. Le but étant de décentraliser aussi», précise Ysé Picot, coordinatrice du projet. « Pour les personnes qui ne sont pas installées à Tunis, « Al Badil » leur fournit une bourse de mobilité. On tient à ce qu’ils soient présents, notamment en présentiel, afin de consolider l’esprit de la Cohorte. » Le projet « Mouhit » est une résidence artistique, une salle d’exposition alternative existant en version web. Héla Doghri, une des fondatrices du projet, nous en dit plus : « On est installé à Carthage Byrsa pour l’instant. C’est un espace d’échange entre artistes, pour des collaborations, coopérations, travail en équipe, échange d’idées autour de l’art contemporain et de l’art visuel. La scène artistique est en pleine ébullition. Les artistes ont beaucoup de mal à accéder à des espaces ou au matériel nécessaire. ‘‘Mouhit’’ leur fournit le plus important afin d’arriver à mener à bout leur travail. ». ‘‘Mouhit’’, c’est un Safe Space pour les artistes participants. « Al Badil » nous a accompagnés au pas à pas. Les accompagnateurs pensent à tout : à la communication, à la moindre étape. Ce « Pitch bienveillant » a été enrichissant », a-t-elle déclaré.
Mehdi Cherif est le fondateur de « Fahmologia », un média associatif qui se spécialise dans la vulgarisation scientifique et la mise en valeur de la recherche scientifique locale. Newsletters, articles sur des conférences, parution de livres… Deux grands volets composent « Fahmologia » : celui d’informer, de relayer l’information autour de l’actualité et la conception de vidéos de vulgarisation scientifique. Le 2e volet soutient l’écosystème académique en mettant en avant les thèses et les mémoires, chercheurs et autres. « On est sur les réseaux sociaux pour l’instant : tel un média digital ». « Al Badil » nous a accompagnés notamment en fournissant le plus d’informations possibles, y compris l’encadrement autour du modèle économique à adopter et autres », déclare Mehdi Cherif.
Mondher Falleh est l’un des fondateurs de « Wild Tunes », une société de production audiovisuelle. Mondher travaille en collaboration avec Fourat Neffeti. Les deux sont musiciens, connaisseurs de la scène artistique. Le duo gère trois volets au sein de la société de production : résidences artistiques, production et management de services audiovisuels et gestion de management d’artistes.
D’autres projets prometteurs comme Recycl’art, Cinérif, Gloristory, Media Without Borders, Résidence Teatro, Piccolo Teatro Di Bizerta, Bargou Records, CAT : Communauté des artistes tunisiens et Art de vie verront le jour. Nous y reviendrons plus en détail.